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mercredi 6 décembre 2017

Les fourchettes de peines

R. c. Lacasse, [2015] 3 RCS 1089, 2015 CSC 64 (CanLII),

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[57]                          Les barèmes diffèrent des fourchettes de peines en ce que l’infliction d’une peine selon un barème s’oppose théoriquement à l’individualisation de celle-ci, ce que les fourchettes permettent : Thomas, p. 8. En revanche, le principe qui sous-tend les deux méthodes est le même : faire en sorte que les délinquants ayant commis des crimes semblables dans des circonstances semblables reçoivent des peines semblables. Il en va de même de la méthode des points de départ, qui est utilisée principalement en Alberta, mais parfois aussi dans d’autres provinces du pays : R. c. McDonnell, 1997 CanLII 389 (CSC)[1997] 1 R.C.S. 948, par. 69. Au final, peu importe le mécanisme utilisé ou la terminologie employée, le principe à sa base demeure le même. Quant aux fourchettes de peines, bien qu’elles soient utilisées principalement dans un but d’harmonisation, elles reflètent l’ensemble des principes et des objectifs de la détermination de la peine. Les fourchettes de peines ne sont rien de plus que des condensés des peines minimales et maximales déjà infligées, et qui, selon le cas de figure, servent de guides d’application de tous les principes et objectifs pertinents. Toutefois, ces fourchettes ne devraient pas être considérées comme des « moyennes », encore moins comme des carcans, mais plutôt comme des portraits historiques à l’usage des juges chargés de déterminer les peines. Ces derniers demeurent tenus d’exercer leur pouvoir discrétionnaire dans chaque espèce :
[traduction] Même lorsqu’une cour d’appel a établi une fourchette, il peut arriver que surgisse une situation factuelle qui soit suffisamment différente de celles des décisions antérieures pour que la « fourchette » [« range »], si on peut l’appeler ainsi, doive être élargie. Le point fondamental est qu’une « fourchette » ne constitue pas un carcan assujettissant l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge chargé de déterminer la peine.

(R. c. Keepness2010 SKCA 69 (CanLII)359 Sask. R. 34, par. 24)
[58]                          Il se présentera toujours des situations qui requerront l’infliction d’une peine à l’extérieur d’une fourchette particulière, car si l’harmonisation des peines est en soi un objectif souhaitable, on ne peut faire abstraction du fait que chaque crime est commis dans des circonstances uniques, par un délinquant au profil unique. La détermination d’une peine juste et appropriée est une opération éminemment individualisée qui ne se limite pas à un calcul purement mathématique. Elle fait appel à une panoplie de facteurs dont les contours sont difficiles à cerner avec précision. C’est la raison pour laquelle il peut arriver qu’une peine qui déroge à première vue à une fourchette donnée, et qui pourrait même n’avoir jamais été infligée par le passé pour un crime semblable, ne soit pas pour autant manifestement non indiquée. Encore une fois, tout dépend de la gravité de l’infraction, du degré de responsabilité du délinquant et des circonstances particulières de chaque cas. Je rappelle les propos du juge LeBel à ce sujet :
Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n’est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l’infraction a été commise.

