R. c. M.C., 2010 QCCQ 15842 (CanLII)
[38] Tel que mentionné par le soussigné dans l'affaire R. c. Rock Ferland, décision datée du 2 novembre 2004 sur une preuve de voir-dire concernant l'admissibilité de faits similaires en preuve, différents critères et balises ont été énoncés par la Cour suprême.
[39] Ainsi, dans R. c. Handy, la Cour suprême confirme la règle d'exclusion voulant que la preuve de faits similaires soit présumée inadmissible, puisque le risque que cette preuve cause un préjudice est élevé, en détournant l'attention du juge ou du jury. Toutefois, elle ajoute que plus la preuve se rapproche de l'accusation, plus sa valeur probante augmente. Il incombe donc à la poursuite de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la valeur probante de la preuve de faits similaires l'emporte sur le préjudice qu'elle peut causer.
[40] Dans R. c. C. (M.H.) la Cour suprême statue:
«Notre Cour a examiné les principes régissant la recevabilité de la preuve d'actes similaires dans l'arrêt R. c. B. (C.R.), 1990 CanLII 142 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 717. La preuve de disposition qui montre seulement que l'accusé est le genre de personne susceptible d'avoir commis l'infraction en cause est généralement irrecevable. Cette preuve est susceptible d'avoir un grave effet préjudiciable en amenant le jury à penser que l'accusé est une «mauvaise» personne. En même temps, elle est d'une pertinence limitée relativement à la vraie question, celle de savoir si l'accusé a commis l'infraction particulière dont il est inculpé. Il y aura des cas, cependant, où la preuve d'actes similaires touchera à autre chose que la disposition et sera considérée comme ayant une véritable valeur probante. Cette valeur probante tient ordinairement au fait que les actes comparés sont à ce point inhabituels et présentent des similitudes à ce point frappantes que ces similitudes ne peuvent pas être attribuées à une coïncidence. Cette preuve ne devrait être utilisée que lorsque la force probante l'emporte nettement sur le préjudice, ou sur le danger que le jury rende un verdict de culpabilité pour des raisons illogiques.
La nature de la preuve d'actes similaires en l'espèce, comporte de graves dangers de préjudice pour l'appelant. Comme je l'ai dit dans l'arrêt R. c. B. (C.R.), à la p. 735, dans un cas «où la preuve de faits similaires que l'on veut présenter est une preuve à charge d'un acte moralement répugnant commis par l'accusé, le préjudice qui peut en résulter est grave et la valeur probante de la preuve doit vraiment être grande pour permettre sa réception». Le juge du procès a le devoir d'apprécier les facteurs relatifs à la valeur probante et au préjudice, puis de déterminer si, nonobstant la règle fondamentale d'exclusion, la valeur probante de la preuve est tellement forte qu'elle fait pencher la balance en faveur de son utilisation.»
[41] Il faut être prudent pour ne pas trop ouvrir la porte à l'admissibilité d'une preuve de propension, puisque la crédibilité est une question omniprésente dans la plupart des procès, et que tout ce qui ternit la moralité de l'accusé peut accessoirement accroître la crédibilité du plaignant.
[42] La règle qui interdit, avant verdict, toute preuve des antécédents judiciaires de l'accusé ainsi que son mode de vie en général, vise à assurer que le prévenu sera jugé pour l'infraction dont il est accusé et non pas en fonction de sa moralité ou de ses crimes passés. Cette règle vise les preuves dont le seul but est d'établir une propension qui ne se rapporte pas au crime reproché. On considère qu'une telle preuve n'a aucune valeur probante.
[43] Dans André Gagnon c. Sa Majesté La Reine la Cour d'appel du Québec écrit:
«64. … suivant l'état du droit, les faits similaires seront admis, à titre d'exception, lorsque la valeur probante qui en découle dépasse leur effet préjudiciable. La valeur probante d'une preuve ne s'apprécie pas dans l'absolu; elle doit être évaluée en rapport avec une question soulevée, soit par les chefs d'accusation soit par la défense qui est offerte.
[65] La valeur probante d'une preuve de faits similaires dépend du degré de similitude qui existe entre ces faits et les infractions reprochées. Dans l'arrêt Handy, la Cour suprême rappelle les facteurs qui permettent de conclure à la similitude nécessaire :
(1) la proximité temporelle des actes similaires;
(2) la mesure dans laquelle les autres actes ressemblent dans leurs moindres détails à la conduite reprochée;
(3) la fréquence des actes similaires;
(4) les circonstances entourant les faits similaires ou s'y rapportant;
(5) tout trait distinctif commun aux épisodes;
(6) les faits subséquents;
(7) tout autre facteur susceptible d'étayer ou de réfuter l'unité sous-jacente des actes similaires.»
[…]
[68] Dans la recherche des similitudes ou des différences entre les infractions, l'approche mathématique ou comptable est à proscrire. L'exercice auquel la Cour suprême nous convie est la recherche d'un certain équilibre …
[…]
[71] Dans R. c. Handy, le juge Binnie décrivait comme ceci l'exercice auquel doit se livrer le juge d'instance pour équilibrer la valeur probante d'une preuve de faits similaires et le préjudice qui peut découler de sa recevabilité :
Justice est rendue lorsqu'on écarte une preuve pertinente dont l'effet préjudiciable l'emporte sur sa valeur probante (R. c. Marquard, 1993 CanLII 37 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 223, p. 246), et lorsqu'on admet une preuve dont la valeur probante est plus grande que son effet préjudiciable (quoique ce soit là l'exception). La justice inclut l'intérêt de la société dans la découverte de la véracité des accusations ainsi que l'intérêt de la société et de l'accusé dans l'équité procédurale. Un système de justice criminelle dans lequel des déclarations de culpabilité injustifiées ont été prononcées notamment en raison de notions erronées de moralité et de propension ne devrait pas (et ne doit pas) prendre à la légère le risque qu'une preuve de propension soit mal utilisée.»
