mercredi 18 juillet 2012

Arrêt de principe de la Cour d'Appel concernant les conditions qui doivent être satisfaites pour que l'appelant soit remis en liberté pendant l'appel

Raîche c. R., 2012 QCCA 1222 (CanLII)

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[5] Le paragraphe 679(3) C.cr. énonce les conditions qui doivent être satisfaites pour que l'appelant soit remis en liberté pendant l'appel. Il doit établir que: 1) son appel n'est pas futile; 2) il se livrera en conformité avec les termes de l'ordonnance; 3) sa détention n'est pas nécessaire dans l'intérêt public.

[6] Dans son Guide annoté sur les procédures et techniques de plaidoiries devant la Cour d'appel, l'auteur Pierre L. Bienvenue explique le fondement de la requête pour remise en liberté provisoire de la façon suivante:

571 – L'appel qu'un accusé intente à l'encontre d'un verdict de culpabilité qu'il estime non fondé ou à l'encontre d'une peine qu'il estime excessive n'aurait pas grand sens, s'il devait purger toute sa peine (ou du moins une part substantielle de celle-ci) avant que son appel ne soit entendu par la Cour d'appel. Le législateur a donc prévu, pour éviter que de tels appels ne deviennent ainsi théoriques, dépouillés de tout intérêt autre que d'être exonéré ou soulagé sur papier, la faculté pour l'accusé appelant de demander sa « mise en liberté en attendant la décision de l'appel » : ce, en fonction des conditions (par. 679(3) ou (4) C.cr.) et selon les modalités (par. 679(5) et (5.1) qu'il y a associées. De leur côté, les juges de la Cour d'appel ont établi la nécessité d'un affidavit détaillé du requérant pour les éclairer en regard de ces conditions (art. 53 R.P.C.A.). Nous étudierons ci-après ce régime particulier de remise en liberté, à la lumière de la jurisprudence afférente.

[7] Examinons chacun des trois critères énoncés au paragraphe 679(3) C.cr.

[8] L'appel n'est pas futile. Comme le rappelle la juge Bich dans Lacroix c. R., la requête pour permission de faire appel sur des questions mixtes de fait et de droit ayant été accueillie, on ne peut pas parler de frivolité. L'avocat du Ministère public suggère d'examiner le mémoire d'appel de l'appelant pour refaire l'exercice et conclure à la faiblesse de son appel. Cette proposition est erronée. D'une part, l'appelant n'a pas à prouver le bien-fondé de ses moyens d'appel; il suffit qu'il établisse que les questions soulevées sont défendables. D'autre part, il est inapproprié pour le juge saisi d'une telle requête de se prononcer sur le fond du dossier.

[9] Ici, l'appel n'est pas futile. Les questions posées visent à déterminer si la conduite de l'appelant est criminelle ou si elle s'apparente plutôt à une faute civile. Cette détermination est particulièrement délicate et elle nécessite un examen détaillé de la preuve. À ce stade, il suffit de constater que le juge saisi de la requête pour permission d'appeler du verdict a été satisfait de la suffisance des motifs invoqués par l'appelant.

[10] L'appelant se livrera en conformité avec les termes de l'ordonnance. Il n'y a aucune raison de croire que cette condition ne sera pas satisfaite. D'ailleurs, l'avocat du Ministère public n'a fait aucun commentaire sur cet élément. Je signale que l'appelant a respecté les conditions de sa remise en liberté depuis le début des procédures en 2009 ce qui constitue, selon la jurisprudence, un facteur déterminant.

[11] La détention de l'appelant n'est pas nécessaire dans l'intérêt public. Il s'agit ici d'analyser deux facteurs soit 1) la protection et la sécurité du public et 2) la confiance du public dans l'administration de la justice. Le critère « protection et la sécurité du public » nécessite une évaluation du risque que présente l'appelant s'il est remis en liberté pendant l'appel. L'appelant est sans antécédents judiciaires et il a respecté ses conditions de remise en liberté, et ce, depuis le début des procédures. Je suis d'avis que ces faits permettent de conclure que le public ne court pas de risques.

[12] Quant au second volet de ce critère, celui qui se rattache à la confiance du public, je fais miens les propos du juge Doyon dans Guité précité :

À l’égard du second volet, les tribunaux doivent s’assurer que le public ne perdra pas confiance dans l’administration de la justice si l’appelant est mis en liberté. Le public dont il est question est celui qui connaît les règles de droit et qui est, comme l’écrit le juge Chamberland, «au fait de tous les tenants et aboutissants du dossier» : R. c. Do, REJB 1997 – 03809 (C.A.), et un public, comme le rappelait le juge Fish, alors à la Cour, «fully appreciative of the rules applicable under our system of justice» : Pearson c R., AZ-90011560 . Il s’agit donc d’un public qui est en mesure de se former une opinion éclairée, ayant pleinement connaissance des faits de la cause et du droit applicable, et qui n’est pas mû par la passion mais bien par la raison.

[13] En l'espèce, un public bien informé ne perdra pas confiance dans l'administration de la justice si l'appelant est remis en liberté durant l'appel. L'effet d'une telle remise en liberté est de retarder son emprisonnement pendant une certaine période si son appel devait être rejeté alors que, à l'inverse, il pourrait subir inutilement une peine d'emprisonnement si son appel était accueilli. Vu les circonstances du présent dossier, en particulier le profil de l'appelant, son comportement durant les procédures, l'absence d'antécédents judiciaires et ses moyens d'appel, je suis d'avis que la troisième condition du paragraphe 679(3) C.cr. est satisfaite.

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