mercredi 9 mai 2018

Si une partie veut contredire ou attaquer la crédibilité d’un témoin, elle doit donner à ce témoin l’opportunité de donner sa version des choses

Takri c. R., 2015 QCCA 690 (CanLII)

Lien vers la décision

[18]      L’appelant est mal fondé de reprocher à la juge de ne pas avoir utilisé des photographies représentant le [...] à Montréal, prises près de huit ans après les faits, aux fins d’évaluer négativement la crédibilité de la plaignante Y ou la fiabilité de ses propos.
[19]      La juge ne les a pas rejetées du dossier; elle n’en a que contrôlé l’usage dans le contexte de son évaluation de la crédibilité de la plaignante Y, eu égard à l’ensemble des circonstances.
[20]      Un principe affirmé depuis 1893, dans l’arrêt Browne c. Dunn de la House of Lords, requiert qu’une partie qui veut contredire ou attaquer la crédibilité d’un témoin soit tenue de donner à ce témoin l’opportunité de donner sa version des choses. Ici, l’appelant ne l’a pas fait ni lors du contre-interrogatoire de la plaignante ni par la suite à l’occasion d’une demande à cette fin, au besoin, après qu’il eut introduit en preuve ces photographies.
[21]      L’appelant plaide que la plaignante Y a été contre-interrogée sur l’état des lieux où se seraient produits les événements et que cela suffit : de la sorte, soutient-il, elle a eu l’occasion de donner sa version. Il a tort, car la preuve au dossier ne permet aucunement d’affirmer, bien au contraire, que les événements se sont déroulés au [...] à Montréal.
[22]      Dans R. v. Verney, le juge Finlayson de la Cour d’appel de l’Ontario résume la raison d‘être du principe ainsi : « […] Browne v. Dunnis a rule of fairness that prevents the "ambush" of a witness by not giving him an opportunity to state his position with respect to later evidence which contradicts him on an essential matter. »
[23]      Comme l’énoncent les juges Major et Fish pour la Cour suprême dans R. c. Lyttle, et bien que la règle de Browne v. Dunn n’a pas un caractère absolu, « [l]a mesure dans laquelle elle est appliquée est une décision qui relève du pouvoir discrétionnaire du juge du procès, eu égard à toutes les circonstances de l’affaire. »
[24]      Alors « qu’aucune des photographies n’ont été exhibées à Y pour voir si elle reconnaissait les lieux comme étant les lieux où elle avait été », comme l’écrit la juge, que le [...] à Montréal se trouve au sud du boulevard [...] alors que la plaignante affirme s’être rendue au nord de ce boulevard et que le témoignage de l’accusé est pour le moins flou et variable quant à ses diverses adresses au fil des ans et quant à sa rencontre avec la plaignante Y au cours de laquelle il reconnait, par ailleurs, avoir eu des relations sexuelles, l’appelant ne réussit pas à établir que la décision de la juge d’appliquer le principe de Browne c. Dunn constitue un exercice de discrétion susceptible de justifier une intervention de notre part.

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