jeudi 26 août 2010

En l’absence du consentement de l’accusé, la preuve présentée aux fins de la procédure de voir-dire ne devrait pas s’appliquer au procès principal, bien qu'il pourrait y exister une exception

R. c. Simard, 2003 CanLII 32955 (QC C.Q.)

[19] L’expression « voir-dire », de la locution d’origine latine « verum dicere », désigne une vérification préalable à l’admissibilité d’une preuve.

[20] S’il a raison d’avancer que le procès se met en branle dès le dépôt des actes d’accusation et l’enregistrement de plaidoyer de non culpabilité, le procureur du ministère public confond les buts différents que poursuivent la procédure dite de voir-dire et le procès lui-même lorsqu’il soutient, en plaidoirie, avoir été sous l’impression que toute la preuve présentée aux fins de la requête en vertu de la Charte devient, du même souffle, partie intégrante de toute la preuve au soutien des accusations.

[21] Dans l’arrêt Erven c. La Reine 1978 CanLII 19 (S.C.C.), (1979) 1 S.C.R. 926, la Cour suprême rappelle bien que les rôles du voir-dire et du procès lui-même diffèrent :

« Le voir-dire sert à déterminer l’admissibilité d’un élément de preuve. Le procès vise à trancher l’affaire au fond en fonction de la preuve recevable.

… la preuve présentée au voir-dire ne peut pas être utilisée au procès lui-même. »

[22] Cet énoncé de la règle, surtout connu, avant l’avènement de la Charte, en marge des questions relatives à l’admissibilité des déclarations d’un accusé, et cette démarcation qu’il convient de faire entre la procédure dite de voir-dire et du procès lui-même, s’appliquent tout autant à la contestation de l’admissibilité des preuves en violation de l’un des droits garantis par la Charte.

[23] Dans l’arrêt plus récent de R. c. Darrach 2000 CSC 46 (CanLII), (2000) 2 R.C.S. 443, la Cour suprême du Canada postule qu’un voir-dire « est une autre procédure au sens de l’article 13 de la Charte ». Elle y réaffirme clairement la distinction entre la procédure de voir-dire et le procès lui-même tenant au fait que la première ne fait pas partie du processus de la détermination de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé, une phase qui appartient au second.

[24] En fait, cette règle repose sur la prémisse fondamentale de la présomption d’innocence avec comme corollaires :

– l’État assume seul le fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé;

– l’État ne peut pas forcer le concours de l’accusé à la démonstration de sa culpabilité;

– l’accusé a le droit au silence et à ne pas s’incriminer, mais aussi, à un procès juste et équitable.

[25] Dès lors, il convient que l’accusé puisse, sans craindre de s’incriminer, contester l’admissibilité des preuves, notamment en appelant des témoins ou en déposant lui-même.

[26] En conséquence, en l’absence du consentement de l’accusé, la preuve présentée aux fins de la procédure de voir-dire ne devrait pas s’appliquer au procès principal.

[27] Toutefois, malgré la fermeté au moins apparente de l’état du droit sur la question, il n’est pas si certain que la Cour ne puisse pas passer outre le consentement de l’accusé à la condition de s’assurer de certaines garanties.

[28] Le contexte particulier et singulier de l’audition des présentes affaires invite à cette solution, la seule qui réponde aux fins d’une saine administration de la justice, en général, et à la recherche de la vérité, en particulier, sans desservir les intérêts et droits fondamentaux des accusés.

[29] Au vu des présentes circonstances, la Cour ne peut se résoudre à appliquer sans discernement une règle qui, en raison d’une erreur technique ou d’une bévue, évacuerait du dossier une preuve pertinente et légale qu’elle pourrait autrement avoir réintégré, à défaut de consentement des accusés, pour peu qu’elle ait été entièrement répétée avec toutefois les effets pervers que cela comporte au plan de la mobilisation des ressources humaines et du temps requis pour l’exercice.

[30] L’inapplication de cette règle aux faits de l’affaire n’enfreint nullement le droit des accusés à un procès juste et équitable. Il s’agit plutôt d’un cas rare où l’application sans nuance de la règle déconsidérerait l’administration de la justice.

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