(Nasogaluak, par. 44)
[59]                          Dans l’arrêt Brutus, la Cour d’appel du Québec a décrit ainsi les limites du processus d’harmonisation des peines :
Il est certain que la peine imposée se démarque de certaines peines rendues dans d’autres affaires pour la même infraction. Par ailleurs, comme le mentionnait notre collègue Rochon dans l’arrêt Ferland c. R2009 QCCA 1168 (CanLII), à l’égard du principe d’harmonisation des peines édicté à l’article 718.2 b) C.cr., il « comporte certaines limites en raison du processus individualisé suivi en matière de détermination de la peine » et ne saurait permettre de déroger à la règle du respect de la discrétion des juges d’instance en matière de détermination de la peine (R. c. L.M., précité, paragr. 35). [par. 12]
[60]                          Autrement dit, les fourchettes de peines demeurent d’abord et avant tout des lignes directrices et elles ne constituent pas des règles absolues : Nasogaluak, par. 44. En conséquence, une dérogation à une fourchette de peines n’est pas synonyme d’erreur de droit ou de principe. D’ailleurs, le juge Sopinka l’a clairement énoncé dans l’arrêt McDonnell, même s’il parlait alors de catégories d’agressions :
. . . j’estime que l’omission de situer une infraction particulière dans une catégorie d’agressions créée par les tribunaux, aux fins de la détermination de la peine, ne constitue jamais une erreur de principe en soi. [. . .] Si les catégories sont définies de façon stricte et que les dérogations à cette catégorisation sont généralement infirmées, le pouvoir discrétionnaire qui devrait être laissé aux juges du procès et aux juges qui infligent les peines est donc largement transféré aux cours d’appel. [par. 32]
[61]                          Conclure autrement aurait pour effet d’autoriser les cours d’appel à créer sans véritable justification des catégories d’infractions et, de ce fait, à intervenir sans retenue pour substituer une peine en appel. Or, le pouvoir de créer des catégories d’infractions appartient au législateur, et non aux tribunaux : McDonnell, par. 33.
[62]                          Il convient en outre de souligner que le législateur a régulièrement haussé le seuil des peines minimales et maximales applicables aux infractions liées à la conduite d’un véhicule avec les capacités affaiblies. À titre d’exemple, la peine maximale d’emprisonnement pour le crime de conduite avec les capacités affaiblies causant la mort est passée, en l’an 2000, de 14 ans à la prison à perpétuité : Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies causant la mort et autres matières), L.C. 2000, c. 25.
[63]                          De même, en 2008, le seuil des peines minimales pour l’ensemble des crimes reliés à la conduite avec les capacités affaiblies a été augmenté à 1 000 $ pour une première infraction, à un emprisonnement de 30 jours pour une deuxième infraction et à 120 jours d’incarcération pour toute infraction subséquente : Loi sur la lutte contre les crimes violents, L.C. 2008, c. 6.
[67]                          Tout comme la fourchette elle-même, les catégories qui la composent sont des outils visant en partie à favoriser l’harmonisation des peines. Cependant, une dérogation à une telle fourchette ou catégorie ne constitue pas une erreur de principe et ne saurait à elle seule justifier d’office l’intervention d’une cour d’appel, à moins que la peine infligée ne s’écarte nettement et sans motif de celles prévues. En effet, en l’absence d’une erreur de principe, une cour d’appel ne peut modifier une peine que si celle-ci est manifestement non indiquée.
[72]                          En somme, la peine prononcée par le juge Couture respecte les objectifs et les principes de détermination de la peine énoncés au Codecriminel. Il a souligné à bon droit l’importance de la dissuasion et de la dénonciation en l’espèce, mais il n’a pas pour autant fait abstraction de l’objectif de la réinsertion sociale (par. 92 (CanLII)). La Cour d’appel reconnaît d’ailleurs que « [l]e jugement visé par la requête est longuement motivé et il est clair que le juge de première instance a soupesé avec beaucoup d’attention les objectifs et les principes de détermination de la peine énoncés aux articles 718 à 718.2 du Code criminel » (par. 5 (CanLII)). Comme le juge Couture n’a pas commis d’erreur révisable dans son jugement et que la peine infligée n’était pas manifestement non indiquée, la Cour d’appel ne pouvait intervenir et substituer son appréciation à celle du juge. La peine — au demeurant sévère — prononcée en première instance a néanmoins été réduite par la Cour d’appel sans qu’il soit tenu compte du principe selon lequel la dissuasion et la dénonciation devaient être favorisées en semblable matière. En réduisant la peine infligée par le juge Couture au motif qu’elle dérogeait au principe de la proportionnalité, la Cour d’appel a également fait abstraction de la réalité locale, le tout au détriment des objectifs de dissuasion et de dénonciation.

lundi 4 décembre 2017

Les pouvoirs du juge de gestion de l’instance en ce qui a trait aux admissions


R. c. Charron, 2017 QCCS 688 (CanLII)

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[54]        Cela dit, le juge de gestion de l’instance, confronté au refus de l’accusé d’admettre certains faits secondaires, s’avère-t-il sans recours?
[55]        Dans un jugement rendu dans l’affaire Bordo, le Tribunal conclut que le pouvoir d’établir des horaires et d’imposer des échéances comprend celui de fixer la durée du procès et celle de la présentation de la preuve par les parties.
[56]        Depuis cette décision, la Cour suprême a confirmé, dans l'arrêt Jordan, le pouvoir des tribunaux de mettre en œuvre des procédures plus efficaces, notamment des pratiques d’établissement de calendriers pour les procès.
[57]        La gestion de l’instance ne constitue pas un outil réservé aux procès de grande envergure.
[58]        Le pouvoir d’établir des horaires, d’imposer des échéances et de fixer la durée du procès comprend nécessairement les pouvoirs qui permettent de fixer la durée de la présentation de la preuve, la manière dont celle-ci sera présentée par les parties et les modalités qui permettent d’en assurer le respect.  

