R. c. Sheppard, [2002] 1 RCS 869, 2002 CSC 26 (CanLII)
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46 J’estime que ces affaires montrent clairement que l’obligation de donner des motifs, lorsqu’elle existe, découle des circonstances d’une affaire donnée. Lorsque la raison pour laquelle un accusé a été déclaré coupable ou acquitté ressort clairement du dossier, et que l’absence de motifs ou leur insuffisance ne constitue pas un obstacle important à l’exercice du droit d’appel, le tribunal d’appel n’interviendra pas. Par contre, lorsque le raisonnement qu’a suivi le juge du procès pour démêler des éléments de preuve embrouillés ou litigieux n’est pas du tout évident ou lorsque des questions de droit épineuses requièrent un examen, mais que le juge du procès les a contournées sans explication, ou encore lorsque (comme en l’espèce) on peut donner de la décision du juge du procès des explications contradictoires dont au moins certaines constitueraient manifestement une erreur en justifiant l’annulation, le tribunal d’appel peut, dans certains cas, s’estimer incapable de donner effet au droit d’appel prévu par la loi. Alors, l’une ou l’autre des parties pourra douter de la justesse du résultat, mais l’absence de motifs ou leur insuffisance l’aura à tort privée de la possibilité d’obtenir un examen convenable en appel du verdict prononcé en première instance. En pareil cas, même si le dossier révèle des éléments de preuve qui, d’une certaine manière, pourraient appuyer un verdict raisonnable, les lacunes des motifs peuvent équivaloir à une erreur de droit et fonder l’intervention d’un tribunal d’appel. Il appartiendra à la cour d’appel de décider si, dans un cas donné, les lacunes des motifs l’empêchent de s’acquitter convenablement de ses fonctions en appel.
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mercredi 3 octobre 2018
L'horizon temporel pour exécuter un mandat / le choix du mandat général
R. v. Jodoin, 2018 ONCA 638 (CanLII)
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[11] A general warrant is to be “used sparingly as a warrant of limited resort” so that it does not become an “easy back door for other techniques that have more demanding pre-authorization requirements”: Telus, at para. 56 (citation omitted).
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[11] A general warrant is to be “used sparingly as a warrant of limited resort” so that it does not become an “easy back door for other techniques that have more demanding pre-authorization requirements”: Telus, at para. 56 (citation omitted).
[12] We agree that a warrant to be executed in the future upon the occurrence of a specified contingency is not a procedure contemplated by the conventional search warrant. While a conventional search warrant could have been obtained here, on the basis that there were reasonable grounds to believe that prohibited drugs were likely to be found in the premises, this procedure might not have linked the drugs to the appellant. As noted above, s. 11 of the CDSA provides that where there are reasonable grounds to believe there has been a contravention of the law relating to controlled substances, and that a controlled substance is in a place, a warrant may issue to search that place and seize the substance.
[13] As noted in R. v. Brand, 2008 BCCA 94 (CanLII), 229 C.C.C. (3d) 443, at paras. 50-51:
[T]here is nothing in the language of s. 487.01(1)(c) that precludes a peace officer from obtaining a general warrant solely because he or she has sufficient information to obtain a search warrant. Resort to a search warrant is only precluded when judicial approval for the proposed “technique, procedure or device or the doing of the thing” is available under some other federal statutory provision.
That the police are in a position to obtain a search warrant does not prevent them for continuing to investigate using all other lawful means at their disposal. Having regard to the requirements of s. 487.01(1)(a), I expect that in many cases the information the police present in support of an application for a general warrant would also support an application for a search warrant. I see nothing wrong in utilizing a general warrant to obtain information with a view to gathering additional and possibly better evidence than that which could be seized immediately through the execution of a search warrant.
[14] In Telus, the Supreme Court of Canada noted, at para. 71, that where police are confronted with the choice between a series of conventional warrants or an application for a general warrant, if they apply for a general warrant they must meet the stricter requirements of s. 487.01, which can only be issued by a judge, not a justice of the peace, and they must establish that it is in the best interests of the administration of justice to issue the general warrant.
