vendredi 20 août 2010

La violation de l'art. 8 par les policiers a‑t‑elle été commise "de bonne foi" ou était‑elle "flagrante"?

R. c. Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3

Un aspect tout aussi important de la gravité de la violation est la façon dont la police a agi en décidant d'effectuer cette perquisition périphérique sans mandat. La violation de l'art. 8 a‑t‑elle été commise "de bonne foi" ou était‑elle "flagrante"? Ce sont deux termes techniques dans les affaires concernant le par. 24(2). Pour décider si l'un ou l'autre terme est approprié dans les circonstances, il faut examiner la preuve présentée à l'enquête préliminaire et produite au procès dans le cadre de la demande présentée en vertu du par. 24(2). Voici l'extrait pertinent du contre‑interrogatoire de l'agent Povarchook:

Avec égards pour l'opinion contraire, je ne peux conclure que cette situation constitue un cas de bonne foi susceptible de réduire la gravité de la violation de l'art. 8 qui s'est produite en l'espèce. (...)


(...) En premier lieu, selon les termes mêmes du juge, la conclusion relative à la bonne foi est équivoque. Le "raccourci" dont il est fait mention dans l'extrait souligné était une perquisition effectuée par une personne qui savait qu'il n'y avait pas de pouvoirs légaux de perquisition. La preuve révèle clairement que les policiers savaient qu'ils n'avaient pas de motifs suffisants soit pour exercer ce pouvoir de perquisition sans mandat décerné en vertu de l'al. 10(1)a) de la Loi sur les stupéfiants, soit pour obtenir un mandat de perquisition en vertu du par. 10(2). Tout ce que l'agent a trouvé à répondre à la question concernant une autre source possible d'autorisation légale était "je ne suis pas certain".

En second lieu, même si le juge Cashman a conclu que l'agent a cru honnêtement mais à tort qu'il avait le pouvoir de perquisitionner, j'estime que, dans ces circonstances, celui‑ci ne peut tout simplement pas prétendre qu'il avait mal compris la portée de son autorité. Comme le juge en chef Dickson l'a clairement démontré dans ses motifs en l'espèce, "[n]otre Cour a toujours dit que les droits que la common law reconnaît au détenteur d'un bien de ne pas subir d'intrusion policière ne peuvent être restreints que par des pouvoirs conférés par des dispositions législatives claires" (p. 000). Tout argument contraire est, selon les termes du juge en chef Dickson, "sans fondement". La police est censée être au courant des arrêts Eccles et Colet de notre Cour et de la restriction des pouvoirs policiers qui découle de ces jugements.

Ou bien les policiers savaient que c'était une intrusion, ou bien ils auraient dû le savoir. Dans l'un ou l'autre cas, on ne peut pas dire qu'ils ont agi "de bonne foi", au sens où on l'entend dans la jurisprudence fondée sur le par. 24(2). Pour arriver à cette conclusion, je m'appuie sur l'arrêt R. c. Genest, 1989 CanLII 109 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 59, où le juge en chef Dickson, au nom de notre Cour, a jugé que la poursuite ne pouvait pas prétendre que les policiers avaient par inadvertance omis de reconnaître les vices évidents dans un mandat de perquisition. Même en l'absence d'une preuve de mauvaise foi, la gravité de la violation de la Charte dans ce cas était augmentée du fait que "les vices que comportait le mandat de perquisition étaient graves et les policiers auraient dû les remarquer" (je souligne, p. 87); et plus loin: "Ils n'ont pas tenu compte des restrictions bien établies que la common law impose aux pouvoirs de perquisition de la police" (p. 91). Dans ses motifs en l'espèce, le juge en chef Dickson souligne que la Cour d'appel, à l'unanimité, a accepté l'erreur faite par le policier quant à son pouvoir de perquisitionner. Je ne suis pas d'accord. La Cour d'appel a expressément conclu que la conduite de la police équivalait à une intrusion mais que, vu l'ensemble des circonstances, cela ne constituait pas une fouille, une perquisition ou une saisie abusive.

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