mardi 5 août 2014

La règle interdisant la production de déclarations antérieures compatibles

R. c. Béland, [1987] 2 RCS 398, 1987 CanLII 27 (CSC)


10.              La règle qui s'oppose aux témoignages justificatifs est aussi compatible en principe avec d'autres règles de preuve qui, dans une certaine mesure, correspondent au même contenu et qui sont fondées sur des principes semblables. Mentionnons à titre d'exemple la règle interdisant l'admission de déclarations antérieures compatibles d'un témoin. McWilliams, précité, traite de cette règle à la p. 353, puis se réfère aux propos souvent cités du juge Neville dans l'affaire Jones v. South‑Eastern and Chatham Railway (1917), 87 L.J.K.B. 775 (C.A.), à la p. 779, où il dit:

[TRADUCTION]  . . . des déclarations peuvent être utilisées contre un témoin à titre d'aveux, mais [. . .] on ne saurait produire en preuve des déclarations faites à d'autres occasions par le témoin pour confirmer son témoignage.

Cette observation a été formulée dans le contexte d'une affaire où la demanderesse alléguait avoir subi une blessure au travail et où on a tenté de produire en preuve une déclaration qu'elle avait faite à un tiers après l'accident. McWilliams cite en outre l'arrêt R. v. Campbell (1977), 38 C.C.C. (2d) 6 (C.A. Ont.), dans lequel le juge Martin, exprimant l'avis de la cour composée également des juges Arnup et Lacourcière, a dit, à la p. 18:

                  [TRADUCTION]  Le refus du juge de première instance d'admettre que d'autres témoins déposent, notamment au stade du contre‑interrogatoire, concernant des déclarations antérieures de l'appelante, résulte de l'application de deux règles de preuve distinctes:

I.                 La règle qui empêche un accusé de tirer des  témoins des déclarations intéressées qu'il a faites antérieurement;

II.  La règle selon laquelle un témoin, qu'il soit ou non partie au litige, ne saurait répéter ses propres déclarations antérieures portant sur l'affaire dont la cour se trouve saisie, faites à d'autres  personnes en dehors de la salle d'audience, ni ne saurait citer d'autres personnes pour témoigner relativement à ces déclarations.

                  Les déclarations d'un accusé qui enfreignent la règle I sont exclues parce qu'elles constituent du ouï‑dire. Quant à la relation par un témoin de déclarations antérieures faites à d'autres personnes en dehors de la salle d'audience, cela paraît être interdit par la règle II, parce que, sauf dans certaines circonstances précises, cette preuve manque généralement la valeur probante requise pour soutenir la crédibilité du témoin.

Wigmore, précité, à la p. 255, par. 1124, formule la règle dans les termes suivants:

[TRADUCTION]  Lorsque le témoin a seulement témoigné à son interrogatoire principal sans qu'on l'attaque, une preuve de déclarations compatibles est inutile et sans valeur. Une telle preuve n'est d'aucun secours pour le témoin, car même si son récit est invraisemblable ou douteux, ce n'est pas à force de répétitions qu'il devient plus vraisemblable ou moins douteux. Normalement, ce genre de preuves se révèlent gênantes au procès et sont habituellement écartées.

Bien que le juge Martin, dans l'arrêt Campbell, et Wigmore laissent entendre que l'exclusion des déclarations s'explique parce qu'elles constituent du ouï‑dire et qu'elles manquent de valeur probante, un autre fondement possible de la règle a été avancée, savoir qu'il serait trop facile de fabriquer de telles déclarations en vue de leur emploi au cours d'une instance ultérieure. Dans la décision R. v. Hardy (1794), 24 St. Tr. 199, le juge en chef Eyre a dit, aux pp. 1093 et 1094:

[TRADUCTION]  . . . on présume que nul ne fera une déclaration qui lui sera préjudiciable, à moins qu'elle ne soit vraie, mais que quiconque se trouve en difficulté ou prévoit l'être fera des déclarations qui lui seront favorables.

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