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mercredi 22 janvier 2014

L'appréciation de la "démesure"

R. c. Manning, 2013 CSC 1 (CanLII), [2013] 1 RCS 3
[5]                              À l’instar de la Cour d’appel du Québec 2011 QCCA 900 (CanLII), (2011 QCCA 900 (CanLII)), nous sommes d’avis que le juge de première instance a commis une erreur à cet égard : voir R. c. Craig2009 CSC 23 (CanLII), 2009 CSC 23, [2009] 1 R.C.S. 762, par. 13.
[6]                              Toutefois, contrairement à la Cour d’appel, et avec égards, nous estimons que l’erreur commise par le juge du procès est fatale à sa conclusion. 
[7]                              En outre, au vu du dossier dont nous disposons, nous ne sommes pas convaincus que la confiscation sollicitée par le ministère public était « démesurée », au sens où il faut entendre ce mot pour l’application du par. 490.41(3) du Code criminel.  En tirant une conclusion différente, le juge du procès a erronément mis l’accent sur la situation personnelle de M. Manning et n’a pas accordé, comme l’exige le par. 490.41(3), le poids voulu au casier judiciaire de ce dernier, notammentcinq déclarations de culpabilité à l’égard d’infractions relatives à la conduite sous l’effet de l’alcool et trois à l’égard de manquements à des ordonnances de probation ou à des engagements.

L'exécution d'un mandat de perquisition qui s'étend au delà de 21h00 ne devient pas invalide de ce fait

R. v. Gallinger, 2012 ONCJ 600 (CanLII)
[53]                  The defence argued that the police remained in the residence past 8:59pm the time set out by the telewarrant and that this continued presence was a violation of the warrant. I find that there was no violation as the police clearly entered the residence within the prescribed time frame. As set out in R. v. Woodall [1993] O.J. No. 4001 (OCA) the warrant authorized entry by that time. It did not require exit by that time. This principle was recently supported in the decision of R. v. Rafferty [2012] O.J. No. 2132 at paragraph 28:
“The law is clear that once the police enter the premises within the time frame specified in the search warrant, as they did here, the warrant remains operative until the police complete their search and finally leave the premises.”

