mercredi 2 mars 2011

Garde et contrôle: c’est au risque de mise en mouvement que le danger doit être associé

R. c. Leblanc, 2011 CanLII 9441 (QC C.M.)

[6] La poursuivante adopte ainsi les principes émis pas notre Cour d’Appel en 2005 dans l’affaire Sergerie :

« La poursuite n’a pas le fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable un risque réel de mise en mouvement. Elle doit simplement démontrer que l’accusé s’est placé dans une situation susceptible de devenir dangereuse. Le risque en question provient de l’état de jugement altéré par l’alcool d’une personne en état d’ébriété ayant les moyens de mettre son véhicule en mouvement. »

[8] Dans l’affaire Toews, l ’Honorable juge McIntyre de la Cour Suprême a ainsi défini les actes de garde ou contrôle d’un véhicule automobile:

« (…) les actes de garde ou contrôle, hormis l’acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l’on pourra conclure qu’il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup. »

[9] Pour conclure à garde ou contrôle, il faut donc retrouver une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires qui comporte le risque de le mettre en mouvement.

[10] C’est une erreur d’associer le danger à l’utilisation simple des accessoires tel la radio ou la chaufferette du véhicule.

[11] C’est au risque de mise en mouvement que le danger doit être associé.

[12] La présomption de l’article 258 1 (a) C. cr. a pour but de « décourager les gens en état d’ébriété de se placer dans une situation où ils pourraient mettre un véhicule en marche et en même temps leur fournir un moyen d’échapper à la responsabilité lorsqu’ils avaient un motif pour monter dans le véhicule autre que celui de le mettre en marche. ».

[13] Une fois cette présomption repoussée, celui qui occupait la place du conducteur du véhicule n’est plus réputé en avoir eu la garde ou le contrôle.

[14] La défenderesse a repoussé cette présomption et n’est donc plus réputée avoir eu la garde ou le contrôle de son véhicule.

[15] Il ne pourrait conséquemment être conclu qu’elle avait la garde ou le contrôle de son véhicule, au sens de l’article 253 C. cr., que depuis l’ensemble de la preuve déterminant qu’elle a posé des actes comportant une certaine utilisation du son dit véhicule ou de ses accessoires risquant de le mettre en mouvement, devenant ainsi potentiellement dangereux.

[16] Notre cour d’appel l’a souligné en l’affaire Olivier : le fait qu’un conducteur soit assis derrière le volant, avec la clé dans le contact, n’entraîne pas nécessairement la conclusion qu’il a le contrôle de son véhicule. Chaque cas doit être décidé eu égard à ses propres faits.

[17] L’actus reus de l’infraction de cet article 253 C. cr. serait le fait, pour la défenderesse, d’assumer ce risque de mettre son véhicule en mouvement alors que sa consommation volontaire d’alcool avait affaibli sa capacité de conduire, ou que son alcoolémie était supérieure à la limite permise.

[18] Il y aurait donc absence d’actus reus si l’utilisation de son véhicule ne comportait pas de risque de le mettre en mouvement, de le rendre dangereux :

« Lorsque l’utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche ou de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu’il y a absence « d’actus reus » (R. Penno, 1990 2 R.C.S. 865)»

« Par contre, la loi ne manque pas totalement de souplesse et ne va pas jusqu’à punir la simple présence dans un véhicule à moteur d’une personne dont la capacité de conduire est affaiblie. En réalité, l’arrêt Toews consacre la règle que, lorsque l’utilisation du véhicule ne comporte aucun risque de le mettre en marche et de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu’il y a absence d’actus reus. »

« J’estime que le fait de se trouver ainsi, seul dans son véhicule, le téléphone cellulaire en main, à la recherche d’un bon samaritain dans le but d’éviter de conduire son véhicule, constitue un fait neutre puisque la présomption a été réfutée. Comme la preuve ne révèle aucun autre acte de l’appelant comportant une certaine utilisation du véhicule, ou encore certains actes établissant une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comportaient le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux, l’actus reus n’a pas été démontré hors de tout doute raisonnable. »

[19] Ainsi, la mens rea de l’infraction de cet article 253 C. cr. serait l’intention coupable d’assumer ce risque de mettre le véhicule en mouvement après avoir volontairement consommé de l’alcool ou des drogues.

[20] Certes, comme l’a si bien souligné le procureur de la poursuivante, même ayant repoussé la présomption de l’article 258 1 (a) C. cr., même étant ainsi réputée ne pas avoir eu la garde et contrôle de son véhicule, la défenderesse pouvait toujours devenir potentiellement dangereuse, pourrait-on prétendre, car à tout moment et en tout temps elle aurait pu changer d’idée et décider de quitter les lieux sans plus attendre :

« There is no necessity of proving that the offender was posing an immediate danger to the public in order to find him guilty. It is the possibility that the vehicle may be in motion, intentionally or unintentionally, by a person who is intoxicated that poses a problem for the public safety.”

[21] Jusqu’à l’intervention des policiers, il est incontestable que la défenderesse n’avait aucune intention de mettre son véhicule en mouvement, même si elle en avait la possibilité : elle attendait son transporteur contacté par téléphone par son copain.

[29] Répétition volontaire: c’est au risque de mise en mouvement que le danger doit être associé.

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