lundi 17 octobre 2011

Revue de la jurisprudence sur la garde et contrôle et illustrations jurisprudentielles de ce qui la constitue

Desaulniers c. R., 2011 QCCS 5282 (CanLII)

[40] Tout comme l'infraction de conduite avec les facultés affaiblies, celle de garde et de contrôle nécessite la preuve de l'actus reus et de la mens rea.

[41] Le ministère public doit aussi démontrer que l'accusé assume non seulement la garde et le contrôle de son véhicule alors que ses facultés sont affaiblies, mais qu'il avait l'intention d'exercer une telle garde ou contrôle.

[42] Ce principe fut clairement établi par la Cour suprême dans l'arrêt Toews :

« […]

La mens rea de l'infraction de conduite avec facultés affaiblies est l'intention de conduire un véhicule à moteur après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue. L'actus reus est l'acte qui consiste à conduire alors que la consommation volontaire d'alcool ou d'une drogue a affaibli la capacité de conduire. De même, la mens rea de l'infraction d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur est l'intention d'assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue. L'actus reus est l'acte qui consiste à assumer la garde ou le contrôle du véhicule alors que la consommation volontaire d'alcool ou d'une drogue a affaibli la capacité de conduire.

[…] »

[43] Comme le souligne à juste titre le juge de première instance, la notion de « garde et de contrôle » a fait l'objet de nombreux jugements.

[44] L'analyse de la jurisprudence nous enseigne que cette notion doit être évaluée sous l'angle du risque ou du danger que représente la personne qui exerce la garde ou le contrôle du véhicule automobile alors que ses capacités sont affaiblies. Chaque affaire doit être décidée selon les faits qui lui sont propres.

[45] La jurisprudence applique ainsi les principes énoncés par la Cour suprême dans l'arrêt Toews précité :

« […]

Cependant, la jurisprudence citée illustre le point et amène à conclure que les actes de garde ou de contrôle, hormis l'acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l'on pourra conclure qu'il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup.

[…] »

[46] À titre illustratif, la jurisprudence a déjà établi qu'une personne représente un risque ou un danger dans les situations suivantes :

➢ elle dort dans son véhicule et elle possède les moyens et la capacité de le déplacer;

➢ elle manie le volant de son véhicule alors qu'une dépanneuse s’affaire à le tirer hors du fossé;

➢ elle fait venir une dépanneuse pour dégager son véhicule et elle peut reprendre le volant;

➢ elle attend la dépanneuse à l’extérieur du véhicule, avec les clés dans ses poches;

➢ elle se retrouve à côté de son véhicule embourbé et autorise une dépanneuse à l’extirper;

➢ elle incite des tiers à tenter de dégager son véhicule embourbé.

[47] Par ailleurs, le paragraphe 258 (1)a) C.cr établit une présomption à l'effet que la personne qui occupe la position ordinairement occupée par celui qui conduit un véhicule à moteur est réputée en avoir la garde et le contrôle. Cet article se lit ainsi :

(...)

[48] Pour repousser cette présomption, la personne qui occupait le siège du conducteur doit démontrer, au moyen d'une preuve prépondérante, qu'elle n'entendait pas mettre le véhicule en mouvement.

[49] À ce sujet, voici ce que le juge Robertson, de la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick écrit dans l'arrêt R. c. Mallery :

« […]

Il va sans dire qu’il s’agit là d’un cadre général. Bien que l’intention de conduire (de mettre le véhicule en mouvement) ne soit pas un élément essentiel de l’infraction, si cette intention est prouvée, elle peut donner lieu à une déclaration de culpabilité. À cet égard, le ministère public a la possibilité d’invoquer la présomption énoncée à l’al. 258(1)a) du Code criminel. S’il est établi que l’accusé occupait la place du conducteur, c’est à l’accusé qu’il incombe d’établir, par prépondérance de la preuve, que ce n’était pas dans le but de mettre le véhicule en mouvement. L’accusé qui ne réussit pas à réfuter cette présomption sera réputé avoir eu la garde ou le contrôle du véhicule et, sous réserve des autres moyens de défense susceptibles d’être invoqués, une déclaration de culpabilité suivra. De plus, l’omission de réfuter la présomption a pour effet, en droit, de dispenser la Cour de la nécessité de s’interroger sur l’existence d’un danger. Si, toutefois, l’accusé réfute la présomption, le ministère public a néanmoins le droit d’établir qu’il y a « réellement » eu garde ou contrôle en prouvant qu’il existait un risque que le véhicule soit involontairement mis en mouvement ou qu’un danger immédiat pour la sécurité publique soit créé d’une autre façon (voir les affaires Decker et Hannemann). Lorsqu’il applique ce cadre général, le juge du procès doit tenir compte de l’ensemble des circonstances qui ont précédé l’intervention, habituellement celle des policiers. Surtout, il n’est pas permis au juge du procès d’isoler certains faits et d’estimer que ces faits sont suffisants aux fins d’établir l’existence d’un risque pour la sécurité publique. Une dernière chose. En ce qui concerne les instances où l’accusé « cuvait son alcool », les arguments relatifs au « changement d’avis » et à l’existence d’un « plan bien arrêté » sont parfois invoqués et pris en compte lorsqu’il s’agit de déterminer si la présomption législative a été réfutée (par exemple dans l’affaire Hannemann). Dans d’autres instances, le juge du procès peut examiner ces arguments après avoir tout d’abord statué que l’accusé a réfuté la présomption selon laquelle il avait l’intention de conduire. Dans l’un et l’autre cas, le résultat devrait être le même. »

[…] »

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