lundi 22 juin 2009

Principes à considérer dans le cadre de la détermination de la peine pour les délinquants autochtones

R. c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688

93 Voyons comment nous pouvons faire un résumé général de l’analyse qui précède.

1. La partie XXIII du Code criminel codifie l’objet et les principes essentiels de détermination de la peine ainsi que les facteurs dont le juge doit tenir compte pour fixer une peine appropriée eu égard au délinquant et à l’infraction.

2. L’alinéa 718.2e) impose au juge de la détermination de la peine d’examiner toutes les sanctions substitutives applicables et de porter attention aux circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.

3. L’alinéa 718.2e) n’est pas une simple codification de la jurisprudence existante. Il a un caractère réparateur. Il a pour objet de remédier au grave problème de la surreprésentation des autochtones dans les prisons et d’encourager le juge à aborder la détermination de la peine selon une approche corrective. Le juge est tenu de donner une force réelle à l’objet réparateur de la disposition.

4. L’alinéa 718.2e) doit être interprété et examiné dans le contexte des autres facteurs mentionnés dans cette disposition et à la lumière de l’ensemble de la partie XXIII. Tous les principes et facteurs énoncés dans la partie XXIII doivent être pris en considération dans la détermination de la peine. Il faut porter attention au fait que la partie XXIII, par l’art. 718, l’al. 718.2e) et l’art. 742.1 notamment, a réaffirmé l’importance de la réduction du recours à l’incarcération.

5. La détermination de la peine est un processus individualisé, et, dans chaque cas, il faut continuer de se demander quelle est la peine appropriée pour tel accusé, telle infraction dans telle communauté. Toutefois l’al. 718.2e) a l’effet de modifier la méthode d’analyse que les juges doivent suivre lorsqu’ils déterminent la peine appropriée pour des délinquants autochtones.

6. L’alinéa 718.2e) impose aux juges d’aborder la détermination de la peine à infliger à des délinquants autochtones d’une façon individualisée, mais différente parce que la situation des autochtones est particulière. En déterminant la peine à infliger à un délinquant autochtone, le juge doit examiner:

(A) les facteurs systémiques ou historiques distinctifs qui peuvent être une des raisons pour lesquelles le délinquant autochtone se retrouve devant les tribunaux;

(B) les types de procédures de détermination de la peine et de sanctions qui, dans les circonstances, peuvent être appropriées à l’égard du délinquant en raison de son héritage ou attaches autochtones.

7. Aux fins de l’examen de ces considérations, le juge du procès aura besoin de renseignements concernant l’accusé. Les juges peuvent prendre connaissance d’office des facteurs systémiques et historiques généraux touchant les autochtones, et de la priorité donnée dans les cultures autochtones à une approche corrective de la détermination de la peine. Normalement, des renseignements spécifiques à l’affaire proviendront des avocats et d’un rapport présentenciel qui tiendra compte des facteurs énumérés au point 6, pouvant aussi provenir d’observations présentées par la communauté autochtone intéressée, habituellement celle du délinquant. Le délinquant peut renoncer à réunir ces renseignements.

8. En l’absence de solution de rechange à l’incarcération, la durée de la peine devra être soigneusement examinée.

9. L’alinéa 718.2e) ne doit pas être considéré comme un moyen de réduire automatiquement la peine d’emprisonnement des délinquants autochtones. Il ne faut pas présumer non plus que le délinquant reçoit une peine plus légère du simple fait que l’incarcération n’est pas imposée.

10. L’absence de programme de peines substitutives spécifique à une communauté autochtone n’élimine pas la possibilité pour le juge d’imposer une peine qui tienne compte des principes de la justice corrective et des besoins des parties en cause.

11. L’alinéa 718.2e) s’applique à tous les délinquants autochtones où qu’ils résident, à l’intérieur comme à l’extérieur d’une réserve, dans une grande ville ou dans une zone rurale. Aux fins de déterminer la collectivité autochtone pertinente en vue de fixer une peine efficace, le terme «collectivité» devrait recevoir une définition assez large pour inclure tout réseau de soutien et d’interaction qui pourrait exister, y compris en milieu urbain. En même temps, le fait que le délinquant autochtone habite dans un milieu urbain qui ne possède aucun réseau de soutien ne relève pas le juge qui inflige la peine de son obligation d’essayer de trouver une solution de rechange à l’emprisonnement.

12. Compte tenu de ce qui précède, la période d’emprisonnement imposée à un délinquant autochtone pourra dans certaines circonstances être moins longue que celle imposée à un délinquant non-autochtone pour la même infraction.

13. Il n’est pas raisonnable de présumer que les peuples autochtones ne croient pas en l’importance des objectifs traditionnels de la détermination de la peine, tels la dissuasion, la dénonciation et l’isolement, quand ils sont justifiés. Dans ce contexte, en règle générale, plus grave et violent sera le crime, plus grande sera la probabilité d’un point de vue pratique que la période d’emprisonnement soit la même pour des infractions et des délinquants semblables, que le délinquant soit autochtone ou non-autochtone.

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