[15] The court noted further, at para. 72:
In other words, by dint of its more stringent requirements, the general warrant contains a disincentive to its everyday use. In Ha and Brand, where the only alternative was a series of conventional warrants, reliance on a general warrant did not provide the police with an easy way out from the rigours of a more demanding legislative authorization – the general warrant was the more demanding legislative authorization. Thus, in these cases, it is harder to see how the general warrant provision might be misused.
[16] Unlike in Telus, here, there is no question of police evading stricter statutory requirements by seeking a general rather than a conventional warrant.
[17] It would have been much easier for police to ask for a search warrant from a locally situated justice of the peace, rather than travel to Leamington, Ontario as they did in this case, to ask a judge for a general warrant and attempt to establish the more stringent requirements.
[18] There is no statutory time limit for the execution of conventional search warrants, although it appears that the affiant here may have believed otherwise. When investigating drug related offences, the existence of reasonable grounds to believe that drugs are present immediately does not necessarily mean they will be present days later. Sometimes, a larger window for execution of a search warrant will be appropriate.
[19] We agree that prospective execution of a search, based on a future contingency, together with the simultaneous execution of related searches are not contemplated by a conventional search warrant. The general warrant was properly issued in this case, where the investigative technique proposed was not simply to seize the drugs but to link them to the accused and where there is no issue of evasion of a more stringent statutory regime.
[20] As indicated earlier, there was an ample basis for the issuing judge to conclude that the statutory elements required to obtain a general warrant were satisfied.
La compétence inhérente d'un tribunal est nécessaire à l’exercice de sa fonction judiciaire ainsi qu’à l’exécution de son mandat d’administrer la justice
R. c. Cunningham, [2010] 1 RCS 331, 2010 CSC 10 (CanLII)
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[16] La Cour d’appel du Québec a elle aussi statué qu’une fois fixée la date de l’audience, le tribunal peut rejeter la requête pour cesser d’occuper (Bernier c. 9006‑1474 Québec inc., 2001 CanLII 39973 (QC CA), [2001] J.Q. no 2631 (QL); voir également l’art. 249 du Code de procédure civile du Québec, L.R.Q., ch. C‑25). Les cours d’appel de la Saskatchewan et de l’Ontario reconnaissent elles aussi l’obligation de l’avocat d’obtenir du tribunal l’autorisation de cesser d’occuper (Mireau c. Canada (1995), 1995 CanLII 3912 (SK CA), 128 Sask. R. 142, par. 4; R. c. Brundia, 2007 ONCA 725 (CanLII), 230 O.A.C. 29, par. 44; R. c. Peterman (2004), 2004 CanLII 39041 (ON CA), 70 O.R. (3d) 481, par. 38). Des tribunaux de première instance du Nouveau‑Brunswick et de Terre‑Neuve concluent eux aussi à l’existence de cette obligation (R. c. Golding, 2007 NBBR 320 (CanLII), 325 R.N.‑B. (2e) 92, par. 18 et 20; Dooling c. Banfield (1978), 22 Nfld. & P.E.I.R. 413 (C. dist. T.‑N.), par. 27).
[17] Pour les motifs exposés ci‑après, j’estime qu’un tribunal peut refuser l’autorisation de cesser d’occuper demandée par l’avocat de la défense pour cause de non‑paiement de ses honoraires.
B. Pouvoir du tribunal
[18] Une cour supérieure a la compétence inhérente nécessaire à l’exercice de sa fonction judiciaire ainsi qu’à l’exécution de son mandat d’administrer la justice (voir I. H. Jacob, « The Inherent Jurisdiction of the Court » (1970), 23 Curr. Legal Probs. 23, p. 27‑28), ce qui comprend le pouvoir de décider du déroulement de l’instance, de prévenir l’abus de procédure et de veiller au bon fonctionnement des rouages de la cour. Comme l’avocat joue un rôle central dans l’administration de la justice, la cour a un certain pouvoir sur lui lorsqu’il s’agit de faire respecter sa procédure. Dans l’arrêtSuccession MacDonald c. Martin, 1990 CanLII 32 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 1235, notre Cour confirme que la compétence inhérente englobe le pouvoir de déclarer un avocat inhabile à occuper afin d’assurer un procès équitable à l’accusé :
Les tribunaux, qui ont le pouvoir inhérent de priver un avocat du droit d’occuper pour une partie en cas de conflit d’intérêts, ne sont pas tenus d’appliquer un code de déontologie. Leur compétence repose sur le fait que les avocats sont des auxiliaires de la justice et que le comportement de ceux‑ci à l’occasion de procédures judiciaires, dans la mesure où il peut influer sur l’administration de la justice, est soumis à leur pouvoir de surveillance. [p. 1245]
Il s’ensuivrait donc que si, dans l’exercice de sa compétence inhérente, le tribunal peut priver un avocat du droit d’occuper, il peut inversement refuser de l’autoriser à cesser d’occuper.
