Langlois c. R., 2011 QCCA 1316 (CanLII)
[38] Dans R. c. Mann, la Cour suprême reconnaît aux policiers un pouvoir limité de détention aux fins d'enquête découlant de la common law. M. le juge Iacobucci, qui s'exprime pour les juges de la majorité, explique, au paragraphe 16 :
Comme les policiers ont pour mission de protéger la paix publique et d’enquêter sur les crimes, ils doivent être habilités à réagir avec rapidité, efficacité et souplesse aux diverses situations qu’ils rencontrent quotidiennement aux premières lignes du maintien de l’ordre. Malgré l’absence de consensus formel quant à l’existence du pouvoir des policiers de détenir une personne aux fins d’enquête, plusieurs commentateurs signalent que ce pouvoir est utilisé depuis longtemps au Canada en tant que pratique de maintien de l’ordre.
[39] Un peu plus loin, au paragraphe 34, M. le juge Iacobucci résume les principes directeurs régissant l'utilisation du pouvoir des policiers en matière de détention aux fins d'enquête :
Il ressort de la jurisprudence plusieurs principes directeurs régissant l’utilisation du pouvoir des policiers en matière de détention aux fins d’enquête. L’évolution du critère formulé dans l’arrêt Waterfield, de même que l’obligation des policiers de disposer de motifs concrets établie dans l’arrêt Simpson, requiert que les détentions aux fins d’enquête reposent sur des motifs raisonnables. La détention doit être jugée raisonnablement nécessaire suivant une considération objective de l’ensemble des circonstances qui sont à la base de la conviction du policier qu’il existe un lien clair entre l’individu qui sera détenu et une infraction criminelle récente ou en cours. La question des motifs raisonnables intervient dès le départ dans cette détermination, car ces motifs sont à la base des soupçons raisonnables du policier que l’individu en cause est impliqué dans l’activité criminelle visée par l’enquête. Toutefois, pour satisfaire au deuxième volet du critère établi dans l’arrêt Waterfield, le caractère globalement non abusif de la décision de détenir une personne doit également être apprécié au regard de l’ensemble des circonstances, principalement la mesure dans laquelle il est nécessaire au policier de porter atteinte à une liberté individuelle afin d’accomplir son devoir, la liberté à laquelle il est porté atteinte, ainsi que la nature et l’étendue de cette atteinte.
[40] Plus récemment, dans l'arrêt R. c. Grant, la juge en chef McLachlin et la juge Charron reprennent, au paragraphe 55, la grille d'analyse proposée par le juge Iacobbuci :
Dans Mann, notre Cour a écarté l’idée — évoquée dans la jurisprudence antérieure (voir R. c. Duguay 1985 CanLII 112 (ON CA), (1985), 18 C.C.C. (3d) 289 (C.A. Ont.)) — qu’une détention non autorisée par la loi n’était pas nécessairement arbitraire et elle a confirmé l’existence en common law d’un pouvoir policier de détention pour enquête. On voulait, dans cette jurisprudence, qu’une arrestation reposant sur des motifs qui ne correspondaient pas tout à fait aux « motifs raisonnables et probables » nécessaires ne soit pas automatiquement jugée arbitraire au sens de dépourvue de fondement ou abusive. Mann, en confirmant la légalité de détentions brèves aux fins d’enquête fondées sur des « soupçons raisonnables », a statué implicitement que, s’il n’existait pas au moins des soupçons raisonnables, la détention était illégale et, par conséquent, arbitraire au sens où il faut l’entendre pour l’application de l’art. 9.
[41] Le test consiste donc à vérifier si l'intervention initiale des policiers est fondée sur des « soupçons raisonnables » ou, dit autrement, si les policiers ont des motifs raisonnables de soupçonner que les individus en cause sont impliqués dans une activité criminelle et donc, d'enquêter.
[42] Ce test est bien évidemment moins exigeant que celui des motifs raisonnables et probables requis pour procéder à l'arrestation d'un individu.
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