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mardi 17 décembre 2013

L’étendue du secret professionnel de l’avocat

 R. c. McClure, 2001 CSC 14 (CanLII), [2001] 1 RCS 445


34                           Malgré son importance, le secret professionnel de l’avocat n’est pas absolu. Il est assujetti à des exceptions dans certains cas.  Dans l’arrêt Jones, précité, par. 51, le juge Cory a examiné si le privilège devait être supplanté afin d’assurer la sécurité du public :

De la même façon qu'aucun droit n'est absolu, aucun privilège ne l'est, y compris celui du secret professionnel de l'avocat qui souffre des exceptions bien définies.  La décision d'exclure des éléments de preuve qui seraient à la fois pertinents et d'une grande valeur probante parce qu'ils font l'objet du secret professionnel de l'avocat constitue une décision de principe qui est fondée sur l'importance que revêt ce privilège pour notre système judiciaire en général.  Dans certains cas, toutefois, d'autres valeurs sociales doivent avoir préséance.

35                           Toutefois, le secret professionnel de l’avocat doit être aussi absolu que possible pour assurer la confiance du public et demeurer pertinent.  Par conséquent, il ne cède le pas que dans certaines circonstances bien définies et ne nécessite pas une évaluation des intérêts dans chaque cas.

36                           Les communications entre un avocat et son client ne sont pas toutes privilégiées.  Pour qu’une communication soit privilégiée, il doit s’agir d’une communication entre un avocat et son client au cours de laquelle ce dernier sollicite des conseils juridiques licites.  Wigmore, op. cit., énonce ainsi la règle générale, p. 554 :

[TRADUCTION]  Les communications faites par le client qui consulte un conseiller juridique ès qualité, voulues confidentielles par le client, et qui ont pour fin d'obtenir un avis juridique font l'objet à son instance d'une protection permanente contre toute divulgation par le client ou le conseiller juridique, sous réserve de la renonciation à cette protection.

37                           Ainsi, seules les communications faites dans le but légitime d’obtenir une aide ou des conseils professionnels licites sont privilégiées.  Seul le client peut renoncer au privilège.  Voir M. M. Orkin, Legal Ethics:  A Study of Professional Conduct (1957), p. 84 :

[TRADUCTION]  Il incombe à l’avocat d’insister sur ce privilège qui s’applique à « toute communication qu’un client fait à son avocat dans le but d’obtenir une aide ou des conseils professionnels relativement à une action pendante ou à toute autre question qui se prête à une aide professionnelle » [Ludwig, 29 C.L. Times 253; Minet cMorgan (1873), 8 Ch. App. 361].  Le privilège est celui du client et seul ce dernier peut y renoncer.

L’accusé qui choisit de témoigner à son nouveau procès pour la même accusation ne peut pas se prévaloir de l’art. 13 de la Charte

R. c. Henry, 2005 CSC 76 (CanLII), [2005] 3 RCS 609

Lien vers la décision

L’accusé qui choisit de témoigner à son nouveau procès pour la même accusation ne peut pas se prévaloir de l’art. 13 de la Charte.  L’objet de l’art. 13est de protéger les individus contre l’obligation indirecte de s’incriminer.  À l’instar de l’art. 5 de la Loi sur la preuve au Canada, l’art. 13 établit un quid pro quo ou une contrepartie : lorsqu’un témoin contraint de déposer au cours d’une procédure judiciaire risque de s’auto‑incriminer, l’État lui offre une protection contre l’utilisation subséquente de cette preuve contre lui en échange de son témoignage.  En l’occurrence, les accusés ont choisi librement de témoigner à leurs premier et deuxième procès.  La contrainte à l’origine de la contrepartie, qui constitue un élément essentiel de l’art. 13, n’existait pas.  Par conséquent, leur contre‑interrogatoire par le ministère public n’a pas porté atteinte aux droits que l’art. 13 de la Charte leur garantit.  Ils n’avaient pas besoin d’être protégés « contre l’obligation indirecte de s’incriminer »

La preuve documentaire en matière de manquement à une ordonnance de sursis à l’emprisonnement

R. c. McIvor, 2008 CSC 11 (CanLII), [2008] 1 RCS 285


Le ministère public peut établir un manquement à une ordonnance de sursis à l’emprisonnement en produisant, sous forme documentaire, la preuve qu’il lui faut normalement présenter au moyen de témoignages de vive voix suivant les règles de preuve ordinaires.  Le contenu du rapport de l’agent de surveillance ou des déclarations des témoins n’est pas restreint aux seuls faits dont leur auteur a une connaissance personnelle; ces documents peuvent faire état de toute question au sujet de laquelle leur auteur pourrait être interrogé s’il était appelé à témoigner de vive voix.  Cette procédure simplifiée s’applique sous réserve de la décision du tribunal d’autoriser le délinquant à contre‑interroger l’agent de surveillance ou un témoin si le délinquant l’a convaincu de l’utilité de la comparution. [5]