[19] De même, dans le cas d’un tribunal d’origine législative, le pouvoir de faire respecter sa procédure et le droit de regard sur la manière dont les avocats exercent leurs fonctions s’infèrent nécessairement du pouvoir de constituer une cour de justice. Notre Cour a confirmé que les pouvoirs d’un tribunal d’origine législative peuvent être déterminés grâce à une « doctrine de la compétence par déduction nécessaire » :
. . . sont compris dans les pouvoirs conférés par la loi habilitante non seulement ceux qui y sont expressément énoncés, mais aussi, par déduction, tous ceux qui sont de fait nécessaires à la réalisation de l’objectif du régime législatif . . .
(ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and UtilitiesBoard), 2006 CSC 4 (CanLII), [2006] 1 R.C.S. 140, par. 51)
Même si, dans cet arrêt, le juge Bastarache renvoie à un tribunal administratif, la même règle de la compétence par déduction nécessaire vaut pour un tribunal d’origine législative.
[20] La demande d’autorisation de cesser d’occuper ou celle visant à priver l’avocat du droit d’occuper, qu’elle soit présentée en raison, par exemple, du non‑paiement des honoraires ou d’un conflit d’intérêts, ressortissent au pouvoir dont dispose par déduction nécessaire le tribunal pour décider du déroulement de l’instance.
samedi 29 septembre 2018
Principe de la publicité des débats judiciaires
Personne désignée c. Vancouver Sun, [2007] 3 RCS 253, 2007 CSC 43 (CanLII)
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31 Le « principe de la publicité des débats en justice » est une « caractéristique d’une société démocratique », comme notre Cour l’a déclaré dans l’arrêt Vancouver Sun (Re), [2004] 2 R.C.S. 332, 2004 CSC 43 (CanLII), par. 23. Comme notre Cour l’a signalé dans cet arrêt, ce principe « est depuis longtemps reconnu comme une pierre angulaire de la common law » (par. 24) et figure au nombre de nos principes de droit depuis les arrêts Scott c. Scott,[1913] A.C. 417 (H.L.), et Ambard c. Attorney‑General for Trinidad and Tobago, [1936] A.C. 322 (C.P.), dans lequel lord Atkin s’est exprimé ainsi à la p. 335 : [TRADUCTION] « La justice ne se rend pas derrière des portes closes ». « La publicité est le souffle même de la justice. Elle est la plus grande incitation à l’effort et la meilleure des protections contre l’improbité » (J. H. Burton, dir., Benthamiana : or, Select Extracts from the Works of Jeremy Bentham (1843), p. 115).
32 La publicité des débats judiciaires présente plusieurs avantages distincts. L’accès du public aux tribunaux offre à toute personne qui le souhaite la possibilité de constater « que la justice est administrée de manière non arbitraire, conformément à la primauté du droit » : Société Radio‑Canada c. Nouveau‑Brunswick (Procureur général), 1996 CanLII 184 (CSC), [1996] 3 R.C.S. 480 (« Société Radio‑Canada »), par. 22. La publicité des débats judiciaires favorise l’indépendance et l’impartialité des tribunaux. S’il y a apparence de justice, il est alors plus probable que justice soit rendue. La publicité des débats constitue « l’élément principal » de la légitimité du processus judiciaire : Vancouver Sun, par. 25.
