R. c. Rioux, 2007 NBPC 1 (CanLII)
[43] En l’espèce, on demande à la Cour d’examiner la validité apparente de la dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition, datée du 10 novembre 2003. Les principes fondamentaux d’une telle révision sont maintenant bien établis par la Cour suprême du Canada. Dans l’arrêt clé R. c. Garofoli, 1990 CanLII 52 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 1421, à la page 1452, la Cour décrit comme suit les obligations du juge qui siège en révision :
Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l’autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision conclut que le juge qui a accordé l’autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. Dans ce processus, la fraude, la non-divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d’être nécessaires à la révision leur seul effet est d’aider à décider s’il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l’autorisation.
[44] La Cour suprême a eu l’occasion de revenir sur la question dans l’arrêt R. c. Araujo, 2000 CSC 65 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 992, et je cite un long extrait de la décision du juge LeBel.
Tant que l’affidavit satisfait à la norme juridique applicable, il n’est pas nécessaire qu’il soit aussi long qu’À la recherche du temps perdu, aussi sémillant que le Kama Sutra ni aussi détaillé qu’un guide de réparation d’automobiles. Il doit simplement énoncer les faits de manière complète et sincère pour que le juge saisi de la demande d’autorisation puisse déterminer s’ils remplissent le critère juridique applicable et justifient l’autorisation. Idéalement, il devrait non seulement être complet et sincère, mais aussi clair et concis. Nul besoin de faire état par le menu de l’enquête policière menée jusqu’alors, depuis des mois ou même des années.
[45] Dans les arrêts R. c. Allain (S.) (1998), 205 R.N.‑B. (2e) 201, et R. c. Shalala, [2000] A.N.‑B. no 14, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a eu l’occasion d’examiner en profondeur les principes que doivent appliquer à des requêtes du genre les juges qui siègent en révision. La Cour d’appel a statué que, malgré le fait que les arrêts Garofoli et Araujo ont porté sur la révision de dénonciations visant à obtenir des autorisations d’écoute électronique, les principes qui ont été élaborés en conséquence s’appliquent tout aussi bien à la révision de dénonciations visant à obtenir des mandats de perquisition.
[46] À la suite de ces deux décisions, je résumerais les principes comme suit :
1) Le mandat de perquisition et la dénonciation contestés sont présumés valides.
2) Étant donné la présomption de validité, il incombe au requérant de convaincre le juge qui siège en révision que la dénonciation visant à obtenir un mandat de perquisition n’est pas conforme aux exigences de fond établies par la loi.
3) Lorsqu’il évalue quant au fond la qualité de la dénonciation, le tribunal de révision ne doit pas s’en tenir à la preuve qui y est mentionnée. Le juge qui décerne le mandat a le droit de tirer des déductions raisonnables de la preuve présentée dans la dénonciation.
4) Dans son évaluation, le tribunal de révision doit prendre en considération la totalité de la dénonciation et en interpréter les différentes parties en contexte. Il n’y a pas lieu de soumettre la dénonciation à une analyse microscopique de chaque partie et d’en considérer des extraits sans tenir compte du contexte général.
5) Le sens des termes utilisés dans la dénonciation ne devrait pas être soumis à une interprétation excessivement stricte.
6) Le juge saisi de la révision doit déterminer s’il existait une preuve sur laquelle le juge qui a décerné le mandat, agissant de façon judiciaire, pouvait se fonder pour décerner le mandat. Le tribunal siégeant en révision ne peut pas substituer son opinion à celle du premier juge quant à la question de savoir s’il existe une preuve suffisante.
7) Le juge saisi de la révision doit retrancher toute partie de la dénonciation qui est considérée frauduleuse, délibérément trompeuse ou contenant une déclaration erronée intentionnelle.
8) Si le juge saisi de la révision conclut que des extraits de la dénonciation visant à obtenir un mandat contiennent des déclarations frauduleuses, trompeuses ou intentionnellement erronées, ces extraits blâmables doivent être retranchés du document.
9) Le juge saisi de la révision doit ensuite examiner la dénonciation expurgée et décider s’il existe toujours des motifs raisonnables de décerner le mandat de perquisition, compte tenu des suppressions. Il faut répondre à la question suivante : le mandat pourrait-il être décerné sur le fondement de la preuve qui reste?
[47] Le juge Cromwell, de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, dans l’affaire R. c. Morris, [1998] N.S.J. No. 492, a eu l’occasion de commenter les principes qui inspirent les juges siégeant en révision dans des affaires du genre. Il donne le résumé utile qui suit :
[TRADUCTION]
Il pourrait être utile de résumer les principes de révision que j’ai adoptés, dans un voir-dire sur l’article 8 auquel a donné lieu le procès, relativement à un mandat fondé sur une dénonciation qui est valide à première vue :
1. Le juge du procès doit déterminer si le juge de paix a pu décerner validement le mandat
2. En procédant à cette révision, le juge du procès peut entendre et considérer des éléments de preuves pertinents concernant l’exactitude et les motifs d’inclusion de l’information contenue dans la dénonciation visant à obtenir un mandat de perquisition.
3. Des renseignements frauduleux ou délibérément trompeurs dans la dénonciation n’invalident pas automatiquement le mandat. Toutefois, ils peuvent avoir un tel effet si le juge qui siège en révision conclut, d’après l’ensemble des circonstances, que la manière dont la police a abordé le processus d’autorisation préalable était si apte à le saper que le mandat devrait être invalidé. De plus, les renseignements frauduleux ou délibérément trompeurs devraient être retranchés pour qu’on n’en tienne pas compte.
4. En évaluant la validité du mandat, le juge du procès, en général, a le droit de tenir compte de tous les éléments de preuve concernant l’existence effective de motifs raisonnables dont la police était visiblement au courant lorsque le mandat a été sollicité. Toutefois, de tels éléments de preuve ne peuvent être utilisés s’ils ont été obtenus par des moyens anticonstitutionnels ou (je suis porté à le croire) pour amplifier des renseignements frauduleux ou délibérément trompeurs de la dénonciation visant à obtenir un mandat.
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