Le législateur cherchait le juste équilibre entre la nécessité de mettre en place une procédure efficace et celle de satisfaire aux exigences de l’équité procédurale.  Comme la poursuite est autorisée à présenter l’ensemble de sa preuve sous forme documentaire, l’audience peut se dérouler de manière plus simple et plus expéditive.  L’exigence selon laquelle les déclarations signées des témoins doivent figurer dans le rapport de l’agent de surveillance assure un niveau de fiabilité minimal.  Le pouvoir du tribunal d’exiger la comparution, pour fin de contre‑interrogatoire, de l’agent de surveillance ou de tout témoin garantit encore davantage le respect de l’équité procédurale. [27]

Dans certains cas, l’agent de surveillance sera en mesure de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir le prétendu manquement.  En l’espèce, toutefois, ni l’agent de surveillance de M ni l’auteur du rapport de police n’auraient pu fournir un témoignage admissible de vive voix quant aux faits qui constituaient les prétendus manquements.  Étant donné la nature de ces manquements, il était nécessaire et approprié de faire figurer dans le rapport les déclarations signées des témoins pouvant fournir des renseignements au sujet des faits substantiels.  Le juge qui a présidé l’audience ne disposait d’aucun élément de preuve admissible lui permettant de conclure que M avait enfreint les conditions de son ordonnance de sursis à l’emprisonnement.  Il a donc commis une erreur en mettant fin à l’ordonnance.  [25] [31]

SPOUSAL TESTIMONY IN CRIMINAL CASES IN CANADA

Lien vers le document

http://www.samesexmarriage.ca/docs/manson.pdf

SPOUSAL TESTIMONY IN CRIMINAL CASES IN CANADA / A Report for the Law Commission

 Allan Manson

 September, 2001

L'accusé peut être contre-interrogé sur son témoignage rendu lors de l'enquête sur remise en liberté s'il portait sur les faits de la cause

R. v. Mallory, 2007 ONCA 46 (CanLII)


[174]      Where an accused testifies at his bail hearing, he generally may be questioned with respect to the issues as defined by s. 515(10) of theCriminal Code.  In this case, the Crown placed specific reliance on the secondary grounds set out in s. 515(10)(b), that Mallory’s detention was “necessary for the protection or safety of the public, including any victim of or witness to the offence, having regard to all the circumstances including any substantial likelihood that the accused will, if released from custody, commit a criminal offence or interfere with the administration of justice”.
[175]      Even if inquiries are relevant under s. 515(10)s. 518 (1)(b) prohibits questions of the accused “respecting the offence”.  The purpose of the prohibition is to provide the accused with protection against self-incrimination.  Where the prohibition is transgressed, the resulting testimony cannot be used to cross-examine the accused at trial: see Re Deom et al. and The Queen 1981 CanLII 383 (BC SC), (1981), 64 C.C.C. (2d) 222 (B.C.S.C.); R. v. Paonessa and Paquette 1982 CanLII 66 (ON CA), (1982), 66 C.C.C. (2d) 300 (Ont. C.A.), aff’d reflex, (1983), 3 C.C.C. (3d) 384 (S.C.C.).
[177]      Here, the bail judge was alive to the issue and ruled specifically that “cross-examination of the accused ought not to be allowed as it relates to the offence itself”. Thereafter, the Crown restricted its questions at the bail hearing to Mallory’s enforcement activities that were unrelated to the murders.
[178]      In our view, Mallory raised the issue of his pre-charge employment in examination-in-chief, thereby opening the door to the questions in his cross-examination. When considered in context, his answers to the questions asked by his counsel were to the effect that, if released, he anticipated employment in his previous law abiding occupation as a bouncer.
[179]      Moreover, Mallory’s own counsel questioned Mallory about his potential to intimidate witnesses.  In response, Mallory said that “there should be no fear of that actually” because “witnesses intimidate themselves”. Implicit in this response is a denial of any role as an intimidator.
[180]      In addition, Mallory denied any likelihood that if released he would commit further offences when he said he intended to leave behind his criminal ways.  By these responses, Mallory left himself open to cross-examination both about his livelihood and his history as an enforcer, provided the questions did not extend to questions about the murders. We believe they did not for four reasons.
[182]      Second, the questions, which were relevant to the Crown’s s. 515(10) concern that Mallory’s release would provide him with the opportunity to intimidate potential witnesses, were not posed for any oblique or impermissible purpose. They had no self-incrimination component to them and nor was any incriminating evidence relevant to the murders elicited, even incidentally.
[185]      For these reasons, we conclude that the trial judge did not err in allowing the trial Crown to cross-examine Mallory about his bail testimony on the issue of his credibility. Accordingly, we would not give effect to this ground of appeal.

L'effet du privilège avocat-client



23                              Dans le cadre d’une enquête criminelle, le privilège prend une autre dimension.  Le détenteur du privilège fait face à l’État, qui est son « adversaire singulier », de sorte qu’il a besoin d’une multitude de droits garantis par la Constitution (Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général)1989 CanLII 87 (CSC), [1989] 1 R.C.S. 927, p. 994).  C’est surtout lorsqu’une personne est visée par une enquête criminelle que le besoin de la protection entière du privilège se fait sentir.  Il ne s’agit donc pas d’un principe théorique, mais de la question réelle de veiller à ce que le privilège procure la confidentialité qu’il promet.