lundi 20 janvier 2014

Les délais anticipés

R. c. Auclair, 2013 QCCA 671 (CanLII)


[29]        Il faut noter que ce ne sont pas les délais tels qu'ils existaient au moment du jugement qui fondent la décision du juge d'arrêter les procédures sur les chefs 2 à 7, mais bien les délais anticipés. Voici ce qu'il écrit :
[134] La Cour est d'avis que les délais actuels ne sont pas déraisonnables. Considérant l'ampleur de la preuve, la gravité et le nombre d'accusations et d'accusés, le processus qui est en marche depuis deux ans ne soulève pas de doute réel quant à son caractère raisonnable.
[135] Qu'en est-il des délais anticipés? Dans un premier temps, la Cour suprême a reconnu qu'il est possible d'ordonner une réparation en prévision d'une violation future ou appréhendée. Le fardeau qui repose sur un requérant dans tel cas a été succinctement décrit par la Cour d'appel du Québec :
[157]     Il n'est pas contesté qu'en matière de droit constitutionnel, c'est à la personne qui affirme être victime de la violation d'un droit de démontrer l'existence d'une atteinte, selon la prépondérance des probabilités. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une violation appréhendée, le requérant doit démontrer l'existence d'un risque assez grave, ou encore d'une forte probabilité ou d'un haut degré de probabilité.
[136] Pour permettre l'analyse de cette question, il faut procéder dans un premier temps à établir le rang chronologique des procès. La séparation de l'A.D.D. a créé 11 groupes qui doivent subir chacun un procès. Quel groupe sera désigné pour subir son procès en premier? En dernier? Il est acquis que deux procès procéderont simultanément au Centre judiciaire Gouin, quoique le début du deuxième puisse être retardé pour s'assurer qu'il n'y aura pas de conflit dans la présentation des témoins.
[30]        Après une minutieuse analyse de la situation, le juge de première instance retient le calendrier décrit précédemment. Conscient qu'il ne peut s'agir d'un exercice exact et mathématique, il conclut toutefois que, à compter du procès numéro 6 (le groupe de 31), les accusés ont « établi une haute probabilité sinon la certitude que leur procès ne pourrait pas avoir lieu dans un délai raisonnable ». En d'autres termes, au regard des accusations de trafic de drogue et de gangstérisme, le délai de plus de six ans est déraisonnable. Par contre, en tenant compte de l'importance des accusations de meurtre et de la complexité des procédures et de la preuve, ce délai se justifie lorsque l'on considère les chefs 1 (complot de meurtre) et 8 à 29 (meurtres) qui seront l'objet du cinquième procès. Il écrit, à ce sujet :
[153] La Cour a considéré les facteurs suivants. Premièrement, si les requérants faisant partie des groupes 1 à 5 et 7 à 11 devaient subir deux procès, ce serait dû au choix de la poursuivante et à une contrainte statutaire. Ce ne sont pas les requérants qui ont créé cette situation en demandant la séparation des chefs. La Cour a considéré qu'en vertu de l'article 589 C.cr., un requérant pouvait consentir à être jugé sur tous les chefs lors d'un procès. Cette possibilité est plutôt théorique que réaliste dans le présent dossier. Pourquoi un requérant, faisant face à des accusations de meurtre au premier degré, adopterait-il une position qui permettrait qu'une preuve de mauvais caractère étalée sur deux ans avant le début des meurtres et durant sept ans après soit admise lors du procès?