[59]        La gestion équitable et efficace de l’instance s’exerce en respectant le droit des parties de présenter la preuve pertinente et les règles fondamentales de notre système de justice criminelle accusatoire et contradictoire.
[60]        Bien entendu, tel qu’indiqué précédemment, le juge du procès doit être prudent avant de s’immiscer dans la conduite du procès et de rendre des décisions qui ont un effet sur la stratégie des parties.
[61]        Les parties ne possèdent pas le droit absolu de présenter la preuve comme elles le souhaitent. La poursuite et l’accusé ne disposent pas d’un droit de présenter une preuve qui exige un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec la valeur probante de la preuve à l’égard des questions véritablement en litige lors du procès. 
[62]        Ainsi, le juge du procès peut fixer la manière dont la preuve sera présentée.
[63]        Voici ce qu’écrit le juge Rosenberg à ce sujet dans Felderhof :
[…] In my view, the trial judge must have the power to control the procedure in his or her court to ensure that the trial is run effectively. Sometimes, the exercise of this power may mean that the trial judge will require counsel to proceed in a different manner than counsel desired.
[64]        La gestion de l’instance doit fournir aux parties les outils nécessaires pour collaborer et mener les dossiers avec diligence. Les parties doivent utiliser de façon efficace le temps du tribunal. Elles doivent être soucieuses de faire des admissions raisonnables, de simplifier la preuve et d’identifier les questions qui doivent être tranchées avant la présentation de la preuve lors du procès.
[65]        En cas de désaccord entre les parties ou lorsque l'accusé refuse de faire des admissions raisonnables à l'égard de questions qui ne sont pas véritablement en litige, le juge de gestion de l’instance peut et doit intervenir.
[66]        Les pouvoirs généraux de gestion de l'instance, et plus particulièrement ceux prévus à l’article 551.3(3)d), permettent de fixer les modalités de la présentation d’une preuve qui est périphérique par rapport aux véritables enjeux du procès si cela ne met pas en jeu le droit à une défense pleine et entière de l’accusé.
[67]        Le juge de gestion de l’instance peut autoriser la poursuite à présenter une telle preuve par le biais d'une déclaration écrite sous serment, sous réserve du droit de l'accusé de contre-interroger l’auteur de la déclaration assermentée ou, le cas échéant, d'un autre témoin, lorsqu’il subsiste vraisemblablement une question à trancher (« a live issue »).
[68]        Dans le présent dossier, plusieurs des admissions sollicitées par la poursuite paraissent raisonnables sans qu’elles ne mettent en péril le droit à une défense pleine et entière de l’accusé.
[69]        À titre d’exemple, il s’avère difficile de comprendre pourquoi l’accusé ne veut pas admettre l’identité de sa conjointe, plusieurs chaines de possession d’objets saisis, la preuve de certaines filatures et certains aspects de la preuve du déroulement des événements qui ne mettent pas en cause la connaissance de l’accusé ou sa participation personnelle aux infractions.
[70]        La poursuite doit donc avoir la possibilité de demander l’autorisation de présenter la preuve de certains faits secondaires au moyen d’une déclaration écrite sous serment. 
[71]        L’accusé doit se voir offrir l’opportunité de la contester et d’exiger, le cas échéant, la présentation d’une preuve testimoniale.

Comment mesurer le caractère équitable d'une preuve d’identification

Joseph c. R., 2014 QCCA 2232 (CanLII)