24                              Il est essentiel de souligner ici que l’État ne peut avoir accès aux renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat.  On ne peut pas découvrir par la force ces renseignements ni en forcer la divulgation, et ils sont inadmissibles en cour.  Il s’agit du privilège du client, et l’avocat agit comme gardien, tenu par l’éthique de protéger les renseignements privilégiés appartenant à son client.  Par conséquent, il y a une règle de justice fondamentale voulant que tout renseignement privilégié obtenu par l’État sans le consentement de son détenteur est un renseignement auquel l’État n’a pas droit.

25                              C’est dans ce contexte que nous devons nous demander si le législateur a pris toutes les mesures nécessaires pour garantir qu’on n’obtienne pas volontairement ou involontairement des renseignements qui, du point de vue du droit constitutionnel, ne peuvent servir dans le cadre d’une enquête criminelle.

dimanche 15 décembre 2013

L'état du droit quant à la requête sur remise en liberté au niveau de l'appel

Beauregard c. R., 2013 QCCA 1956 (CanLII)


[15]        Comme le souligne mon collègue le juge Kasirer dans un jugement récent, Tremblay c. R.2013 QCCA 1880 (CanLII), 2013 QCCA 1880, au par. 8, « le consentement à la requête du ministère public ne dispense pas le juge unique de s’assurer que l’appelant démontre que les conditions au paragraphe 679(3) C.cr. sont remplies. »
i)          le caractère du moyen d’appel
[16]        Dans Guité c. R., 2006 QCCA 905 (CanLII), 2006 QCCA 905, [2006] R.J.Q. 2049, mon collègue le juge Doyon écrit aux par. 6 et 7, qu’un requérant n’a pas à prouver le bien-fondé de ses moyens d’appel. Il lui suffit d’établir que les questions soulevées sont défendables; il n’a pas à démontrer que ses moyens ont de fortes chances de succès. En d’autres mots, l’étape devant le ou la juge unique n’est pas une simple formalité lorsque le ministère public ne s’oppose pas ou même consent.
[17]        En l’espèce, l’avis d’appel tient de l’identification du requérant. À mon avis, la preuve quant à l’identification positive de l’agent d’infiltration ne semble pas souffrir de faiblesses surtout lorsqu’on prend en compte le faisceau d’éléments circonstanciels. Le moyen d’appel semble voué à l’échec plutôt que défendable.
[18]        Cela pourrait régler le sort de la requête. Néanmoins, j’étudierai les deux autres conditions.
ii)        le respect des conditions de remise en liberté
[19]        Le requérant a accordé dans le passé peu d’importance aux conditions qui lui étaient imposées. Je suis néanmoins prêt à considérer qu’il n’y a pas de raison de croire qu’il ne se livrera pas en conformité avec les termes d’une ordonnance.
iii)        la détention et l’intérêt public
[20]        Comme je le souligne dans Takri c. R.2010 QCCA 1064 (CanLII), 2010 QCCA 1064, au par. 11, cette condition « vise à la fois la protection et la sécurité du public, de même que la confiance du public envers l’administration de la justice, eu égard à l’ensemble des circonstances du dossier ». Voir aussi : Des Châtelets c. R.2013 QCCA 871 (CanLII), 2013 QCCA 871 et Tremblay c. R., supra.
[21]        Le critère de l’alinéa 679(3)cC.cr. s’apprécie à partir de la lorgnette du « informed public, fully appreciative of the rules applicable under our system of justice » et « au fait de tous les tenants et aboutissants du dossier ».
[22]        En l’espèce, le requérant a de lourds antécédents : condamnations pour trafic de cocaïne en 1989 et 1990, agression armée (460-01-002443-897), possession de marijuana (200-01-012087-965), trafic de stupéfiants (200-01-011198-953), complot pour possession et trafic de marijuana au profit d’une organisation criminelle (460-73-000097-025), etc. Il est présentement en procès pour possession de stupéfiants (460-01-025450-135). Si l’on ajoute à cela sa désinvolture face aux conditions imposées durant le procès, son attitude générale face au système de justice (pas de rapport présentenciel, pas de preuve médicale sérieuse, antécédents en semblable matière), tout milite contre une remise en liberté afin de préserver la confiance du public envers le système.
[23]        De plus, une personne bien informée ne peut ignorer que s’il se comporte bien, le requérant pourra être remis en liberté avant d’avoir purgé la totalité de sa peine, soit cinq mois.
LA CONCLUSION
[24]        Puisque les conditions énoncées au paragraphe 679(3) C.cr. sont « interactives », pour employer le mot d’un juge de la Cour, l’auteur Tristan Desjardins explique le principe en regard du rapport entre les alinéas 679(3)a) et cC.cr. comme suit : « il appert que l’importance devant être accordée au critère de l’intérêt public est inversement proportionnelle aux probabilités qu’un pourvoi soit accueilli. »

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le ré-interrogatoire

R. v. Lavoie, 2000 ABCA 318 Lien vers la décision Re-examination of Stephen Greene, Re-cross-examination of Stephen Greene   [ 46 ]        T...