[155] La Cour a analysé la nature des accusations. Si toutes les accusations sont importantes, il est particulièrement nécessaire pour l'intérêt public que les chefs de complot de meurtre et de meurtre au premier degré soient jugés. C'est la raison pour laquelle la Cour n'est pas prête aujourd'hui à conclure qu'un délai allant jusqu'à six ans après les arrestations pour débuter le procès du groupe 5 soit déraisonnable, considérant la criminalité alléguée et son contexte.
[156] L'opinion de la Cour n'est pas la même pour le groupe de 31 qui forme le groupe 6. Quoique importante, la criminalité et les peines anticipées pour les membres de ce groupe ne peuvent pas se comparer aux membres des groupes 1 à 5. […]
[157] La Cour a également considéré le préjudice que subissent les requérants. Comme tous les accusés, ils sont présumés innocents. Compte tenu de la nature des accusations, la grande majorité sera détenue préventivement pour la durée des procédures. Pour ceux qui retrouveront leur liberté grâce à l'octroi d'un cautionnement, ils seront sujets à des conditions de mise en liberté contraignantes.
[158] En terminant, si la Cour n'avait pas atteint la certitude que les délais pour certains groupes deviendraient déraisonnables, elle n'aurait pas choisi d'intervenir. Dans le présent dossier, lorsque tous les éléments sont examinés, la Cour est d'avis que sa décision était inévitable
[77]        Par ailleurs, en écrivant que « si la Cour n'avait pas atteint la certitude que les délais pour certains groupes deviendraient déraisonnables, elle n'aurait pas choisi d'intervenir », le juge indique que, non seulement, il fonde sa décision sur l'existence de délais anticipés, mais surtout qu'il est convaincu que ces délais se réaliseront. Cette affirmation est importante et j'y reviendrai.
[78]        L'appelante est d'avis qu'un tribunal ne peut ordonner l'arrêt des procédures sur la base de délais anticipés. Je ne partage pas son avis.
[79]        Elle cite cet extrait de l'arrêt de cette Cour R. c. Coulombe pour soutenir son argument :
[4] En réalité, le seul motif du juge porte sur l’anticipation d’un délai qui pourrait, hypothétiquement, être déraisonnable. Cela ne peut fonder une décision de déclarer un arrêt des procédures en application de l’article 11 b) de la Charte canadienne des droits.
[80]        Or, cet arrêt ne supporte pas l'argument. D'une part, les délais dans Coulombe n'avaient rien à voir avec les délais qui sont en cause dans le présent appel. D'autre part, ce que dit l'arrêt c'est que, dans le dossier Coulombe, les délais pouvaient hypothétiquement être déraisonnables, ce qui était insuffisant. Ce n'est pas le cas ici, au contraire. Ce n'est pas une situation où les délais pourraient hypothétiquement être déraisonnables : il s'agit de délais qui sont déraisonnables. En somme, des délais anticipés qui, selon le tribunal, se matérialiseront sûrement peuvent parfois, dès lors, être qualifiés de déraisonnables.
[81]        En l'espèce, contrairement à l'opération Printemps 2001, aucune salle d'audience supplémentaire n'a été construite ou n'est prévue pour répondre adéquatement à l'influx engendré par ces arrestations. Aucune mesure n'a été prise par l'État pour permettre la tenue des procès dans des conditions raisonnables. Devant ce constat, le juge pouvait conclure, sur la base de la complexité du dossier, que les délais qu'il avait identifiés ne pourraient être moindres. Devant une telle conclusion, devait-il attendre encore avant d'arrêter les procédures? Devait-il laisser le préjudice se concrétiser avant d'intervenir alors que deux ans s'étaient déjà écoulés depuis les arrestations? Je ne le crois pas. D'ailleurs, la suite des choses tend à lui donner raison : comment prétendre que son estimation était exagérée, alors que, aujourd'hui, quatre ans après les arrestations, aucun témoin n'a encore été entendu. En fait, on pourrait raisonnablement croire que les délais seront encore plus longs que ceux retenus par le juge.
