vendredi 18 septembre 2009

Exemple de symptômes d'affaiblissement et les explications du tribunal sur ceux-ci

R. c. Martel, 2005 CanLII 58927 (QC C.M.)

[27] Haleine d’alcool : La preuve est faite et non contredite. Le défendeur reconnaît avoir consommé entre un demi et un litre de vin avec son repas. La preuve est pertinente et a une certaine incidence, mais plutôt faible.

[28] Yeux injectés de sang : Cette preuve a été faite et n’est pas contredite. Plusieurs facteurs peuvent influencer cette caractéristique, entre autres, l’âge, la tension artérielle, les larmes, l’exposition à des substances irritantes, comme la fumée, la maladie, la fatigue etc. L’incidence de cette preuve dans l’instance est faible.

[29] Difficultés d’équilibre : Cette preuve a été faite et n’est pas contredite. La démarche du défendeur est lente, incertaine, chancelante. Son équilibre est instable : il manque de tomber en arrivant au poste de police au moment où il gravit quelques marches. Le tribunal retient que l’incidence de cette preuve est importante. Toutefois, les problèmes d’équilibre du défendeur ne semblent pas s’être manifestés ailleurs dans le temps ce soir-là, ni plus tôt, ni plus tard. Si tel est le cas, la preuve ne le révèle pas. La preuve n’indique pas non plus que le défendeur ait eu besoin de prendre appui en aucun moment sur un objet, ni sur quelqu’un d’autre pendant l’intervention policière.

[30] Appareil de détection approuvé : Bien que le défendeur ait « échoué » le test, il a réussi à souffler, à fournir un souffle continu et suffisant, sans difficulté, à la première occasion. Les personnes dont les facultés sont affaiblies éprouvent fréquemment de la difficulté avec cet appareil ; il leur faut souvent s’y prendre à deux, trois reprises, parfois davantage. Pas le défendeur. La « réussite » du défendeur au premier coup favorise le défendeur dans une certaine mesure, sur le premier chef à tout le moins. Cet élément joue contre la théorie du poursuivant.

[31] Coopération : Tout au long de l’opération policière dont il est l’objet, le défendeur offre une collaboration exemplaire. Ce fait joue en sa faveur. Cependant, il est fréquent aussi que des personnes en état d’ébriété fort avancée – ce qui n’est visiblement pas le cas du défendeur – offrent une excellente coopération. Mais ici, le défendeur semble être resté en possession de ses moyens tout au long de l’opération policière. Pourtant troublé émotionnellement par l’épreuve qu’il vit avec sa fille, une épreuve certainement exacerbée par l’arrestation dont il est l’objet, il demeure calme, poli, courtois. Il ne demandera pas, comme c’est parfois l’occasion, la clémence des policiers. Il fait plus que simplement coopérer, il collabore. Cette preuve favorise ici le défendeur.

[32] Compréhension langagière : La preuve est constante. Le défendeur comprend bien les demandes des policiers, et il y répond de façon rapide et appropriée. Cet élément de la preuve circonstancielle est important. Pion-Rivard témoigne que le défendeur s’exprime lentement, mais qu’il n’est pas confus. Le tribunal en déduit que, ce qu’il dit est clair, compréhensible, et qu’il comprend bien ce qu’on lui demande, sans que les policiers n’aient jamais à lui répéter quoi que ce soit. Comme, devant le tribunal, le défendeur a aussi tendance à parler lentement, alors qu’il est visiblement en possession de toutes ses facultés, cette partie de la preuve est favorable au défendeur.

[33] Remise des documents : La preuve est silencieuse quant à la façon dont s’effectue la remise des documents. Le tribunal en déduit que cette remise s’est effectuée normalement, sinon promptement. Le défendeur semble en effet naturellement lent, calme, posé, dans son expression langagière, comme dans l’exécution de ses mouvements. Alors que dans la très grande majorité des causes de ce type, la preuve révèle des difficultés à ce niveau, rien ne semble suggérer ici que le défendeur n’ait pas vu, identifié et remis facilement la documentation usuelle. L’incidence de cet élément est importante et favorise le défendeur.

[34] Qualité du jugement : Hors la décision du défendeur de monter à bord de son véhicule et celle de mettre les clés dans l’ignition, rien ne suggère ici que le défendeur ait manqué de jugement. L’adage selon lequel nul n’est censé ignorer la loi ne signifie pas pour autant que tous la connaissent. Rien n’indique que le défendeur connaît la présomption législative de l’article 258(1)a) du Code criminel, une présomption qu’il a du reste réussit à repousser ici comme le concède le poursuivant. Sa décision de ne pas conduire dénote plutôt un bon jugement. La discussion qu’il a avec sa fille et les éléments de la preuve faite des sujets de discussion dont il témoigne, dont les difficultés d’adaptation qu’éprouve Catherine dans la famille reconstituée, ces éléments requièrent au contraire un niveau élevé de jugement, une capacité intellectuelle de discernement avec laquelle le défendeur semble n’éprouver aucun problème. De même en est-il de la décision qu’il prend d’avoir recours à son frère Jocelyn ou à un autre moyen de transport pour le retour. Son jugement lui permet également de sentir les effets de l’alcool s’amplifier au sortir du restaurant. Cet élément favorise également le défendeur.

[35] L’affaiblissement des facultés doit être établi hors de tout doute raisonnable, mais, le tribunal l’a dit, cet affaiblissement n’a pas à être marqué. Il est suffisant pour la poursuite de faire la preuve d’un affaiblissement de la capacité de conduire quel qu’il soit pour que le défendeur soit déclaré coupable

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