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[41]        L’appelant avance que la parade d’identification ne rencontre pas en tout point les recommandations du Rapport Sophonow. C’est vrai. Ce rapport, fort pertinent et d’une grande importance, formule des observations fondamentales sur les dangers de la preuve d’identification et suggère des moyens pour les contrer. Notons que l’enregistrement vidéo de la séance d’identification découle de ce rapport et qu’elle existe dans le présent dossier. Toutefois, encore récemment dans l’arrêt Pelletier, la Cour d’appel de l’Ontario rappelait que les recommandations du rapport n’établissaient ni une procédure obligatoire ni un préalable à l’admissibilité d’une preuve de parade photographique.
[42]        Dans l’arrêt Beaulieu, la Cour s’est largement inspirée des propositions faites par diverses commissions sur la preuve d’identification pour en mesurer le caractère équitable.  Bien que la Cour fût divisée sur le résultat, elle constate l’importance d’un processus rigoureux inspiré des meilleures pratiques sans toutefois en faire une exigence gouvernant l’admissibilité de la preuve. Dans la mesure où l’appelant invite spécifiquement la Cour à le faire, je suis d’avis qu’il n’y pas lieu de créer une telle exigence, tout en rappelant qu’une procédure d’identification qui ne suit pas les meilleures pratiques est plus susceptible d’interpeller l’intervention des tribunaux d’appel.
[43]        Le jury doit cependant connaître les dangers entourant la preuve d’identification. En réalité, les directives nécessaires dans un cas donné varient selon les faits de chaque cas. Dans la présente affaire, je suis convaincu que les directives reçues mettaient en évidence les faiblesses de la parade d’identification. L’exercice d’identification s’est fait rapidement après le meurtre. Au surplus, une preuve vidéo de la procédure était disponible. La juge invite le jury à la revoir pour évaluer la fiabilité de l’identification par le témoin Sanon.

L'identification par témoin oculaire

R. c. Boussedra, 2015 QCCQ 7503 (CanLII)

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[46]      Dans les affaires où l'identification par témoin oculaire est en cause, le Tribunal doit faire preuve de prudence et procéder à un examen approfondi de la preuve. Ceci s'explique par la fragilité inhérente de ce type de preuve qui repose sur une opinion fondée sur plusieurs facteurs psychologiques et physiologiques. Ce principe bien connu a récemment été réitéré par la Cour suprême dans R. c. Hay, au paragraphe 40 :
Il est bien établi que lorsque le ministère public a recours à l’identification par témoin oculaire, le juge du procès a l’obligation de mettre le jury en garde au sujet des faiblesses reconnues de la preuve d’identification; voir Mezzo, p. 845, citant R. c. Turnbull, [1976] 3 All E.R. 549 (C.A.); R. c. Hibbert, 2002 CSC 39 (CanLII)[2002] 2 R.C.S. 445, par. 78‑79 (le juge Bastarache, dissident, mais non sur ce point); R. c. Canning, 1986 CanLII 20 (CSC)[1986] 1 R.C.S. 991.  Toutefois, un jury ayant reçu les directives appropriées peut, en dépit des faiblesses de l’identification par témoin oculaire, conclure à la fiabilité de la déposition du témoin oculaire et rendre un verdict de culpabilité sur ce fondement, et ce, même si le ministère public n’a cité qu’un seul témoin oculaire; voir Mezzo, p. 844; R. c. Nikolovski, 1996 CanLII 158 (CSC)[1996] 3 R.C.S. 1197, par. 23.
[47]      Lorsque la suffisance de la preuve d’identification est en litige, comme en l’espèce, il est essentiel de faire preuve d’une prudence particulière afin d’éviter une erreur judiciaire.
[48]      Dans R. v. Gonsalves, au paragraphe 39, le juge Hill de la Cour supérieure de l’Ontario énonce des facteurs et critères que peut considérer le juge des faits lorsqu’il évalue la fiabilité de la preuve d’identification par témoin oculaire :
[39] Our experience with eyewitness identification evidence has taught us to use discriminating scrutiny for badges of unreliability. Judicially created checklists, based on long experience with the inherent dangers of eyewitness identification evidence, assist in assessment of the circumstances of a specific identification: The Queen v. Nikolovski, at 409, 412; Mezzo v. The Queen, at 129-132 per Wilson J. Was the suspect a complete stranger or known to the witness? Was the opportunity to see the suspect a fleeting glimpse or something more substantial? (a fleeting glance of a suspect by an eyewitness is generally setting in the darkness of night or in well-illuminated conditions? Was the sighting by the witness in circumstances of stress (R. v. Nikolovski, at 412, 418; R. v.Francis, 2002 CanLII 41495 (ON CA), [2002] O.J. No. 4010 (C.A.) at para. 4)? Did the witness commit the Did the witness commit the description to writing or report the description to the police in a timely way? Is the witness' description general, generic or vague or is there a description of detail including distinctive features of the suspect and his or her clothing (R. v. Ellis, 2008 ONCA 77 (CanLII), [2008] O.J. No. 361 (C.A.) at para. 5, 8; R. v. F.A., at para. 64; R. v. Richards, at para. 9)? Were there intervening circumstances, capable of tainting or contaminating the independence of the identification, between the witness' initial sighting of the suspect and the rendering of the descriptive account to the police or the court? Has the witness described a distinguishing feature of the suspect not shared by the accused or conversely has the witness' description of the suspect failed to include mention of a distinctive feature of the accused? Is the eyewitness identification unconfirmed?
[49]      Tel que le mentionne le juge Doherty de la Cour d’appel de l’Ontario dans R. v. Quercia, à la page 389:
[T]he existence of confirmatory circumstantial evidence can go a long way to minimizing the dangers inherent in eyewitness identification.
[50]      Par ailleurs, lorsque la preuve est essentiellement et principalement de nature circonstancielle, le Tribunal doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que la culpabilité de l’accusé est la seule conclusion rationnelle pouvant être tirée de la preuve en question.  Tel que le mentionne la Cour suprême dans R. c. Griffin, au paragraphe 33 :
L’élément essentiel d’une directive en matière de preuve circonstancielle consiste à faire comprendre aux jurés que, pour prononcer un verdict de culpabilité, ils doivent être convaincus hors de tout doute raisonnable que la seule conclusion rationnelle pouvant être tirée de la preuve circonstancielle est que l’accusé est coupable.  Il y a différentes façons de communiquer ce message aux jurés : R. c. Fleet (1997), 1997 CanLII 867 (ON CA)120 C.C.C. (3d) 457 (C.A. Ont.), par. 20.  Voir également R. c. Guiboche (2004), 2004 MBCA 16 (CanLII)183 C.C.C. (3d) 361, par. 108‑110; R. c.Tombran (2000), 2000 CanLII 2688 (ON CA)142 C.C.C. (3d) 380 (C.A. Ont.), par. 29.
[51]      Plus récemment, dans R. v. Mufuta, au paragraphe 49, la Cour d’appel de l’Ontario énonce le test applicable de la façon suivante dans le cadre d’une affaire de voyeurisme reposant exclusivement sur une preuve circonstancielle :
[T]he Crown must prove guilt beyond a reasonable doubt, which burden carries with it, in a circumstantial case, the duty of excluding all rational conclusions alternative to guilt.

