Anglehart c. R., 2012 QCCA 771 (CanLII)
Lien vers la décision
[20] Ces menaces méritent-elles de priver l'appelant de sa liberté pendant 4 ans? De l'avis de la Cour, assurément pas. Non seulement la peine est trop sévère, mais elle est nettement excessive eu égard aux événements survenus.
[21] Quant à la jurisprudence sur laquelle s'appuie le juge, il importe tout d'abord de préciser que le jugement de la Cour supérieure dans R. c. Bédard, qui a imposé une peine d'emprisonnement d'une durée de 60 mois, a fait l'objet d'une demande de permission d'appeler devant notre cour qui n'a pas encore été entendue. Il s'agit donc là d'un précédent qui ne peut servir pour l'instant à établir la fourchette des peines applicables pour le crime prévu à l'article 423.1 C.cr. Les faits, de plus, sont fort différents dans la mesure où l'accusé a fait preuve d'un acharnement verbal envers la victime et qu'il a refusé de reconnaître ses torts.
[22] Dans R. c. Charrette que cite également le juge et où les circonstances s'apparentent au présent dossier, le juge de la Cour supérieure a condamné l'accusé à une « peine exemplaire » de 18 mois.
[23] Dans R. c. Y.S. où, lors de l'enquête préliminaire, l'accusé a menacé l'avocate du ministère public et deux policières présentes à titre de témoins, le juge a condamné l'accusé à une peine de 24 mois d'incarcération.
[24] Le jugement rendu par la Cour du Québec dans R. c. Dubé est également pertinent. L'accusé, alors qu'il s'apprêtait à entendre le prononcé de sa peine, devient agité. Il injurie le personnel, le menace, se débat, tente de s'enfuir. Il s'en prend également verbalement au représentant du ministère public et à un agent lors de son transport au centre de détention. En 2007, il a été condamné à 30 mois d'emprisonnement pour des infractions similaires. La peine imposée par le juge fut alors de 36 mois.
[25] À l'inverse, dans l'affaire R. c. Hodgky, l'accusé n'a été soumis qu'à une ordonnance de probation d'une durée de 3 ans alors qu'il a menacé à plusieurs reprises une juge de la Cour supérieure dans différents contextes.
[26] Deux autres jugements provenant d'ailleurs au Canada méritent également d'être retenus. Dans le premier, l'affaire R. c. Daye, la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick confirme la peine d'incarcération de 9 mois prononcée en première instance, l'accusé ayant fait allusion devant des policiers à une saisie récente lors de laquelle quatre agents de la GRC avaient été tués, laissant entendre par là que c'est ce qui allait se produire.
[27] Enfin, dans l'affaire R. c. Lamarche, le juge a imposé une peine d'emprisonnement de 2 mois à un détenu autochtone au lourd casier judiciaire qui avait proféré des menaces à l'endroit d'agents correctionnels.
[28] L'examen de la jurisprudence révèle donc que le crime d'intimidation d'une personne associée au système judiciaire n'entraîne pas nécessairement une peine d'emprisonnement et que lorsque c'est le cas, celle-ci ne dépasse généralement pas 36 mois.
[29] En imposant une peine de 48 mois à l'appelant, le juge de première instance s'est donc écarté de la fourchette établie. Ceci, en soi, n'est pas fatal, mais nécessite que la peine respecte néanmoins les principes et objectifs applicables à la détermination de celle-ci. C'est ce qui ressort de l'extrait suivant de l'arrêt de la Cour suprême dans R. c. Nasogaluak :
[44] Le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges chargés de la détermination de la peine comporte toutefois des limites. Il est en partie circonscrit par les décisions qui ont établi, dans certaines circonstances, des fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, en vue de favoriser, conformément au principe de parité consacré par le Code, la cohérence des peines infligées aux délinquants. Il faut cependant garder à l’esprit que, bien que les tribunaux doivent en tenir compte, ces fourchettes représentent tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues. Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n’est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l’infraction a été commise
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