33 Outre son rôle de longue date comme règle de common law inhérente à la primauté du droit, le principe de la publicité des débats judiciaires est d’autant plus important qu’il est manifestement lié à la liberté d’expression, garantie à l’al. 2b) de la Charte. Dans le contexte du présent pourvoi, il importe de noter que l’al. 2b) dispose que l’État ne doit pas empêcher les particuliers « d’examiner et de reproduire les dossiers et documents publics, y compris les dossiers et documents judiciaires » (Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), 1989 CanLII 20 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 1326, p. 1338, citant Nixon c. Warner Communications, Inc., 435 U.S. 589 (1978), p. 597). Le juge La Forest ajoute au par. 24 de l’arrêt Société Radio‑Canada que « [p]our que la presse exerce sa liberté d’informer le public, il est essentiel qu’elle puisse avoir accès à l’information » (je souligne). L’alinéa 2b) protège également le droit de la presse d’assister aux instances judiciaires (Société Radio‑Canada, par. 23; Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3,2002 CSC 75 (CanLII), par. 53).
Comment la cour traite une affaire soulevant des questions essentiellement factuelles, où la crédibilité des témoignages joue un rôle crucial et que le témoignage de l’accusé consiste en un « general denial »
R. v. Potvin, 1994 CanLII 5460 (QC CA)
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In cases that involve opposing versions of the main events, "there is always a danger that the trier of fact will be lured into seeing the issue as one of whether to believe the complainant or the accused": per Wood J.A., speaking for the Court in R. v. K.(V.) (1991), 1991 CanLII 5761 (BC CA), 68 C.C.C. (3d) 18 (B.C.C.A.), at p. 34.
It is imperative on account of this danger that juries be systematically instructed in the clearest of terms on how to deal with the problem.
The underlying principles are at once simple and clear -- to state, if not to apply. Judges who state them can help juries to apply them by framing the rules sequentially.
In making this suggestion, we do not mean to propose that juries be instructed how to deliberate: see Morin and MacKenzie, both previously cited. Our view is that judges should simply lay out the rules in an order that can be easily grasped and retained. One way to do this is by relating them to the elementary principles concerning the presumption of innocence, the burden of proof, and the rule of reasonable doubt.
The main points, where the complainant and the accused have both testified and credibility is an important issue, can be made, for example, in this way:
(1) The defendant in a criminal trial is presumed innocent.
(2) The burden of proof is on the Crown.
(3) This means that the accused does not have to prove his or her innocence. Rather, the Crown must prove that the accused is guilty.
(4) The accused enjoys a right of silence and is not required to testify. When the accused does testify, the burden of proof remains unchanged: the prosecution must still prove that the accused is guilty.
(5) In order to discharge its burden of proof, the prosecution must establish the guilt of the accused beyond a reasonable doubt.
(6) In determining whether this burden has been discharged, the jury must consider all of the evidence.
(7) If the jury, after considering all of the evidence, believes the testimony of the accused, then the accused must be acquitted.
(8) If the jury, after considering all of the evidence, does not believe the testimony of the accused but are left in reasonable doubt by it, the accused must be acquitted.
(9) If the jury, after considering all of the evidence, does not know whom to believe or has a reasonable doubt about whom to believe, they must give the benefit of that doubt to the accused and return a verdict of not guilty.
(10) If, after considering all of the evidence, the jury is not left in doubt by the evidence of the accused, they should ask themselves whether the evidence they do accept satisfies them beyond a reasonable doubt that the accused is guilty. If, and only if, the answer to this question is "yes", should the jury convict the accused.
Our purpose in setting the matter out this way is to illustrate, in paragraphs (1) to (6), one context in which judges might wish to instruct juries on the formula suggested by Cory J. in W.(D.),supra. Paragraphs (7), (8) and (10) simply reproduce that formula, while paragraph (9) incorporates Justice Cory's injunction in W.(D.)[1] with the principle laid down in Nadeau, supra, and reaffirmed in Mackenzie, supra[2]. In this regard, see also R. v. H.(C.W.), supra, at p. 155.
The precise wording of the W.(D.) formula is not mandatory, but as Cory J. stated, at p. 409:
If that formula were followed, the oft-repeated error which appears in the recharge in this case would be avoided. The requirement that the Crown prove the guilt of the accused beyond a reasonable doubt is fundamental in our system of criminal law. Every effort should be made to avoid mistakes in charging the jury on this basic principle.