La preuve d'identification

Ragab c. R., 2011 QCCS 2000 (CanLII)

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[31]      La preuve d'identification a un statut particulier en droit criminel. Je suis d'avis que l'appel réussit complètement sur le grief de l'identification.
[32]      Dans l'arrêt R. c. Beaulieu2007 QCCA 402 (CanLII), le juge Chamberland rappelait encore la fragilité de la preuve d'identification fondée sur des témoignages:
[42]   Les erreurs d'identification visuelle sont possibles; le témoin le mieux intentionné et le plus honnête peut se tromper quand il s'agit pour lui d'identifier un agresseur dont il n'a souvent eu que quelques secondes pour remarquer les traits du visage, souvent dans un moment de grande tension. Les tribunaux canadiens reconnaissent depuis longtemps la fragilité inhérente de toute preuve de reconnaissance visuelle par les témoins.
[44]   Les erreurs d'identification ont été la cause de plusieurs erreurs judiciaires par suite de la condamnation injustifiée de personnes qu'un ou plusieurs témoins de bonne foi avaient identifiées par erreur.
[45] Plusieurs commissions d'enquête, groupes de travail et universitaires se sont penchés sur la question et ont fait des recommandations visant à préserver l'intégrité, la qualité et la fiabilité des preuves d'identification en réduisant le risque que des influences externes ne les contaminent, même par accident.
(références omises)
[33]      En cette matière, la jurisprudence exige une motivation adéquate de la décision afin de comprendre que le juge des faits a dûment pris acte des écueils relativement à l'identification et de la preuve pertinente à cet égard. Lorsque la preuve de la poursuite dépend largement sur la preuve d'identification, le juge doit démontrer qu'il avait à l'esprit les difficultés inhérentes à la preuve d'identification lorsqu'il l'analyse.
[34]      Sans vouloir prétendre qu'il s'agit de la liste exhaustive des considérations pertinentes, je crois opportun de rappeler ce que la Cour d'appel de la Saskatchewan a écrit dans l'arrêt
R. c. Bigsky (2007), 2006 SKCA 145 (CanLII)217 C.C.C. (3d) 441, au paragraphe 41:
In the judge-alone cases, when a court of appeal will intervene depends on a variety of factors: (i) whether the trial judge can be taken to have instructed himself or herself regarding the frailties of eyewitness testimony and the need to test its reliability; (ii) the extent to which the trial judge has reviewed the evidence with such an instruction in mind; (iii) the extent to which proof of the Crown's case depends on the eyewitness's testimony or, in other words, the presence or absence of other evidence that can be considered in determining whether a court of appeal should intervene; (iv) the nature of the eyewitness observation including such matters as whether the eyewitness had previously known the accused and the length and quality of the observation; and (v) whether there is other evidence which may tend to make the evidence unreliable, i.e., the witness's evidence has been strengthened by inappropriate police or other procedures between the time of the eyewitness observation and the time of testimony.

