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vendredi 7 février 2014

Le juge du procès devrait rarement décider de son propre chef de remettre en question les décisions tactiques d’un avocat

R. c. S.G.T., 2010 CSC 20 (CanLII), [2010] 1 RCS 688


[36] En l’espèce, la circonstance la plus significative est que la défense a consenti à l’admission de l’élément de preuve.  Dans un système de justice criminelle accusatoire, les juges instruisant les procès doivent, à moins de circonstances exceptionnelles, déférer aux décisions tactiques des avocats : voir de façon générale R. c. Lomage 1991 CanLII 7228 (ON CA), (1991), 2 O.R. (3d) 621 (C.A.), p. 629‑630.  Il existe une « forte présomption » que l’avocat de la défense sert les intérêts de son client avec compétence : voir R. c. G.D.B.2000 CSC 22 (CanLII), 2000 CSC 22, [2000] 1 R.C.S. 520, par. 27; Hodgson, par. 99.  En outre, l’avocat sera habituellement mieux placé que le juge du procès pour apprécier l’opportunité d’une décision tactique particulière en fonction de sa stratégie globale.  Le juge du procès, lui, doit agir en arbitre impartial du litige dont il est saisi; plus un juge remet en question ou annule les décisions d’un avocat, plus il risque de s’écarter, en apparence ou dans les faits, de son rôle d’arbitre neutre et de devenir l’avocat de l’une des parties.  C’est pourquoi la Cour a statué dans un arrêt antérieur qu’il est juste de faire reposer sur l’avocat l’obligation de soulever les questions se rapportant à la preuve : Hodgson, par. 98.

[37] Il en résulte que le juge du procès devrait rarement décider de son propre chef de remettre en question les décisions tactiques d’un avocat, et encore moins être tenu de le faire.  Bien sûr, il doit toujours « s’assure[r] que le procès reste équitable et se déroule conformément aux lois pertinentes et aux principes de justice fondamentale » : Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 61 (CanlII), [2002] 3 R.C.S. 209, par. 68.  Toutefois, après examen de la preuve du point de vue du juge du procès et compte tenu des facteurs énumérés dans I. (L.R.), dont il a été question plus haut, j’estime que rien ne permet de conclure que le juge du procès aurait dû intervenir dans la décision de l’avocat de consentir à l’admission de la preuve.  Voici les aspects pertinents du dossier.

La portée de la révision par voie de certiorari est très limité

R. c. Russell, 2001 CSC 53 (CanLII), [2001] 2 RCS 804


Lien vers la décision


19                              La portée de la révision par voie de certiorari est très limitée.  Même si à certains moments de son histoire, le bref de certiorari permettait une révision plus poussée, le certiorari d’aujourd’hui « permet dans une large mesure d’obtenir qu’une cour supérieure contrôle la façon dont les tribunaux établis en vertu d’une loi exercent leur compétence; dans ce contexte, il s’agit de “compétence” au sens restreint ou strict » :  Skogman c. La Reine1984 CanLII 22 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 93, p. 99.  Par conséquent, la révision par voie de certiorari n’autorise pas une cour de révision à annuler la décision du tribunal constitué par la loi simplement parce que ce tribunal a commis une erreur de droit ou a tiré une conclusion différente de celle que la cour de révision aurait tirée.  Au contraire, lecertiorari permet la révision « seulement lorsqu’on reproche à ce tribunal d’avoir outrepassé la compétence qui lui a été attribuée par la loi ou d’avoir violé les principes de justice naturelle, ce qui, d’après la jurisprudence, équivaut à un abus de compétence » :  Skogman, précité, p. 100 (citant l’arrêt Forsythe c. La Reine,1980 CanLII 15 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 268).

Les questions constitutionnelles ne doivent pas être tranchée lorsqu'il y a un vide factuel

Federation of Law Societies of Canada v. Canada (Attorney General), 2011 BCSC 1270 (CanLII)


[66]           The reluctance of the courts to engage in Charter analyses in a factual vacuum was recently commented on by the Ontario Court of Appeal in Abou-Elmaati v. Canada ( Attorney General)2011 ONCA 95 (CanLII), 2011 ONCA 95 at para. 39, where the Court noted “[i]t is not only unnecessary but also usually unwise to attempt to decide constitutional issues in the absence of a concrete factual situation.”
[67]           The Supreme Court of Canada discussed the need for a proper factual foundation for Charter arguments in Mackay v. Manitoba1989 CanLII 26 (SCC), [1989] 2 S.C.R. 357 and Danson v. Ontario (Attorney General)1990 CanLII 93 (SCC), [1990] 2 S.C.R. 1086. In Mackay, Cory J. stated at 361-362:
Charter decisions should not and must not be made in a factual vacuum. To attempt to do so would trivialize the Charter and inevitably result in ill-considered opinions. The presentation of facts is not, as stated by the respondent, a mere technicality; rather, it is essential to a proper consideration of Charter issues. A respondent cannot, by simply consenting to dispense with the factual background, require or expect a court to deal with an issue such as this in a factual void. Charter decisions cannot be based upon the unsupported hypotheses of enthusiastic counsel.
[68]           In Danson at 1099-1100, Sopinka J. distinguished between two categories of facts: adjudicative facts, which concern the immediate parties; and legislative facts, which establish the purpose and background of the legislation. Adjudicative facts are specific and must be proved by admissible evidence, whereas legislative facts are more general in nature and subject to less stringent requirements for admissibility. At 1100-1101, Sopinka J. noted that MacKay did not stand for the proposition that such facts must be established in all Charter challenges. Rather each case must be considered on its own facts, or lack thereof. However, in general, there must be admissible evidence of the alleged effects of the impugned legislation in a Charter challenge based upon allegations that the effects of the legislation are unconstitutional.

