J.L. c. R., 2017 QCCA 398
[84] Le ministère public a donc invité l’appelant à donner son opinion sur le témoignage de la victime en lui demandant si elle mentait. Selon le ministère public, l’appelant aurait en quelque sorte ouvert la porte à ce sujet en attaquant la crédibilité de Mme Le.... Il cite en appui les arrêts : R. v. McDonald, 2007 ABCA 53 et R. c. Farquharson, 2002 CanLII 41775 (C.A.O.). Avec égards, je ne crois pas que ces décisions autorisent ce que le ministère public cherche à justifier. Le premier arrêt traite essentiellement d’admettre en contre-preuve les pressions exercées sur un témoin récalcitrant en déposant une déclaration faite à un policier, suivant l’article 11 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C-5. Le second s’intéresse à la possibilité pour un accusé de faire la preuve de l’animosité à son égard du témoin principal de la poursuite.
[85] La jurisprudence reconnaît l’interdiction générale de contre-interroger un témoin sur son opinion quant à la véracité d’un autre témoignage : R. c. Markadonis, 1935 CanLII 44 (SCC), [1935] R.C.S. 657; R. c. M.J.B., 2012 ABCA 119, par. 32-39, 46-49 (C.A.A.) ; LSJPA - 0723, 2007 QCCA 48, par. 90; R. c. A.(T.)., 1994 CanLII 5536 (C.A.Q); R. c. L.L., 2009 ONCA 413, par. 14-16 (C.A.O.) ; R. c. Ellard, 2003 BCCA 68, par. 21; R. v. P.L.F.N, 1999 CanLII 18637, par. 24 (C.A.M.) ; R. c. Marsaw (1998), 1997 CanLII 17154 (CACM), 119 C.C.C. (3d) 3, 18 (C.M.A.); R. c. C. (G.) (1997), 1996 CanLII 6634 (NL CA), 110 C.C.C. (3d) 233, 251 (C.A.T.-N.). C'est précisément ce qui s’est produit en l’espèce.
[86] L’arrêt R. c. Ambrose, 2000 ABCA 125, fait office d’orphelin en la matière, même s’il a été cité dans l’arrêt R. c. M.J.B., 2012 ABCA 119. Il faut dire qu’en discutant une possible exception à la règle, la Cour constate qu’Ambrose avait lui-même accusé les témoins de la poursuite d’un complot à son égard, un sujet dont l’exploration par le ministère public devenait légitime. Autrement, ce type de question est prohibé.
[87] En outre, le danger est réel de détourner l’attention de la véritable question au procès qui est de savoir si la poursuite a présenté une preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité : R. c. L.L., 2009 ONCA 413, par. 16 (C.A.O.) ou de tirer une inférence défavorable devant l’absence de réponse « raisonnable et persuasive » selon les propos du juge Brooke dans l’arrêt R. c. F. (C.), 1996 CanLII 623 (C.A.O.), cité dans l’arrêt R. c. L.(L.), précité.
[88] Cela ressort clairement des extraits du jugement que j’ai rapportés. Rappelons que le juge dit expressément qu’il fait face à « une jeune personne de huit (8) ans qui a fait, ni plus ni moins, une fausse accusation auprès des policiers, vous parlez donc d'un complot ». Il estime de plus que le comportement des témoins n’est pas compatible avec l’existence d’un complot. Manifestement, son raisonnement est fortement influencé par cette preuve qu’il se devait de rejeter et d’ignorer, ce qu’il n’a pas fait.
[89] Dans un procès où la crédibilité est au cœur de la décision, cette erreur est fatale et commande un nouveau procès.
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