mardi 2 janvier 2018

Les éléments constitutifs de la fraude

R. c. Laraque, 2017 QCCQ 6584 (CanLII)

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[120] Le législateur prévoit ce crime à l’article 380 du Code criminel. Cet article prévoit que quiconque, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, constituant ou non un faux semblant, frustre une personne de quelque bien, service, argent ou valeur.
[121] Ce délit est punissable d’un maximum de 14 ans d’emprisonnement lorsqu’il vise une appropriation dépassant 5 000 $.
[122] Il s’agit d’une infraction qui se veut de portée générale, selon les enseignements de la Cour suprême du Canada, notamment dans les arrêts OlanThéroux et Zlatic, et qui doit être interprétée de façon libérale et inclusive.
[123] L’infraction ou le crime est susceptible d’englober une large gamme d’activités commerciales ou autres et ne se limite pas aux seuls cas de tromperie : R. c. Riesberry. Il requiert la preuve d’actes empreints de malhonnêteté en appliquant la norme objective d’une personne raisonnable. Cette personne raisonnable qualifierait-elle l’acte de malhonnête?
[124] Également, les actes malhonnêtes doivent être susceptibles d’occasionner un préjudice ou la mise en péril du patrimoine financier de la victime. Nul besoin qu’il y ait des pertes encourues, ni que l’accusé le souhaite ou en retire un profit.
[125] Dans Olan, précité, la Cour suprême du Canada mentionne que les termes « autre moyen dolosif » couvrent les moyens qui ne sont ni des mensonges, ni des supercheries. Ils comprennent tous les autres moyens qu’on peut proprement qualifier de malhonnêtes. Ils englobent le fait d’utiliser sciemment les actifs d’une compagnie à l’encontre de ses intérêts financiers et au détriment des actionnaires minoritaires.
[126] Dans Théroux, précité, on donne des exemples de moyens dolosifs incluant : l’utilisation des ressources financières d’une compagnie à des fins personnelles; la dissimulation de faits importants à la victime; le détournement non-autorisé de fonds; et l’usurpation non‑autorisée de fonds ou de biens. S’il s’agit d’un cas de fausses représentations et de propos mensongers, il n’est pas nécessaire de chercher d’autre moyen dolosif, les éléments n’étant pas cumulatifs.
[127] Les éléments constitutifs du crime de fraude sont exprimés ainsi par la juge McLachlin dans Théroux :
« […] l’actus reus de l’infraction de fraude sera établi par la preuve :
1.  D’un acte prohibé, qu’il s’agisse d’une supercherie, d’un mensonge ou d’un autre moyen dolosif; et
2.  De la privation causée par l’acte prohibé, qui peut consister en une perte véritable ou dans le fait de mettre en péril les intérêts pécuniaires de la victime.
De même, la mens rea de la fraude est établie par la preuve : 
1.  De la connaissance subjective de l’acte prohibé; et
2.  De la connaissance subjective que l’acte prohibé pourrait causer une privation à autrui (laquelle privation peut consister en la connaissance que les intérêts pécuniaires de la victime sont mis en péril). »
[128] Si la conduite et la connaissance requises par ces définitions sont établies, l’accusé est coupable, peu importe qu’il ait effectivement souhaité la conséquence prohibée ou qu’il lui était indifférent qu’elle se réalise ou non.
[129] Or, toujours dans Théroux, la Cour suprême du Canada mentionne que l’exigence d’un acte frauduleux intentionnel exclut la simple déclaration inexacte faite par négligence. Elle exclut également le comportement commercial imprudent ou le comportement qui est déloyal, au sens de profiter d’une occasion d’affaires au détriment d’une personne moins astucieuse. L’accusé doit intentionnellement tromper, mentir ou accomplir quelques autres actes frauduleux pour que l’infraction soit établie.
[130] Dans Zlatic, précité, l’accusé, un homme d’affaires, a détourné le produit de marchandises destinées à la revente pour s’adonner au jeu. Il avait reçu de ses fournisseurs, en contrepartie de chèques postdatés ou à crédit, des marchandises d’une valeur de 375 000 $. Sa compagnie a finalement fait faillite et les fournisseurs ont été floués.
[131] On constate que l’intention de compenser ou de rembourser la perte ne constitue pas un moyen de défense. L’infraction, pour ainsi dire, est complète ou consommée et les bonnes intentions de l’accusé ne peuvent le disculper.
[132] La plupart des fraudes comportent une forme de supercherie ou mensonge. Tel que souligné dans Théroux, la preuve de la supercherie ou du mensonge suffit à établir l'actus reus de la fraude. Aucune autre preuve d'un acte malhonnête n'est requise en pareils cas.
[133] Donc, la troisième catégorie de « l'autre moyen dolosif » peut servir à obtenir des déclarations de culpabilité dans un certain nombre de situations où il est impossible de démontrer l'existence d'une supercherie ou d'un mensonge. Ces situations incluent, à ce jour, l'utilisation des ressources financières d'une compagnie à des fins personnelles, la dissimulation de faits importants, l'exploitation de la faiblesse d'autrui, le détournement de fonds et l'usurpation de fonds ou de biens.
[134] Une conduite malhonnête est celle qu’une personne ordinaire jugerait indigne parce qu’elle est nettement incompatible avec les activités honnêtes ou honorables. À ce chapitre, la simple négligence ne suffit pas. La malhonnêteté de « l’autre moyen dolosif » tient essentiellement à l’emploi illégitime d’une chose sur laquelle une personne à un droit, de telle sorte que ce droit d’autrui se trouve éteint ou compromis. L’emploi est « illégitime » dans ce contexte s’il constitue une conduite qu’une personne honnête et raisonnable considérerait malhonnête et dénuée de scrupule

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