lundi 5 octobre 2009

Éléments constitutifs de la fraude - Fraude par omission

R. c. Dionne, 2003 CanLII 49083 (QC C.Q.)

[79] Dans la décision de Richard L. Corriveau c. Sa majesté la Reine (200-10-001277-016), jugement rendu le 14 juillet 2003, la Cour d'appel du Québec résume de façon fort éloquente, aux paragraphes 85 à 90 inclusivement, les éléments constitutifs de la fraude. En résumant certains arrêts clés en la matière rendus par la Cour suprême du Canada et je cite les paragraphes en question:

85. Dans l'arrêt R. c. Zlatic ,la juge McLachlin a examiné au nom de la majorité, la notion de fraude par un autre moyen dolosif.
86. Citant l'arrêt R. c. Théroux, la juge McLachlin a affirmé à la p. 43 de Zlatic, que l'actus reus de la fraude est établi par la preuve:

1. d'un acte prohibé, qu'il s'agisse d'une supercherie, d'un mensonge ou d'un autre moyen dolosif, et

2. de la privation causée par l'acte prohibé, qui peut consister en une perte véritable ou dans le fait de mettre en péril les intérêts pécuniaires de la victime.

87. Et que la mens rea de la fraude est établie par la preuve:

1. de la connaissance subjective de l'acte prohibé, et

2. de la connaissance subjective que l'acte prohibé pourrait causer une privation à autrui (laquelle privation peut consister en la connaissance que les intérêts pécuniaires de la victime sont mis en péril).

88. Citant ensuite l'arrêt R. c. Olan, elle a retenu les propos suivants du juge Dickson au sujet de l'expression «autre moyen dolosif»:

… la preuve de la supercherie n'est pas essentielle pour pouvoir prononcer une condamnation [pour fraude]. [] Les mots «autres moyens dolosifs» [du par. 338(1) (maintenant le par. 380(1) ] couvrent les moyens qui ne sont ni des mensonges ni des supercheries; ils comprennent tous les autres moyens qu'on peut proprement qualifier de malhonnêtes.

89. À la p. 45 la juge McLachlin écrit:

La question fondamentale qu'il faut se poser en déterminant l'actus reus de la fraude au sens du troisième volet de l'infraction de fraude est de savoir si le moyen adopté pour commettre la prétendue fraude peut à juste titre être qualifié de malhonnête: Olan précité. Pour déterminer cela, on applique la norme de la personne raisonnable. La personne raisonnable qualifierait-elle l'acte de malhonnête? Évidemment, il n'est pas facile de définir avec précision la malhonnêteté. Elle implique cependant un dessein caché ayant pour effet de priver ou de risquer de priver d'autres personnes de ce qui leur appartient. Dans Criminal Fraud (1986), J.D. Ewart définit la conduite malhonnête comme étant celle [Traduction] «qu'une personne honnête ordinaire jugerait indigne parce qu'elle est nettement incompatible avec les activités honnêtes ou honorables» p. 99). La négligence ne suffit pas, pas plus que le fait de profiter d'une chance au détriment d'autrui sans avoir adopté une conduite dénuée de scrupules, peu importe que cette conduite soit volontaire ou irréfléchie. La malhonnêteté de l'«autre moyen dolosif» tient essentiellement à l'emploi illégitime d'une chose sur laquelle une personne a un droit, de telle sorte que ce droit d'autrui se trouve éteint ou compromis. L'emploi est «illégitime» dans ce contexte s'il constitue une conduite qu'une personne honnête et raisonnable considérerait malhonnête et dénuée de scrupules.

Les affaires où l'«autre moyen dolosif» consistait à détourner des fonds sans y être autorisé offrent des exemples concrets de l'application de ces principes.

90. Finalement, au sujet de la mens rea requise, la juge McLachlin écrit à la p. 49:

pour commettre une fraude par un «autre moyen dolosif», il n'est pas nécessaire que l'accusé saisisse subjectivement la malhonnêteté de son acte ou de ses actes. Il doit sciemment, c'est-à-dire subjectivement, adopter la conduite qui constitue l'acte malhonnête, et il doit comprendre subjectivement que cette conduite peut entraîner une privation au sens de faire perdre à une autre personne l'intérêt pécuniaire qu'elle a dans un certain bien ou de mettre en péril cet intérêt.»

[80] La fraude par omission est comprise dans l'expression autre moyen dolosif, voir à cet effet La Reine c. Martial Bouchard, Cour d'appel du Québec, jugement prononcé le 4 avril 2003 sous le numéro 200-10-001324-024.

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