[82]        Dans R. c. Brassard, il est écrit qu'un tribunal pourrait tenir compte d'un « inevitable anticipatory delay ». Cela est certes exceptionnel, mais l'exercice ne peut être qualifié d'erroné. Tout dépend du degré de certitude qu'atteint le tribunal. En l'espèce, je rappelle que le juge de première instance écrit qu'il a la « certitude » que les délais deviendraient déraisonnables. En d'autres mots, le juge est certain que ces délais se matérialiseront et qu'ils causeront préjudice aux accusés. À mon avis, cela est suffisant.
[83]        Par ailleurs, dans Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray)1995 CanLII 86 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 97, dans des motifs concordants, le juge Cory traite de la notion de violation appréhendée de la Charte. Il écrit :
108     C'est à celui qui fait valoir une violation de la Charte qu'il incombe de la prouver. Il est vrai qu'une réparation peut être accordée pour une menace de violation de la Charte. (Voir Operation Dismantle Inc., précité.) Toutefois, la réparation ne sera accordée que si le demandeur peut prouver qu'il existe un risque assez grave que la violation alléguée se produira effectivement. Dans l'arrêt Operation Dismantle Inc., précité, où la violation appréhendée portait sur l'art. 7, le juge en chef Dickson a adopté (à la p. 458) l'exigence selon laquelle le tribunal n'accordera une réparation à la personne qui cherche à empêcher une action gouvernementale que si elle démontre qu'il y a un "haut degré de probabilité" que la violation de la Charte se produira.
[…]
110     Franchement, je ne vois pas beaucoup de différence entre le critère du "haut degré de probabilité" et celui du "risque réel et important". Ces deux critères signifient essentiellement que le tribunal n'interdira une action gouvernementale que s'il est convaincu qu'il est fort probable qu'en l'absence de cette réparation, il y aura préjudice aux droits d'une personne garantis par la Charte. […]
[Je souligne.]
[84]        Il n'est pas dit que le raisonnement s'applique à tous les droits garantis par la Charte. Je suis toutefois d'avis que cette idée, selon laquelle il faut établir une forte probabilité de violation et de préjudice avant d'ordonner une réparation, peut s'appliquer à la protection du droit à un procès dans un délai raisonnable, même lorsque les délais sont anticipés. C'est ce qu'a fait le juge de première instance en se disant certain que les délais qu'il anticipait se matérialiseraient.
[85]        Dans États-Unis d'Amérique c. Kwok, 2001 CSC 18 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 532, la juge Arbour s'exprime dans le même sens :
66     Le fait qu'on utilise le passé dans le texte anglais du par. 24(1) n'empêche pas, en droit, les tribunaux d'accorder une réparation à l'égard d'éventuelles violations. Dans Operation Dismantle Inc. c. La Reine, 1985 CanLII 74 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 441, notre Cour a indiqué qu'une réparation pouvait être accordée en vertu du par. 24(1) non seulement en cas de violation réelle des droits garantis par la Charte, mais aussi dans le but de prévenir un préjudice éventuel probable dans les cas où le requérant peut démontrer qu'il y a risque qu'une telle violation se produise dans un procès à venir. Dans l'arrêt R. c. Vermette, 1988 CanLII 87 (CSC), [1988] 1 R.C.S. 985, p. 992, on a confirmé la possibilité pour les tribunaux d'accorder des réparations fondées sur la Charte lorsque le demandeur est en mesure de démontrer qu'il y menace de violation future.