Les principes juridiques balisant l'allégation de l'incompétence de l'avocat
Alipoor c. R., 2017 QCCA 636 (CanLII)
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[47] L’appelant formule une série de griefs contre le travail effectué par son avocat en première instance [l’Avocat]. Avant d’examiner ces arguments, revoyons les principes encadrant cette analyse :
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[47] L’appelant formule une série de griefs contre le travail effectué par son avocat en première instance [l’Avocat]. Avant d’examiner ces arguments, revoyons les principes encadrant cette analyse :
• l’appelant doit prouver, selon la balance des probabilités, l’incompétence de son avocat;
• il existe une « forte présomption » de compétence de l’avocat;
• le principe de la stabilité des jugements doit être considéré;
• il faut éviter la « sagesse rétrospective »; à titre d’exemple, une stratégie infructueuse n’emporte aucune conclusion de ce seul fait;
• l’appelant doit démontrer par prépondérance le déni de justice qui résulte de la représentation inadéquate de son procureur.
Responsabilité pénale d’une personne morale en regard de la complicité
R. c. Hydrobec (9031-7579 Québec inc.), 2017 QCCQ 10710 (CanLII)
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[164] Malgré une recherche exhaustive, tant au niveau de la jurisprudence que de la doctrine, le Tribunal n’a pas recensé de cas où une personne morale a participé à une infraction conformément à l’alinéa 21(1)b) C.cr.
[165] La Cour d’appel de l’Alberta détermine cependant qu’une entreprise peut avoir la mens rea nécessaire pour engager sa responsabilité criminelle dans le cadre d’accusation où elle est un participant à l’infraction :
I find it difficult to see why a corporation which can enter into binding agreements with individuals and others corporations cannot be said to entertain mens rea when it enters into an agreement which is the gist of conspiracy, and if by its corporate act it can make a false pretence involving it in liability to pay damages for deceit why it cannot be said to have the capacity to make a representation involving criminal responsibility.
[166] Tout comme le souligne la Cour suprême, la théorie de l’identification s’applique lorsque la compagnie bénéficie ou est censée bénéficier des activités criminelles de son âme dirigeante :
[73] Ni la notion de la responsabilité du fait d'autrui, ni la théorie de l'identification ni aucune autre doctrine ne permet de rationaliser complètement la responsabilité criminelle d'une compagnie. À la différence des personnes physiques, une compagnie n'a pas d'esprit et ne peut donc avoir ce qui est appelé en droit criminel la mens rea. Pour les infractions exigeant la mens rea, le droit criminel ne considère pas le propriétaire employeur comme responsable des actes illégaux de ses employés, à moins qu'il n'y ait eu autorisation expresse ou implicite. […] Le droit canadien dans ce domaine a évolué en commençant, répétons-le, par l'arrêt Fane Robinson Ltd., précité, et en passant par l'arrêt St. Lawrence, précité, mais les tribunaux canadiens n'ont pas encore eu à fixer de limites à la théorie de l'identification. Il reste néanmoins que, appliquée pour déclarer une compagnie coupable en droit criminel de la conduite de son directeur lorsque celui-ci agit non pas en sa qualité d'âme dirigeante mais plutôt comme son ennemi juré, la théorie de l'identification n'a plus de fondement rationnel. […] Selon moi, les origines très pragmatiques de la règle de l'identification militent contre son extension de façon qu'elle s'applique à la situation qui se serait présentée en l'espèce si l'une ou plusieurs des âmes dirigeantes avaient agi entièrement dans son propre intérêt et avait visé principalement à frauder la compagnie qui était son employeur. Lorsque la compagnie en question a bénéficié ou était censée bénéficier des activités frauduleuses et criminelles de son âme dirigeante, l'application de la règle de l'identification est justifiée. Cependant, dans un cas où le mandataire s'est retourné contre la compagnie mandante, la règle n'a plus de raison d'être. [Caractères gras ajoutés]
[167] Subsidiairement, l’article 22.2 C.cr. précise la participation d’une compagnie à la commission d’une infraction, lorsque la mens rea est un élément essentiel :
22.2 S’agissant d’une infraction dont la poursuite exige la preuve d’un élément moral autre que la négligence, toute organisation est considérée comme y ayant participé lorsque, avec l’intention, même partielle, de lui en faire tirer parti, l’un de ses cadres supérieurs, selon le cas :
a) participe à l’infraction dans le cadre de ses attributions;
b) étant dans l’état d’esprit requis par la définition de l’infraction, fait en sorte, dans le cadre de ses attributions, qu’un agent de l’organisation accomplisse le fait — action ou omission — constituant l’élément matériel de l’infraction;
c) sachant qu’un tel agent participe à l’infraction, ou est sur le point d’y participer, omet de prendre les mesures voulues pour l’en empêcher.