Le secret professionnel de l’avocat est essentiel au bon fonctionnement du système de justice

Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44 (CanLII), [2008] 2 RCS 574


[9]     Le secret professionnel de l’avocat est essentiel au bon fonctionnement du système de justice.  Étant donné la complexité des règles de droit et de procédure, il est impossible, de manière réaliste, de s’y retrouver sans les conseils d’un avocat.  On dit que celui qui se défend lui‑même a un imbécile pour client, mais la valeur des conseils d’un avocat est fonction de la qualité des renseignements factuels que lui fournit son client.  Nous savons par expérience que les personnes aux prises avec un problème juridique se refuseront souvent à dévoiler la totalité des faits à un avocat s’ils n’ont pas une garantie de confidentialité « aussi absolu[e] que possible » :



. . . le secret professionnel de l’avocat doit être aussi absolu que possible pour assurer la confiance du public et demeurer pertinent.  Par conséquent, il ne cède le pas que dans certaines circonstances bien définies et ne nécessite pas une évaluation des intérêts dans chaque cas.

(R. c. McClure2001 CSC 14 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 445, 2001 CSC 14, par. 35, cité et approuvé dans Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général)2002 CSC 61 (CanLII), [2002] 3 R.C.S. 209, 2002 CSC 61, par. 36.)

Il est dans l’intérêt public que la libre circulation des conseils juridiques soit favorisée.  Autrement, l’accès à la justice et la qualité de la justice dans notre pays seraient sérieusement compromis.  Le privilège du secret professionnel appartient au client et non à l’avocat.  Dans Andrews c. Law Society of British Columbia1989 CanLII 2 (CSC), [1989] 1 R.C.S. 143, p. 188, le juge McIntyre a affirmé une fois de plus que la Cour n’autorisera pas un avocat à divulguer des renseignements confidentiels donnés par un client.



[10] Dans la présente affaire, la possibilité que l’employeur ait ou non envisagé un procès au moment où il a consulté son avocat n’a aucune importance.  Bien que le privilège du secret professionnel de l’avocat ait d’abord été considéré comme une règle de preuve, il constitue sans aucun doute maintenant une règle de fond applicable à toutes les communications entre un client et son avocat lorsque ce dernier donne des conseils juridiques ou agit, d’une autre manière, en qualité d’avocat et non en qualité de conseiller d’entreprise ou à un autre titre que celui de spécialiste du droit : Solosky c. La Reine1979 CanLII 9 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 821, p. 837; Descôteaux c. Mierzwinski1982 CanLII 22 (CSC), [1982] 1 R.C.S. 860, p. 885‑887; R. c. Gruenke1991 CanLII 40 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 263; Smith c. Jones1999 CanLII 674 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 455; Société d’énergie Foster Wheeler ltée c. Société intermunicipale de gestion et d’élimination des déchets (SIGED) inc.2004 CSC 18 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 456, 2004 CSC 18, par. 40‑47; McClure, par. 23‑27; Blank c. Canada (Ministre de la Justice)2006 CSC 39 (CanLII), [2006] 2 R.C.S. 319, 2006 CSC 39, par. 26; Goodis c. Ontario (Ministère des Services correctionnels)2006 CSC 31 (CanLII), [2006] 2 R.C.S. 32, 2006 CSC 31; Celanese Canada Inc. c. Murray Demolition Corp.2006 CSC 36 (CanLII), [2006] 2 R.C.S. 189, 2006 CSC 36; Juman c. Doucette2008 CSC 8 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 157, 2008 CSC 8.  Il existe une rare exception, qui ne s’applique pas en l’espèce : aucun privilège ne protège les communications criminelles en elles‑mêmes ou qui tendraient à réaliser une fin criminelle (voir Descôteaux, p. 881; R. c. Campbell1999 CanLII 676 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 565).  La nature extrêmement restreinte de cette exception fait ressortir, plutôt que l’atténuer, la suprématie de la règle générale selon laquelle le privilège du secret professionnel de l’avocat est établi et préservé de façon « aussi absolu[e] que possible pour assurer la confiance du public et demeurer pertinent » (McClure, par. 35).