[86]        Bref, les violations, mêmes éventuelles, peuvent être l'objet d'une réparation en vertu de la Charte : New Brunswick c. G.(J.)1999 CanLII 653 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 46; R. c. Harrer, [1994] 3 R.C.S. 562; P.G. Québec c. R.2003 CanLII 33470 (QC CA), [2003] R.J.Q. 2027 (C.A.).
[87]        C'est de la même façon que je comprends l'arrêt R. c. Smith, précité, alors que le juge Sopinka écrit qu'une requête anticipée, fondée sur le paragr. 11(b) de la Charte, peut, selon les circonstances, justifier une réparation :
16     Deux questions de compétence sont soulevées d'après les faits de l'espèce, toutes les deux portant sur l'exercice par le juge des requêtes de son pouvoir discrétionnaire de statuer sur la requête de l'appelant fondée sur l'al. 11b). D'abord, l'appelant a engagé ces procédures au moyen d'un avis de requête plusieurs mois avant la date prévue pour l'ouverture de l'enquête préliminaire. La requête de l'appelant fondée sur l'al. 11b) est donc anticipée si on considère le délai écoulé entre la date de sa requête et celle prévue pour l'ouverture de l'enquête préliminaire. Cependant, compte tenu des circonstances de l'espèce, étant donné que la date de l'enquête préliminaire était fixe et ne pouvait (à la demande de l'accusé) être rapprochée, le juge des requêtes a eu raison d'examiner la requête de l'appelant fondée sur l'al. 11b) en considérant que le délai entier était déjà écoulé.
[88]        Par ailleurs, je ne peux conclure, comme le fait mon collègue le juge Levesque, que le juge de première instance a décidé de la question sans même donner aux parties l'occasion d'être entendues et qu'il a excédé sa compétence en causant un dommage irréparable à la poursuite sans l'avoir entendue au préalable.
[89]        Dès le 6 mai 2010, la requête en arrêt des procédures et en cassation de l'acte d'accusation fait état des délais et, par un amendement du 28 octobre 2010, précise qu'il s'agit de délais anticipés. Voici comment est rédigée l'allégation :
325.- Ce qu'il y a aussi de particulier c'est que, si un procès est tenu, il durera plus de deux ans, et, si les accusés sont séparés ou que les chefs d'accusation sont séparés, la fin des procédures judiciaires dépassera 10 ans de détention préventive pour la plupart des requérants. Or, la Cour suprême a reconnu qu'il est possible d'ordonner une réparation en prévision d'une violation future ou appréhendée.
[90]        Lors de ses observations en première instance, l'appelante a amplement traité de la question des délais, qu'ils soient échus ou anticipés. Elle soutient en appel que le juge était lié par sa position en ce qui concerne l'ordre des procès, que des délais anticipés ne peuvent donner lieu à une intervention de la Cour et que le juge n'a pas respecté comme il se devait le test élaboré dans l'arrêt Morin. En somme, et cela est déterminant, elle ne soulève aucunement en appel un accroc à la règle audi alteram partem.
[92]        En conclusion, l'appelante ne me convainc pas que le juge de première instance ne pouvait intervenir comme il l'a fait, sur la base des circonstances très particulières de ce dossier.

