lundi 21 mars 2011

L’infliction de la peine et la décision sur la demande de confiscation constituent deux étapes du procès sans corrélation ni interdépendance

R. c. Neault, 2011 QCCA 435 (CanLII)

[19] Une première leçon qui se dégage de Craig est que l’infliction de la peine et la décision sur la demande de confiscation constituent deux étapes du procès sans corrélation ni interdépendance, qui doivent demeurer distinctes l’une de l’autre. Les trois premiers paragraphes de l’arrêt posent le problème et annoncent la conclusion de la majorité :

(...)

[3] Selon la seconde interprétation, le tribunal doit procéder à une analyse distincte et se demander si la confiscation est justifiée, en fonction du critère de proportionnalité établi dans la loi. Cette interprétation — qu’étayent d’ailleurs la structure et le libellé des dispositions législatives — me semble préférable, car elle permet d’écarter un résultat intolérable, à savoir la possibilité d’éviter l’incarcération en échange de biens, et elle garantit ainsi que le droit à la liberté sera protégé d’une façon plus uniforme. À mon avis, la perte ou le maintien de la liberté ne devrait pas dépendre du fait que l’intéressé possède ou non des biens qu’il est en mesure de sacrifier.

[21] L’arrêt Craig est sans équivoque. Le juge qui délibère sur la peine doit occulter la demande de confiscation annoncée et, par la suite, lorsqu’il analyse l’opportunité de la confiscation, il ne doit pas revenir en arrière et tenir compte de la peine infligée. Ce retour sur la peine constituait le reproche adressé par la Cour suprême à la Cour d’appel de la Colombie-Britanique :

[46] Selon la Cour d’appel, le fait qu’il soit précisé au par. 19.1(3) que le tribunal peut refuser d’ordonner la confiscation lorsque, selon la version anglaise de la loi, son « impact » (« effet »), serait « démesuré », rend nécessaire l’examen de la situation particulière de l’accusé, y compris la période d’emprisonnement ou les autres aspects de la peine à laquelle il est condamné. […] À mon avis, une telle interprétation n’est pas justifiée par le libellé de la disposition. […]

[23] À mon avis, les termes choisis par le législateur confèrent tout de même au juge une large discrétion face à une demande de confiscation. Il peut la refuser s’il est d’avis que « …la confiscation serait démesurée par rapport à… » (…if a court is satisfied that the impact of an order of forfeiture… would be disproportionate to…).

[24] L’idée de « démesure » (disproportionate to) et le terme de comparaison « par rapport à » impliquent de soupeser deux réalités pour constater s’il y a équilibre ou déséquilibre entre les plateaux de la balance. D'un côté, il y aura les faits relatifs à l’infraction, évalués selon l’objectif de l’ordonnance et les trois facteurs de la loi, et de l’autre, les effets plus ou moins draconiens de la confiscation (the impact of the forfeiture). Le poids relatif des faits et des effets fera pencher la balance en faveur ou contre la confiscation.

[25] Si la loi précise les facteurs d’évaluation de l’infraction, elle est muette sur les effets à prendre en compte et sur la manière de les évaluer. À mon avis, il est pertinent de considérer entre autres si le bien est superflu, utile ou nécessaire suivant son usage habituel; si le bien est de peu ou de grande valeur en soi et en l’espèce; si le bien est utilisé pour des besoins de base, s’approvisionner, se faire soigner; si le bien sert aux loisirs ou au travail; si le bien contribue à l’exécution d’obligations familiales ou sociales.

[26] Ce sont bien les effets, les conséquences en rapport avec le bien du contrevenant que le juge doit soupeser, tout comme, à l’alinéa suivant (490.41(4)), ce sera « l’effet qu’aurait la confiscation à l’égard d’un membre de la famille immédiate » (the impact of the order of forfeiture on any member of the immediate family) qui devra être aussi considéré.

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