vendredi 5 février 2010

Orientations pour déterminer si les diverses obligations qui découlent de l’al. 10b) de la Charte et leurs modalités d’interaction sont remplis

R. c. Steven Croteau, 2009 NBCP 41 (CanLII)

Les diverses obligations qui découlent de l’al. 10b) de la Charte et leurs modalités d’interaction ont été résumées dans l’arrêt R. c. Luong (G.V.) 2000 ABCA 301 (CanLII), 2000 ABCA 301 (CanLII), (2000), 271 A.R. 368, [2000] A.J. No. 1310 (QL), 2000 ABCA 301 :

En guise d’assistance aux juges de procès chargés de la lourde tâche de trancher pareilles questions en litige, nous offrons les orientations suivantes :

1. Il incombe à la personne qui affirme que son droit garanti par la Charte a été violé d’établir qu’il y a eu violation ou négation du droit garanti par la Charte.

2. L’alinéa 10b) impose aux autorités de l’État qui arrêtent une personne ou la placent en détention des obligations en matière d’information et en matière de mise en application.

3. L’obligation en matière d’information consiste à informer la personne détenue de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et à lui faire connaître l’existence et l’accessibilité de l’aide juridique et des avocats de service.

4. Les obligations en matière de mise en application sont doubles et prennent naissance lorsque la personne détenue indique qu’elle désire exercer son droit à l’assistance d’un avocat.

5. La première obligation en matière de mise en application consiste à « donner [à la personne détenue] la possibilité raisonnable [d’exercer son droit] (sauf en cas d’urgence ou de danger) ». Voir R. c. Bartle, 1994 CanLII 64 (C.S.C.), 1994 CanLII 64 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 173; 92 C.C.C. (3d) 289 (C.S.C.), à la page 192 [R.C.S.].

6. La deuxième obligation en matière de mise en application consiste à « s’abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu’à ce qu’elle ait eu cette possibilité raisonnable (encore une fois, sauf en cas d’urgence ou de danger) ». Voir R. c. Bartle, précité, à la page 192 [R.C.S.].

7. Le juge du procès doit d’abord déterminer si, étant donné l’ensemble des circonstances, la police a accordé à la personne détenue une possibilité raisonnable d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat; il incombe à la Couronne d’établir que la personne détenue qui a invoqué le droit à l’assistance d’un avocat a obtenu une possibilité raisonnable d’exercer ce droit.

8. Si le juge du procès conclut qu’il y a eu violation de la première obligation en matière de mise en application, l’atteinte aux droits de la personne détenue est prouvée.

9. Si le juge du procès est convaincu que la première obligation en matière de mise en application a été respectée, ce n’est qu’alors qu’il peut examiner si la personne détenue qui a invoqué le droit à l’assistance d’un avocat a fait preuve d’une diligence raisonnable pour l’exercer, et il incombe à la personne détenue d’établir qu’elle a fait preuve d’une diligence raisonnable afin d’exercer ses droits. Voir R. c. Smith 1989 CanLII 27 (S.C.C.), 1989 CanLII 27 (S.C.C.), (1989), 50 C.C.C. (3d) 308 (C.S.C.), aux pages 315, 316 et 323.

10. Si on conclut que la personne détenue qui a invoqué le droit à l’assistance d’un avocat n’a pas fait preuve d’une diligence raisonnable pour l’exercer, ou bien les obligations en matière de mise en application ne prennent pas naissance du tout, ou bien elles sont suspendues. Voir R. c. Tremblay 1987 CanLII 28 (S.C.C.), 1987 CanLII 28 (S.C.C.), (1987), 37 C.C.C. (3d) 565 (C.S.C.), à la page 568, R. c. Ross 1989 CanLII 134 (S.C.C.), 1989 CanLII 134 (S.C.C.), (1989), 46 C.C.C. (3d) 129 (C.S.C.), à la page 135, R. c. Black 1989 CanLII 75 (S.C.C.), 1989 CanLII 75 (S.C.C.), (1989), 50 C.C.C. (3d) 1 (C.S.C.), à la page 13, R. c. Smith, précité, à la page 314, R. c. Bartle, précité, à la page 301 et R. c. Prosper, 1994 CanLII 65 (C.S.C.), 1994 CanLII 65 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 236; 92 C.C.C. (3d) 353 (C.S.C.), aux pages 375 à 381, 400 et 401 [du recueil C.C.C.]. Dans de telles circonstances, aucune atteinte aux droits n’est prouvée.

11. Une fois qu’une personne détenue a affirmé son droit à l’assistance d’un avocat et a fait preuve d’une diligence opportune pour l’exercer (après avoir obtenu une possibilité raisonnable de l’exercer), si elle indique qu’elle a changé d’idée et ne veut plus d’avis juridique, la Couronne est tenue de prouver l’existence d’une renonciation valide à l’assistance d’un avocat. Dans un tel cas, les pouvoirs de l’État ont une obligation additionnelle en matière d’information : ils doivent « informer [la personne détenue] de son droit d’avoir une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat et de l’obligation de la police, au cours de cette période, de s’abstenir, tant que la personne n’aura pas eu cette possibilité raisonnable de prendre toute déposition ou d’exiger qu’elle participe à quelque processus qui pourrait éventuellement être incriminant » (c’est ce qu’on appelle parfois « la mise en garde prévue dans l’arrêt Prosper »). Voir R. c. Prosper, précité, à la page 274 [du R.C.S.]. En l’absence d’une telle mise en garde, une atteinte aux droits est prouvée.

J’estime qu’il est peu réaliste dans chaque cas de catégoriser nettement les obligations qui découlent de l’élément de mise en application du droit que garantit l’al. 10b). Il en est ainsi parce que le premier principe directeur qui permet de trancher les questions de la « possibilité raisonnable » et de la « diligence raisonnable » est le besoin d’examiner l’ensemble des circonstances. Par conséquent, toute analyse qui exige que soit déterminée la « possibilité raisonnable » sans tenir compte de l’ensemble des circonstances ne constitue pas la démarche appropriée pour procéder à l’analyse fondée sur l’al. 10b). Le juge des faits doit considérer les faits globalement et décider si, dans « l’ensemble des circonstances », on peut dire que la personne détenue n’a pas eu une possibilité raisonnable d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat. Ces circonstances comprennent non seulement le comportement de la police, mais aussi celui de la personne détenue. Ce qui pourrait s’avérer raisonnable dans certains cas pourrait fort bien ne pas l’être dans d’autres cas.

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