Le droit relatif à l'écoute électronique

Mervilus c. R., 2009 QCCA 1716 (CanLII)


[22]           L’arrêt Duarte nous enseigne que, si la surveillance électronique par un organisme de l’État est une fouille au sens de l’article 8 de laCharte, le Parlement a néanmoins mis en place un régime législatif qui assure un juste équilibre « entre le droit à la vie privée sur lequel empiète l'écoute électronique et les besoins des organismes d'application de la loi dans le cadre de la dure lutte qu'ils mènent contre certaines formes perfectionnées et dangereuses de criminalité », tel que l'écrit le juge LeBel dans R. c. Araujo.
[23]           La norme de protection édictée par la loi repose sur la règle que, sauf exception, aucune écoute électronique n'est permise sans une autorisation judiciaire préalable. Cette permission ne sera délivrée que si le juge est convaincu qu’il y a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise ou est sur le point de l’être, que l’écoute électronique sollicitée permettra d’en recueillir la preuve et que les autres méthodes d’enquête ont été essayées et ont échoué ou ont peu de chance de réussir (le critère de nécessité examiné par le juge LeBel dans Araujo). L’article 186(1.1) C.cr. exclut cette dernière exigence si l’autorisation vise certaines infractions et particulièrement le gangstérisme.
[24]           Le rôle du juge dont on sollicite l’autorisation est décrit par le juge La Forest dans Duarte :
[…] la loi soumet l'obtention d'une telle autorisation à une norme sévère. En effet, le juge doit être convaincu que d'autres méthodes d'enquête échoueraient certainement ou vraisemblablement et que l'autorisation est le meilleur moyen de servir l'administration de la justice. Comme le juge Martin dans l'affaire R. v. Finlay and Grellette, j'estime que cette dernière condition comporte tout au moins l'exigence que le juge donnant l'autorisation soit convaincu de l'existence de motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction a été commise ou est en voie de l'être et que l'autorisation sollicitée permettra d'obtenir une preuve de sa perpétration. Je tiens pour évident que les dispositions et les sauvegardes que comporte la Partie IV.1 du Code ont été conçues pour empêcher les organes de l'État d'intercepter des communications privées sur la foi d'un simple soupçon.
[La référence est omise.]
[25]           Le juge de première instance, qui est aussi celui qui doit réviser l’autorisation attaquée, a pour mission d’en contrôler la légalité. Il n’agit pas de novo ni ne doit substituer sa propre opinion à celle du juge qui a autorisé l’écoute. À ce propos, le juge Sopinka, dans R. c. Garofoli,fait siennes les remarques du juge Martin sur la façon dont devrait procéder le juge saisi de la contestation de l’autorisation d'écoute :
[TRADUCTION] Si le juge du procès conclut, d'après les documents dont disposait le juge ayant accordé l'autorisation, qu'il n'existait aucun élément susceptible de le convaincre que les conditions préalables pour accorder l'autorisation existaient, il me semble alors que le juge du procès doit conclure que la perquisition, la fouille ou la saisie contrevient à l'art. 8 de la Charte.
[26]            C’est donc à partir des renseignements qui ont été fournis au juge qui a accordé l’autorisation que le juge de première instance déterminera si les conditions à l’octroi de l’écoute sollicitée sont satisfaites. Ces informations doivent être incluses dans l’affidavit exigé par l’article 185(1) C. cr. qui doit être complet et fiable.
[27]            Il sera complet s'il démontre des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise ou est sur le point de l’être et que les autres moyens d’enquête ont été essayés et ont échoué, ou ont peu de chance de succès, ou qu’il y a urgence. Cette dernière condition, aussi dite exigence de nécessité pour l’enquête, a été étudiée par le juge LeBel dans l’arrêt R. c. Araujo. Le juge LeBel invite les tribunaux à examiner la condition relative aux exigences de l’enquête dans une démarche contextuelle :
Le critère approprié, je le répète, consiste à déterminer si, en pratique, il existe ou non un autre moyen d'enquête raisonnable.
[28]           Appliquant cette norme au cas dont il faisait l’étude, le juge LeBel écrit :
[43]    En l'occurrence, l'objectif de l'enquête policière était de traduire en justice les têtes dirigeantes du réseau, et non seulement d'arrêter quelques revendeurs susceptibles d'être remplacés. Les appelants contestent notamment le droit de la police de définir les objectifs de ses enquêtes pour le motif qu'elle peut le faire de manière à faciliter l'obtention d'une autorisation d'écoute électronique. Cependant, il est clair que la police avait en l'espèce des motifs probables d'enquêter sur les crimes graves en cause. Ce volet du critère applicable à l'écoute électronique — l'existence de motifs probables de croire qu'un crime grave risque d'être commis — fait en sorte qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les doutes que tentent de faire naître les appelants. Dans la mesure où la police a des motifs probables de faire enquête au sujet d'un crime grave, elle peut recourir à l'écoute électronique, si elle satisfait à l'exigence de nécessité pour l'enquête. Il n'est aucunement pernicieux que l'objectif de l'enquête intervienne dans l'analyse relative à la nécessité pour l'enquête. Dans la présente affaire, la police avait davantage besoin de l'écoute électronique, car elle tentait d'atteindre le sommet de la hiérarchie et d'arrêter les dirigeants du réseau. Cet élément milite à juste titre en faveur d'un constat de nécessité pour l'enquête décrite dans l'affidavit. 
[29]           L’affidavit doit en second lieu être fiable. Il ne doit pas chercher à tromper. Certes, une erreur peut s’y être glissée, une information consignée peut être erronée, voire délibérément trompeuse. Cela n’a pas nécessairement pour effet d’invalider de manière automatique la demande d’autorisation si une fois ce renseignement ou cette affirmation retiré du document, l'affidavit satisfait toujours les conditions de la loi.