[168] L’organisation, terme auquel se réfère le Code criminel à son article 22.2 est défini à l’article 2 C.cr. :
2. organisation Selon le cas :
a) corps constitué, personne morale, société, compagnie, société de personnes, entreprise, syndicat professionnel ou municipalité;
b) association de personnes qui, à la fois :
(i) est formée en vue d’atteindre un but commun,
(ii) est dotée d’une structure organisationnelle,
(iii) se présente au public comme une association de personnes. (organization)
[169] Dans un jugement de la Cour du Québec, le juge Conrad Chapdeleine traite de l’article 22.2 C.cr. dans le cadre d’une poursuite intentée envers une compagnie pour des infractions à la Loi sur la concurrence. Il énumère les divers motifs ne permettant pas d’exclure la responsabilité d’une organisation, telle que définie par le Code criminel :
[79] La lecture de l'article 22.2 permet les constats suivants. Il peut exister plusieurs cadres supérieurs au sein d'une même organisation. Un cadre supérieur peut être associé à une sphère d'activité ou à un territoire précis, tout comme le voulait la théorie de l'identification. Cet article indique que l'on doit, afin de déterminer si un employé est un cadre supérieur, considérer les fonctions qu'il exerce et les responsabilités qui lui incombent dans le champ d'activités qui lui a été délégué. Il découle de cela que la notion de cadre supérieur n'inclut pas seulement les hauts dirigeants et le conseil d'administration d'une compagnie.
[80] De même, l'article 22.2 ne permet pas d'exclure la responsabilité d'une organisation aux motifs que :
- l'acte criminel visé n'a pas été expressément ordonné par un cadre supérieur ou un agent;
- il n'y a pas eu autorisation expresse d'autorité au cadre supérieur ou à l'agent ayant commis l'infraction;
- le conseil d'administration ou les membres de la direction ou de l'organisation n'étaient pas au courant des activités en cause;
- des instructions expresses ou implicites interdisant les actes illégaux précis ou toute conduite en général aient été données;
- le cadre supérieur ait agi, en partie, frauduleusement envers l'organisation;
- le cadre supérieur ait agi, en partie, pour son propre avantage.
[81] De plus, cet article permet également de conserver le moyen de défense reconnu par la Cour suprême dans l'affaire Canadian Dredge et d'exclure la responsabilité pénale d'une organisation lorsque le cadre supérieur fautif a agi entièrement dans son propre intérêt.
[170] Finalement, la responsabilité criminelle d’une personne morale est limitée aux actes posés par une âme dirigeante qui ne sont pas entièrement frauduleux à l’égard de la personne morale :
Les limites quant à la responsabilité criminelle qu’assume une personne morale par l’acte d’une âme dirigeante reposent sur le fait que l’acte criminel est ou non entièrement frauduleux à l’endroit de la personne morale. En partant du principe qu’une personne, si malhonnête soit-elle, ne peut se frauder elle-même, il faut dissocier l’acte criminel d’une personne quand cet acte criminel est contraire aux intérêts de la personne morale et vise sa destruction: le représentant ne peut plus, dans ce cas, être considéré comme agissant en qualité d’âme dirigeante.
[171] En l’espèce, la preuve révèle que l’accusé Dany Belley est administrateur et agit comme âme dirigeante des compagnies Hydrobec et Hydro Rive Sud. D’ailleurs, lors de son témoignage, il l’admet.
[172] Le Tribunal a déjà conclu que la poursuite a prouvé, hors de tout doute raisonnable, que ce dernier a aidé, conformément à l’alinéa 21(1)b) C.cr., les producteurs de cannabis à commettre l’infraction prévue à l’alinéa 7(1)(2)b) de la LRDS. Comme l’acte criminel commis par l’accusé Belley n’est pas contraire aux intérêts des compagnies Hydrobec et Hydro Rive Sud, puisqu’il ne vise pas leur destruction, il en découle que ces deux personnes morales engagent leur responsabilité criminelle.
*** Attention, cette décision est portée en appel devant CAQ ***
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