R. c. M.B., 2006 QCCQ 4143 (CanLII)
[128] L'article 43 du Code prévoit la possibilité pour un parent d'invoquer comme moyen de défense, à l'encontre d'une accusation de voies de fait sur son enfant, le caractère justifiable de la force utilisée, à certaines conditions, si le châtiment corporel est raisonnable compte tenu des circonstances et qu'il vise un objectif de correction.
[129] Dans l'arrêt Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada, rendu le 30 janvier 2004, la Cour suprême du Canada a, notamment, précisé le sens de l'expression "raisonnable dans les circonstances" contenu à l'article 43.
[130] La juge en chef McLachlin, s'exprimant au nom de la majorité de la Cour, écrit ceci:
«De façon générale, l'art. 43 ne soustrait aux sanctions pénales que l'emploi d'une force légère – ayant un effet transitoire et insignifiant – pour infliger une correction. Les experts s'accordent actuellement pour dire que cet article ne s'applique pas au châtiment corporel infligé à un enfant de moins de deux ans ou à un adolescent. La conduite dégradante, inhumaine ou préjudiciable n'est pas protégée. La correction comportant l'utilisation d'un objet ou encore des gifles ou des coups à la tête est déraisonnable. Les enseignants peuvent employer une force raisonnable pour expulser un enfant de la classe ou pour assurer le respect des directives, mais pas simplement pour infliger un châtiment corporel à un enfant. Si on ajoute à ça l'exigence que la conduite vise à infliger une correction, ce qui exclut la conduite résultant de la frustration, de l'emportement ou du tempérament violent du gardien, il se dessine une image uniforme du champ d'application de l'art. 43. Les responsables de l'application de la loi ou les juges ont tort d'appliquer leur propre perception subjective de ce qui est «raisonnable dans les circonstances»; le critère applicable est objectif. La question doit être examinée en fonction du contexte et de toutes les circonstances de l'affaire. La gravité de l'événement déclencheur n'est pas pertinente.»
[131] L'avocat de la défense, à juste titre, argumente que le critère juridique applicable pour déterminer le caractère raisonnable de la force employée varie d'une époque à l'autre et que la cour, en l'espèce, doit se référer à la norme jurisprudentielle dégagée par les tribunaux, à la période alléguée dans l'acte d'accusation.
[132] Avant la décision Canadian Foundation for Children, précitée, deux arrêts sont considérés comme la référence en ce qui a trait à l'établissement de paramètres pour l'interprétation de l'article 43.
[133] Dans l'arrêt Ogg-Moss c. R, rendu en 1984, la Cour suprême du Canada fournit certaines indications sur les constituantes de la disposition en cause:
- l'article 43 doit recevoir une interprétation stricte étant donné qu'il a pour effet d'ôter à des groupes la protection que le droit criminel accorde également à tous;
- le mot "enfant" dans l'article 43 se rapporte à l'âge réel de la personne et en droit, il est le contraire du mot "adulte"; (ce qui inclut les adolescents);
- la personne qui emploie la force doit le faire pour infliger une "correction" et l'enfant doit être capable d'en tirer une leçon; (ce qui exclut les enfants en bas âge);
- tout châtiment motivé par l'arbitraire, la colère ou la mauvaise humeur constitue un délit criminel;
- la force employée doit être "raisonnable dans les circonstances"; (le jugement ne comporte aucune autre mention ou explication sur ce critère).
[134] La portée de l'expression "raisonnable dans les circonstances" est définie, de façon plus précise, par la Cour d'appel de la Saskatchewan dans l'arrêt R. c. Dupperon. Dans cette cause, la Cour d'appel énonce certains facteurs qui doivent être considérés pour décider si la force employée est acceptable:
- la nature de la faute à l'origine de la correction infligée;
- l'âge et le caractère de l'enfant;
- l'effet probable du châtiment sur cet enfant;
- la sévérité du châtiment;
- les circonstances dans lesquelles le châtiment a été infligé;
- les blessures subies, s'il en est.
[135] Dans l'arrêt Canadian Foundation for Children, précité, la juge Arbour passe en revue le corpus jurisprudentiel canadien, développé par les cours d'appel et de première instance, sur l'interprétation et l'application de l'expression "raisonnable dans les circonstances", avant le 30 janvier 2004.
Dans leur opinion respective, la juge en chef et le juge Binnie jettent un regard critique sur un bon nombre de ces jugements et leurs commentaires sur le sujet, même s'ils n'ont pas l'autorité de la chose jugée, doivent néanmoins nous guider dans la consultation de ces décisions et dans l'examen de circonstances survenues sous le régime de cette jurisprudence, avant le 30 janvier 2004.
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