mardi 2 janvier 2018

La mens rea de la fraude

Goulet c. R., 2016 QCCA 2090 (CanLII)

Lien vers la décision

[37]        Dans les arrêts Olan, Théroux et Zlatic, la Cour suprême explique que l'actus reus de la fraude comporte deux éléments. D'une part, il doit s'agir d'un acte prohibé ou malhonnête, qui consiste en une supercherie, en un mensonge ou en un autre moyen dolosif. D'autre part, il faut qu'il y ait une privation causée par cet acte prohibé, celle-ci pouvant soit être une perte véritable soit une mise en péril des intérêts pécuniaires de la victime. Notons toutefois qu'il n'est pas nécessaire que la personne qui commet la fraude en tire profit pour qu'elle soit déclarée coupable, ni que la victime en subisse une perte pécuniaire réelle pour que l'accusé soit trouvé coupable.
[38]        Quant à la mens rea, elle est constituée à la fois de la connaissance subjective de l'acte prohibé, et de la connaissance subjective que l'acte prohibé pourrait causer une privation à autrui, sans qu'il ne soit nécessaire que l'accusé saisisse subjectivement la malhonnêteté de son acte.
[39]        Notre Cour, sous la plume de la juge Côté, a résumé les éléments constitutifs de cette infraction dans l'arrêt Guité c. R. :
[93]           Les éléments essentiels de l'infraction de fraude ont été analysés par la Cour suprême dans trois arrêts de principe : R. c. Olan1978 CanLII 9 (CSC)[1978] 2 R.C.S. 1175R. c. Théroux1993 CanLII 134 (CSC)[1993] 2 R.C.S. 5 et R. c. Zlatic1993 CanLII 135 (CSC)[1993] 2 R.C.S. 29. Dans ces affaires, la Cour suprême a énoncé ce que constitue la mens rea de l'infraction de fraude en distinguant l'actus reus qui sera établi par la preuve d'un acte malhonnête dont l'appréciation doit se faire à partir de la norme objective de la personne raisonnable.
[94]           La perception réelle ou personnelle de l'accusé n'intervient que dans l'appréciation de la mens rea de l'infraction de fraude, soit qu'il savait qu'il commettait un acte malhonnête et que celui-ci entraînerait une privation pour la victime. Il faut rappeler qu'il y a privation dès qu'il y a un risque de préjudice pour les intérêts pécuniaires de la victime : R. c. Olan et R. c. Zlatic, précités.
[40]        La mens rea de la fraude n’exige pas d’intention malicieuse, malveillante ou de nuire chez l’accusé. On ne cherche pas à savoir si une personne raisonnable aurait prévu les conséquences de l’acte prohibé, mais plutôt si l’accusé avait une conscience subjective que les conséquences étaient à tout le moins possibles.
[41]        Dans l'arrêt R. c. Théroux, la juge McLachlin, écrivant pour la majorité, affirmait que « [p]our établir la mens rea de la fraude, le ministère public doit démontrer que l'accusé a sciemment employé le mensonge, la supercherie ou un autre moyen dolosif alors qu'il savait qu'une privation pouvait en résulter ». Elle rappelait également que la preuve de la connaissance n'exige pas nécessairement de faire la preuve précise de ce que l'accusé avait à l'esprit au moment où il commettait l'infraction :
Dans certains cas, la conscience subjective des conséquences peut être déduite de l'acte lui‑même, sous réserve de quelque explication qui vient mettre en doute cette déduction. Le fait qu'une telle déduction soit faite ne diminue en rien le caractère subjectif du critère.
[Soulignements ajoutés]
[42]        Dans leur ouvrage sur les infractions contre la propriété, les auteurs Gagné et Rainville s'expriment ainsi quant à la connaissance des faits constitutifs du moyen dolosif employé :
La fraude consiste à faire usage d'un moyen dolosif occasionnant la privation d'un tiers. L'utilisation de ce moyen dolosif ne doit pas être involontaire: l'inculpé doit avoir été au courant des faits constitutifs du moyen dolosif qu'on lui reproche d'avoir utilisé. La Cour suprême ne distingue pas selon la nature du moyen dolosif employé. L'accusé devra avoir agi intentionnellement quel que soit le comportement frauduleux qui lui est reproché: «L'accusé doit intentionnellement tromper, mentir ou accomplir quelque autre acte frauduleux pour que l'infraction soit établie.» Tout doute raisonnable quant à l'état des connaissances du prévenu suffira à le faire acquitter.

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