[11] Pour donner effet à ce principe de droit fondamental, notre Cour a statué que les dispositions législatives susceptibles (si elles sont interprétées de façon large) d’autoriser des atteintes au privilège du secret professionnel de l’avocat doivent être interprétées de manière restrictive.  Le privilège ne peut être supprimé par inférence.  On considérera ainsi qu’une disposition d’acception large régissant la production de documents ne vise pas les documents protégés par le secret professionnel de l’avocat : Lavallee, par. 18; Pritchard, par. 33.  Ce principe s’applique parfaitement à la présente affaire.

mercredi 5 février 2014

Un privilège générique comporte une présomption prima facie que ces communications sont inadmissibles et la partie demandant la divulgation assume le fardeau

A. (L.L.) c. B. (A.), 1995 CanLII 52 (CSC), [1995] 4 RCS 536

Lien vers la décision

39               La question du privilège a été examinée récemment par notre Cour dans l'arrêt Gruenke, précité.  Dans cette affaire, la Cour devait décider si les communications d'une accusée avec son pasteur et avec une conseillère laïque étaient privilégiées, dans une procédure criminelle, en vertu de la common law et de la liberté de religion garantie à l'art. 2 de la Charte.  La Cour, à la majorité, a analysé les deux catégories de privilège reconnues en common law:  les privilèges «génériques» et les privilèges «fondés sur les circonstances de chaque cas».  Un privilège générique comporte une présomption prima facie que ces communications sont inadmissibles ou non sujettes à divulgation dans le cadre de procédures criminelles ou civiles et la partie demandant la divulgation assume le fardeau d'établir qu'un intérêt prépondérant l'exige.  Pour qu'il y ait privilège, il faut qu'existent des raisons de principe contraignantes, semblables à celles qui sous‑tendent le privilège en matière de communications avocat‑client, et les relations doivent être inextricablement liées au système de justice.

jeudi 30 janvier 2014

Ce que signifie une seule affaire, au sens de l'article 581 (1) du Code criminel

R. c. Philippe, 2001 CanLII 9139 (QC CS)


[16]      Nous sommes donc en présence d’une seule affaire, au sens de l'article 581 (1)  du Code criminel, à savoir :
•        les propos en cause sont de même nature ;
•        la période est brève et déterminée ;
•        le lieu est précis, déterminé et restreint ;
•        les propos visent un même groupe, soit le personnel du pénitencier de Donnacona.
•        la poursuite a fourni les détails pertinents, de sa propre initiative ; d’ailleurs, la preuve de ces incidents a été faite à l’enquête préliminaire.
•        l’accusé est désigné comme le seul auteur.
•        chaque incident semble d’égale gravité.
•        la situation présente une continuation dans la pensée et dans l’action.

mercredi 29 janvier 2014

La preuve de faits similaires peut être admise sans nécessité de déterminer sa recevabilité à la suite d'un voir-dire quand cette preuve vise des chefs d'infraction de l'accusation

Lacroix c. R., 2008 QCCA 78 (CanLII)


[87]           Il est certain que la démarche d'analyse suivie par le premier juge est étonnante, d'autant plus qu'il réfère à plusieurs arrêts de la Cour suprême concernant la preuve de faits similaires. De fait, cette démarche d'analyse n'est pas conforme à la procédure à suivre en matière de preuve de faits similaires.
[88]           D'une part, ici, la preuve était admissible, sans nécessité de déterminer sa recevabilité à la suite d'un voir-dire, puisque cette preuve visait des chefs d'infraction de l'accusation.
[89]           D'autre part, une fois cette preuve admise, le juge du procès devait plutôt se demander, si la preuve faite à l'égard d'un chef pouvait servir à l'égard d'un autre chef, à titre de preuve de faits similaires.

[90]           En l'espèce, il est clair que le but visé par cette preuve est d'établir l'identité. Il faut donc analyser la façon dont les gestes ont été commis, leur degré de similitudes pour déterminer s'il est probable que ces gestes ont été commis par la même personne. Dans l'hypothèse d'une réponse positive à cette question, la preuve de faits similaires devient un élément de preuve circonstancielle qui doit être évalué par le juge des faits avec tous les autres éléments de preuve pour déterminer la culpabilité. Dans l'arrêt R. c. Arp1998 CanLII 769 (CSC), [1998] 3 R.C.S. 339, le juge Cory écrit :
[72] En revanche, en tant que preuve circonstancielle, une preuve de faits similaires doit être qualifiée différemment, étant donné que, de par sa nature, elle ne peut pas être concluante quant à la culpabilité.  Elle constitue simplement un des éléments de preuve à examiner parmi tous ceux qui constituent la preuve globale du ministère public.  Sa valeur probante réside dans sa capacité d’étayer, par l’improbabilité d’une coïncidence, d’autres éléments de preuve inculpatoires.  Comme pour tout élément de preuve circonstancielle, le jury décidera du poids qui doit lui être accordé.  Le simple fait que, dans un cas particulier, le juge des faits pourrait accorder un poids élevé à une preuve de faits similaires est une toute autre chose que le concept selon lequel, de par sa nature, la preuve peut être décisive quant à la culpabilité.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

L'admissibilité du document trouvé en possession de l'accusé

R. v. Hersi, 2014 ONSC 1368 Lien vers la décision [ 25 ]        The “Document in Possession” doctrine stipulates that if the Crown can prove...