vendredi 17 janvier 2014

Les conditions d'application du secret professionnel

Solosky c. La Reine, 1979 CanLII 9 (CSC), [1980] 1 RCS 821

Lien vers le document

Comme le souligne le juge Addy, le privilège ne peut être invoqué que pour chaque document pris individuellement, et chacun doit répondre aux cri­tères du privilège: (i) une communication entre un avocat et son client; (ii) qui comporte une consul­tation ou un avis juridiques; et (iii) que les parties considèrent de nature confidentielle

mardi 14 janvier 2014

L'audience de type Lavallee

Directeur des poursuites criminelles et pénales et Shérif de la Chambre criminelle et pénale, 2010 QCCS 2362 (CanLII)


B – L'arrêt Lavallee
[30]            Il s’agit de déterminer si une audience Lavallee peut avoir lieu en l'absence du client et de son avocat.
[31]            Il n'est pas inutile de rappeler à nouveau l'importance du secret professionnel de l'avocat selon l'arrêt Lavallee :
1-     Le secret professionnel de l’avocat constitue une règle de preuve, un droit civil important ainsi qu’un principe de justice fondamentale en droit canadien;
2-     Même si le public a intérêt à ce que les enquêtes criminelles soient menées efficacement, il a tout autant intérêt à préserver l’intégrité de la relation avocat‑client; 
3-     Les communications confidentielles avec un avocat constituent un exercice important du droit à la vie privée et elles sont essentielles pour l’administration de la justice dans un système contradictoire;
4-     Les atteintes au privilège injustifiées, voire involontaires, minent la confiance qu’a le public dans l’équité du système de justice criminelle;
5-     Il ne faut ménager aucun effort pour protéger la confidentialité de ces communications.
[32]            Dans Lavallee, la Cour suprême déclare inconstitutionnel l'art. 488.1 du Code criminel, notamment en raison du fait qu'il ne fournissait pas une occasion raisonnable au détenteur du privilège de faire valoir le privilège. 
[33]            L'occasion raisonnable de faire valoir le privilège n'existe pas seulement lorsqu’il s’agit de s'opposer à la saisie des documents lors de l'exécution d'un mandat de perquisition mais, aussi, le cas échéant, afin de présenter ses observations au tribunal:
6. L’enquêteur qui exécute le mandat doit rendre compte au juge de paix des efforts faits pour joindre tous les détenteurs potentiels du privilège, lesquels devraient ensuite avoir une occasion raisonnable de formuler une objection fondée sur le privilège et, si cette objection est contestée, de faire trancher la question par les tribunaux.
(Le soulignement est ajouté)
[34]            En l'espèce, Me Matte ou son client doivent «avoir une occasion raisonnable de faire valoir ce privilège» en présentant leurs observations au tribunal chargé de déterminer si les choses saisies sont privilégiées.
[35]            Si le client, détenteur du privilège, et/ou son avocat, gardien du privilège, ne sont pas en mesure de participer effectivement à l'audienceLavallee, on doit conclure qu'ils ne sont pas en mesure d'avoir une occasion raisonnable de faire valoir l'objection lors de l'audition devant le tribunal qui tranchera cette question. 
[36]            Dans la mesure où l’absence d’une occasion raisonnable de faire valoir une objection est le fondement de la conclusion selon laquelle l'art. 488.1 est inconstitutionnel, il est difficile de croire qu'il est constitutionnellement possible de tenir une audience ex parte au sujet du secret professionnel de l'avocat suite à cet arrêt.
[37]            Cette conclusion est aussi conforme aux décisions Ruby c. Canada (Solliciteur général)Goodis c. Ontario (Ministère des Services correctionnels), Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), et R. c. Basi qui examinent le droit à une audience équitable dans le contexte d'une audience ex parte.

La règle du caractère théorique



16                              Avant d’aborder la principale question soulevée en l’espèce, il faut examiner l’argument de l’intimé que la Cour ne devrait pas entendre ce pourvoi pour le motif qu’il est théorique.

17                              La règle du caractère théorique procède du principe voulant que les tribunaux n’instruisent que des affaires présentant un litige actuel à résoudre, où leur décision aura ou pourra avoir des conséquences sur les droits des parties, sauf s’ils décident, dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, qu’il est néanmoins dans l’intérêt de la justice d’entendre un appel (voir Borowski c. Canada (Procureur général)1989 CanLII 123 (CSC), [1989] 1 R.C.S. 342, p. 353).  Nous sommes d’avis que le présent pourvoi est devenu théorique.  Les parties ont comparu à plusieurs auditions de comptes rendus, fourni des éléments de preuve et permis le contre‑interrogatoire des auteurs des affidavits.  L’effet recherché a été obtenu : les écoles demandées ont été construites. Le rétablissement de la validité de l’ordonnance du juge de première instance n’entraînerait en l’espèce aucun effet pratique pour les parties, et aucune autre audition de comptes rendus ne s’impose.

