mercredi 4 décembre 2013

Comment apprécier la valeur d'une information volée en regard de l'affaire Stewart

R. c. Desroches, 1992 CanLII 3499 (QC CA)


La position de l'accusé consiste à dire: l'information contenue dans les documents ne peut faire l'objet d'un vol, selon Stewart: tout ce qui a été volé, ce sont «123 feuilles, cartons ou enveloppes déjà utilisés dont la valeur n'est que celle du papier remise à la récupération» (m.a. p. 21).

Donc, s'il y a eu vol, c'est une valeur de quelques cents, qui ne correspond pas à l'acte d'accusation.


Je ne puis accepter cette proposition, comme je ne pourrais accepter que celui qui me volerait une modeste chaise en bois puisse me dire que tout ce qu'il m'a pris c'est quelques barreaux et bouts de bois usagés tout juste bons pour faire une attisée.

Il me semble aussi que je serais victime de vol si un intrus pénétrait dans mon bureau et en repartait avec cette opinion de 15 feuillets que je viens de rédiger à la main et dont je n'ai évidemment aucune copie. Et pourtant, le contenu objectif de cette opinion ce ne sont que des concepts juridiques, des détails tirés des factums, des citations de jurisprudence et de doctrine, toutes choses qui continuent d'exister de fait et qui demeurent disponibles. De cette existence et de cette disponibilité peut-on tirer l'argument qu'on ne m'a rien pris sinon 10 feuilles de papier usagées et de valeur à peu près nulle. Ne suis-je pas privé non seulement du produit matériel de mon travail mais aussi de l'avantage que je suis en droit d'en tirer? J'en suis convaincu.

Ce qui est en cause, c'est toute la valeur qu'ajoute le travail à la matière première, pour produire l'oeuvre. Dans la confection d'une chaise, c'est le temps, l'habileté, l'expérience et le talent de l'artisan. Dans la confection d'une soumission ou autre document élaboré, c'est non seulement le papier, support matériel mais aussi le temps, le talent, les connaissances, l'expérience, la capacité de l'auteur de réunir, organiser et présenter la matière, c'est enfin le produit fini, le résultat de l'ensemble de l'opération. Encore faut-il ajouter que ce document, une soumission par exemple, n'est pas un lot informe de données, de statistiques, de renseignements épars, mais un arrangement préparé d'après un plan et orienté vers un objectif précis. Ainsi, il se distingue également de l'information brute, générale et accessible à tous.

Dans le cas de la chaise comme dans ceux de la soumission ou de l'opinion, ce qui est en cause c'est, je l'ai dit, le travail qu'on y a investi, mais aussi l'utilité qui en résulte pour son possesseur. Dans tous les cas cette utilité est telle que pour la retrouver, il faut construire une nouvelle chaise, établir une nouvelle soumission, rédiger une nouvelle opinion. La victime se trouve donc privée d'une chose et de l'utilité qu'elle est en droit d'en retirer, c'est un vol. (nos soulignés)

C'est là aussi une différence essentielle avec les listes d'employés de l'affaire Stewart. Elles seraient demeurées en la possession de l'hôtelier, il n'aurait pas eu à les reconstituer, il en aurait conservé toute l'utilité. Seule la connaissance de leur contenu aurait été divulguée. (nos soulignés)

Donc, en ce qui concerne les deux soumissions, je suis d'avis qu'il y a eu vol. Ce vol est-il de plus ou de moins de 1 000$? Il est en preuve qu'il en aurait coûté plus de 1 000$ pour refaire la soumission à Bell South, sans parler de l'autre soumission à Hawain Telephone. Je conclus dans le cas des soumissions à un vol de plus de 1 000$.


Cette conclusion me dispense de parler des autres documents volés, lettres, listes de prix, manuels, fiches techniques dont la valeur est assez difficile à établir, compte tenu de la preuve.

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