[44] En principe, la preuve d'une prédisposition à accomplir le type d'acte reproché est irrecevable à raison du danger qui peut en découler.
[45] Dans R. c. B., le juge Sopinka écrit:
«La principale raison d'exclusion relative à la propension est qu'il existe une tendance tout à fait humaine à juger les actes d'une personne en fonction de son caractère. Surtout avec des jurys, la tentation serait forte de conclure qu'un voleur a volé, qu'un homme violent a commis des voies de fait et qu'un pédophile s'est livré à des actes de pédophilie.»
[46] Le degré de similitude exigé varie selon le but pour lequel la preuve de faits similaires est présentée. Ainsi, lorsqu'il s'agit de prouver l'identité de l'auteur de l'infraction, les tribunaux exigent un très haut degré de similitude, puisque le risque de préjudice pour l'accusé est grand. Il faut alors que le crime soit véritablement signé par son auteur.
[47] Les tribunaux font par ailleurs preuve d'une plus grande souplesse si le but visé est de nier une défense de bonne foi ou d'association honnête, par la preuve d'un comportement systématique.
[48] Il fut aussi reconnu que la preuve présentée à titre de faits similaires n'a pas nécessairement à établir la commission d'une infraction et qu'au surplus, celle relative aux faits postérieurs aux événements reprochés est aussi admissible.
[49] En fait, le Ministère public n'a qu'à faire une preuve prima facie de la participation de l'accusé à l'infraction qui lui est reprochée, à titre de fait similaire.
[50] La valeur probante de la preuve d'acte similaire doit être analysée en fonction de la question soulevée. Celle-ci doit être appréciée au regard du préjudice que l'accusé peut subir.
[59] Le Tribunal a pris connaissance d'une décision rendue par l'honorable Claude Leblond, le 15 janvier 2009 dans l'affaire R. c. Cormier. Celui-ci a refusé une preuve de faits similaires, alors que dans cette affaire, il y avait, malgré tout, un nombre impressionnant de faits et d'actes similaires. Il a toutefois dénoté des différences et divergences, lesquelles lui ont permis de conclure que l'admissibilité de la preuve de faits similaires causerait un préjudice à l'accusé.
[60] Le soussigné fait siens les citations et propos tenus par l'honorable juge Leblond, lesquels se lisent comme suit:
[29] Dans R. c. Handy (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908), la Cour suprême réitère que la règle en matière d'actes similaires en est une d'exclusion.
« Il est évident que l’intimé a raison de plaider l’inadmissibilité de la preuve d’inconduite qui va au-delà de ce qui est allégué dans l’acte d’accusation et qui ne fait que ternir sa réputation. Personne n’est accusé d’avoir une prédisposition ou propension « générale » au vol, à la violence ou à quoi que ce soit d’autre. En général, l’exclusion vise à interdire l’utilisation de la preuve de moralité en tant que preuve circonstancielle d’une conduite, c’est-à-dire pour inférer des « faits similaires » que l’accusé avait une propension ou une prédisposition à accomplir le type d’actes reprochés et qu’il est donc coupable de l’infraction (note précitée). »
[30] Évidemment, la poursuite cherche par cette preuve à tirer une inférence. Une telle inférence doit cependant rencontrer des exigences précises.
« Les inférences que l’on cherche à faire doivent être conformes au bon sens, aux notions intuitives de probabilité et à l’improbabilité d’une coïncidence (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 42). »
[34] La question de savoir si la valeur probante d’une preuve l’emporte ou non sur son effet préjudiciable ne peut être tranchée qu’en fonction de la fin, i.e de la question soulevée et donc de la question en litige (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 69).
« Les questions soulevées découlent des faits allégués dans l’accusation ainsi que des moyens de défense invoqués ou raisonnablement escomptés. Il incombe donc au ministère public de cerner la question en litige dans le procès, à laquelle on prétend que la preuve de prédisposition se rapporte. Si la question n’est plus litigieuse, comme, par exemple, lorsque l’accusé a admis le fait, la preuve n’est plus pertinente et doit être exclue (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 74).»
[36] Lorsqu'une preuve d'actes similaires est présentée pour étayer la crédibilité d'une plaignante, la Cour suprême émet quelques réserves.
« Selon le ministère public, la question en litige concerne de façon générale la « crédibilité de la plaignante » et plus particulièrement [traduction] « le fait que l’accusé est fortement prédisposé à accomplir l’acte même qui est allégué dans les accusations portées contre lui ». Toutefois, il y a des précisions à apporter. Il faut prendre garde de trop ouvrir la porte à l’admission de la preuve de propension ou, comme on le dit parfois, de permettre qu’elle ait une trop grande incidence sur la preuve que le ministère public doit présenter (Sopinka, Lederman et Bryant, op. cit., § 11.26). La crédibilité est une question omniprésente dans la plupart des procès, qui, dans sa portée la plus étendue, peut équivaloir à une décision sur la culpabilité ou l’innocence.
Tout ce qui ternit la moralité de l’accusé peut accessoirement accroître la crédibilité du plaignant. Décider que la « question soulevée » porte sur la crédibilité risque, à moins qu’on en limite la portée, de donner lieu à l’admission de rien de plus qu’une preuve de prédisposition générale (« mauvaise personnalité ») (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 115 et 116).
[42] Dans l'analyse de la force probante des actes dits similaires, il faut se demander quelle inférence peut-on tirer de ces faits en relation avec la question en litige.
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