18                              Les remarques dans Borowski, précité, nous incitent cependant à entendre le pourvoi malgré son caractère théorique.  Le juge Sopinka a énuméré, au nom de la Cour, les critères régissant l’exercice du pouvoir discrétionnaire des tribunaux d’entendre des affaires théoriques (aux p. 358‑363) :

(1)  l’existence d’un débat contradictoire;

(2)  le souci d’économie des ressources judiciaires;

(3)  la nécessité pour les tribunaux d’être conscients de leur fonction juridictionnelle dans notre structure politique.

19                              Le nécessaire débat contradictoire existe toujours en l’espèce.  Les parties ont en effet continué de défendre avec vigueur leurs points de vue respectifs.

20                              Quant au souci d’économiser des ressources judiciaires limitées, la Cour a maintes fois signalé que les affaires soulevant des questions importantes qui risquent d’échapper à l’examen judiciaire justifient de mettre ces ressources à contribution (Borowski, précité, p. 360; International Brotherhood of Electrical Workers, Local Union 2085 c. Winnipeg Builders’ Exchange1967 CanLII 116 (SCC), [1967] R.C.S. 628; Nouveau‑Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.)1999 CanLII 653 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 46). Le présent pourvoi soulève une question importante au sujet du pouvoir des cours supérieures d’ordonner des mesures susceptibles de constituer une réparation efficace dans certaines catégories de cas.  Dans la mesure où elles s’avèrent efficaces, les ordonnances enjoignant de rendre compte tendent à échapper à l’examen judiciaire puisque les parties peuvent s’y conformer rapidement avant l’audition de l’appel.


21                              De plus, pour décider s’il convient d’entendre une affaire théorique, les tribunaux doivent soupeser les ressources judiciaires limitées en fonction du « coût social de l’incertitude du droit » (Borowski, précité, p. 361).  Or, l’incertitude quant aux réparations permises par la Charte entraîne un coût social élevé.  La Chartevise à protéger ceux qui sont le plus exposés aux dangers de la règle de la majorité; cet aspect des objectifs de la Charte ressort clairement des dispositions protégeant les droits à l’instruction dans la langue officielle parlée par la minorité.  Si la Cour ne tranche pas cette question et que, de ce fait, les tribunaux ne comprennent pas bien les moyens dont ils disposent pour garantir que le comportement du gouvernement respecte la Charte, il est évident que la protection des droits garantis par la Charte risque d’être incomplète.  C’est pourquoi il est justifié d’affecter des ressources judiciaires à l’examen de la présente affaire malgré la possibilité qu’elle soit devenue théorique.  La décision de la Cour fournira des repères pour l’analyse de l’importante question de la nature et de l’étendue des réparations fondées sur l’art. 24 de la Charte qui doivent être accordées dans des affaires similaires.

22                              Enfin, en décidant d’entendre le présent pourvoi, la Cour ne s’écarte pas de sa fonction juridictionnelle traditionnelle pas plus qu’elle n’empiète sur les fonctions législative ou exécutive (Borowski, précité, p. 362).  La question des réparations pouvant être accordées en vertu de la Charte relève tout à fait du champ d’expertise de la Cour et ne peut pas faire l’objet d’une décision du législateur ou du pouvoir exécutif.  En outre, contrairement à la situation dans l’affaire Borowski, les appelants en l’espèce ne demandent pas de répondre à une question abstraite d’interprétation de la Charte; ils ne « transforme[nt] [pas] le pourvoi en renvoi d’initiative privée » (Borowski, précité, p. 365).  Le procureur général de la Nouvelle‑Écosse a obtenu l’annulation en appel d’une ordonnance rendue contre lui par une cour supérieure.  Même s’il est maintenant satisfait aux revendications immédiates des appelants, une décision en l’espèce contribuera à faciliter les rapports entre les parties à la présente affaire et ceux d’autres parties se trouvant dans une situation similaire.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le ré-interrogatoire

R. v. Lavoie, 2000 ABCA 318 Lien vers la décision Re-examination of Stephen Greene, Re-cross-examination of Stephen Greene   [ 46 ]        T...