Comment apprécier la crédibilité et la fiabilité d'un témoignage

Chrétien c. R., 2008 QCCA 2398 (CanLII)

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[2]               À la différence de la Cour, le juge de première instance a eu l’avantage de voir et d’entendre les témoins. Le reproche voulant qu’il ait traité différemment les témoins du ministère public et l’appelant ne tient pas. Chaque témoignage comporte son lot d’imprécisions, de nuances, et parfois même, d’incohérences ou de contradictions. Il appartient au juge du procès de les prendre en compte dans son évaluation de la crédibilité de la fiabilité des témoignages entendus. C’est, selon la Cour, ce que le juge a fait en l’espèce.

Le droit relatif à l’exigence de la prise d’échantillons d’haleine dès que matériellement possible

Simard c. R., 2016 QCCS 2712 (CanLII)

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[20]        Bien évidemment, le fardeau d’établir les prérequis à l’application de la présomption, mentionnés aux sous-al. 258 (1) c) (ii) à (iv), incombe à la poursuite (R. c. Burwell2015 SKCA 37 (CanLII), par. 93; R. c. O’Meara2012 ONCA 420 (CanLII), par. 28; R. c. Vanderbruggen (2006), 2006 CanLII 9039 (ON CA)206 CCC (3d) 489 (CAO), par. 8 à 17; R. c. Maroussis2016 QCCS 209 (CanLII), par. 29 et 30).
[21]        Ainsi, contrairement à ce qu’a avancé l’intimée, une requête en exclusion de preuve en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés n’est pas requise lorsqu’il s’agit de décider de l’application de la présomption eu égard aux exigences préalables mentionnées auxsous-al. 258 (1) c) (ii) à (iv) du Code criminel. En effet, dans ce contexte, l’enjeu n’est pas l’admissibilité en preuve des résultats de l’alcootest mais plutôt les effets de ceux-ci. Il n’est pas non plus question de déterminer si les échantillons d’haleine ont été obtenus en vertu d’un ordre valide au sens du par. 254 (3) du Code et des droits garantis par la Charte, c’est-à-dire un ordre qui est notamment fondé sur des « motifs raisonnables de croire ». Il y a donc lieu de distinguer la situation sous études de celles examinées dans les arrêts R. c. Anderson,2013 QCCA 2160 (CanLII)R. c. Forsythe2009 MBCA 123 (CanLII); et R. c. Charrette2009 ONCA 310 (CanLII).
[22]        L’arrêt ontarien Vanderbruggen, précité, aux par. 12 et 13, expose, dans les termes suivants, le droit relatif à l’exigence de la prise d’échantillons d’haleine dès que matériellement possible:
[12]      That leaves the question that is at the heart of this appeal—the meaning of as soon as practicable.  Decisions of this and other courts indicate that the phrase means nothing more than that the tests were taken within a reasonably prompt time under the circumstances. (…) There is no requirement that the tests be taken as soon as possible. The touchstone for determining whether the tests were taken as soon as practicable is whether the police acted reasonably.  (…)
[13]      In deciding whether the tests were taken as soon as practicable, the trial judge should look at the whole chain of events bearing in mind that the Criminal Code permits an outside limit of two hours from the time of the offence to the taking of the first test.   The “as soon as practicable” requirement must be applied with reason.  In particular, while the Crown is obligated to demonstrate that—in all the circumstances—the breath samples were taken within a reasonably prompt time, there is no requirement that the Crown provide a detailed explanation of what occurred during every minute that the accused is in custody. (…)
[Citations omises]
[23]        Le juge du procès a appliqué les principes énoncés dans l’arrêt Vanderbruggen. Il a décidé, au regard de l’ensemble des circonstances, que les policiers ont agi de manière raisonnable et que l’appelante a soufflé dans l’alcootest dès que matériellement possible

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La destruction d'un élément de preuve et les droits garantis par la Charte

R. v. Satkunananthan, 2001 CanLII 24061 (ON CA) Lien vers la décision [ 73 ]           The governing principles where an accused claims that...