lundi 4 décembre 2017

Les pouvoirs du juge de gestion de l’instance en ce qui a trait aux admissions


R. c. Charron, 2017 QCCS 688 (CanLII)

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[54]        Cela dit, le juge de gestion de l’instance, confronté au refus de l’accusé d’admettre certains faits secondaires, s’avère-t-il sans recours?
[55]        Dans un jugement rendu dans l’affaire Bordo, le Tribunal conclut que le pouvoir d’établir des horaires et d’imposer des échéances comprend celui de fixer la durée du procès et celle de la présentation de la preuve par les parties.
[56]        Depuis cette décision, la Cour suprême a confirmé, dans l'arrêt Jordan, le pouvoir des tribunaux de mettre en œuvre des procédures plus efficaces, notamment des pratiques d’établissement de calendriers pour les procès.
[57]        La gestion de l’instance ne constitue pas un outil réservé aux procès de grande envergure.
[58]        Le pouvoir d’établir des horaires, d’imposer des échéances et de fixer la durée du procès comprend nécessairement les pouvoirs qui permettent de fixer la durée de la présentation de la preuve, la manière dont celle-ci sera présentée par les parties et les modalités qui permettent d’en assurer le respect.  

[59]        La gestion équitable et efficace de l’instance s’exerce en respectant le droit des parties de présenter la preuve pertinente et les règles fondamentales de notre système de justice criminelle accusatoire et contradictoire.
[60]        Bien entendu, tel qu’indiqué précédemment, le juge du procès doit être prudent avant de s’immiscer dans la conduite du procès et de rendre des décisions qui ont un effet sur la stratégie des parties.
[61]        Les parties ne possèdent pas le droit absolu de présenter la preuve comme elles le souhaitent. La poursuite et l’accusé ne disposent pas d’un droit de présenter une preuve qui exige un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec la valeur probante de la preuve à l’égard des questions véritablement en litige lors du procès. 
[62]        Ainsi, le juge du procès peut fixer la manière dont la preuve sera présentée.
[63]        Voici ce qu’écrit le juge Rosenberg à ce sujet dans Felderhof :
[…] In my view, the trial judge must have the power to control the procedure in his or her court to ensure that the trial is run effectively. Sometimes, the exercise of this power may mean that the trial judge will require counsel to proceed in a different manner than counsel desired.
[64]        La gestion de l’instance doit fournir aux parties les outils nécessaires pour collaborer et mener les dossiers avec diligence. Les parties doivent utiliser de façon efficace le temps du tribunal. Elles doivent être soucieuses de faire des admissions raisonnables, de simplifier la preuve et d’identifier les questions qui doivent être tranchées avant la présentation de la preuve lors du procès.
[65]        En cas de désaccord entre les parties ou lorsque l'accusé refuse de faire des admissions raisonnables à l'égard de questions qui ne sont pas véritablement en litige, le juge de gestion de l’instance peut et doit intervenir.
[66]        Les pouvoirs généraux de gestion de l'instance, et plus particulièrement ceux prévus à l’article 551.3(3)d), permettent de fixer les modalités de la présentation d’une preuve qui est périphérique par rapport aux véritables enjeux du procès si cela ne met pas en jeu le droit à une défense pleine et entière de l’accusé.
[67]        Le juge de gestion de l’instance peut autoriser la poursuite à présenter une telle preuve par le biais d'une déclaration écrite sous serment, sous réserve du droit de l'accusé de contre-interroger l’auteur de la déclaration assermentée ou, le cas échéant, d'un autre témoin, lorsqu’il subsiste vraisemblablement une question à trancher (« a live issue »).
[68]        Dans le présent dossier, plusieurs des admissions sollicitées par la poursuite paraissent raisonnables sans qu’elles ne mettent en péril le droit à une défense pleine et entière de l’accusé.
[69]        À titre d’exemple, il s’avère difficile de comprendre pourquoi l’accusé ne veut pas admettre l’identité de sa conjointe, plusieurs chaines de possession d’objets saisis, la preuve de certaines filatures et certains aspects de la preuve du déroulement des événements qui ne mettent pas en cause la connaissance de l’accusé ou sa participation personnelle aux infractions.
[70]        La poursuite doit donc avoir la possibilité de demander l’autorisation de présenter la preuve de certains faits secondaires au moyen d’une déclaration écrite sous serment. 
[71]        L’accusé doit se voir offrir l’opportunité de la contester et d’exiger, le cas échéant, la présentation d’une preuve testimoniale.

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