dimanche 15 février 2015

Les faits collatéraux et ses exceptions

R. c. Jackson, 2004 CanLII 54452 (QC CS)


[13]            Selon le Tribunal, il faut se demander à ce moment-là si la déclaration de Mme Campbell à Alicia Wolfe est un fait collatéral et, si c'est le cas,  alors il y a finalité de la réponse ou est-ce que cette déclaration est reliée à un fait en litige et alors la preuve contraire est permise.
[14]            Le juge Ewaschuk dans son volume sur la preuve, au paragraphe 16:2550, aux pages 16-55 et 16-56, le juge Ewaschuk résume un petit peu ce qui en est des faits collatéraux. Il dit ceci:
«Although a witness may generally be cross-examined on a collateral matter, the cross-examiner is generally bound by the witness' answer on the «collateral matter» but not on a «material matter». In other words, the cross-examiner may not call evidence to rebut the answer on a collateral matter, subject to various exceptions, but may on a direct matter, subject to the rule against case-splitting. A matter is generally considered to be collateral if it could not be tendered in evidence as being relevant to a fact in issue, as opposed to being relevant only to a witness' credibility on a non-material matter.»
[15]            On réfère à un arrêt de l'Angleterre, c'est Attorney General v. Hitchcock (1847), 1 Ex. 91, 154 E.R. 38. D'ailleurs, j'ai retrouvé cette référence à Hitchcock ailleurs et non pas seulement dans Ewaschuk. À la même page ou au même paragraphe, le juge Ewaschuk continue comme suit:
«[…] A collateral matter is not related to an essential matter of the Crown's or accused's case, i.e. it is a matter which the Crown or accused may not call as part of its case, which occurs where the matter «relates only to credibility» and not to a material issue in the case.»
[16]            On réfère à l'arrêt de la Cour Suprême de R. v. R (D.)1996 CanLII 207 (CSC), [1996] 2 S.C.R. 291. Cet arrêt-là, comme je pense nous le savons tous, référait au témoignage d'un enfant. Ici, l'auteur ajoute, référant à cet arrêt «(material issue related to the reliability of the children's evidence due to alleged coaching of the witnesses)».
[17]            Alors, j'ai lu cet arrêt ce matin et dans cet arrêt, naturellement, on voulait appeler en preuve certains experts pour établir, justement, que le témoignage de l'enfant n'était pas fiable étant donné qu'il, si j'ai bien saisi l'arrêt, c'est qu'il y aurait pu avoir, comme on dit ici en anglais du «coaching» de la part d'adultes et, qu'à ce moment-là, son témoignage pouvait être en totalité ou en partie de la fabrication. À ce moment-là c'était très important, c'était relié à un fait en litige. Je pense que c'est un cas d'espèce. Maintenant, on émet certains principes comme, d'ailleurs, le mentionne le juge Ewaschuk dans son traité.
[18]            À la page 16-56, l'auteur continu comme suit:
«As a general rule, a witness' answers on cross-examination may be contradicted through further evidence only on matters relevant to facts in issue and not on collateral matters. Thus, answers given on cross-examination on matters of credibility unrelated directly to facts in issue arecollateral and generally are considered final so as to avoid the additional trial of «side issues»,»
[19]            Et le juge Ewaschuk réfère à différents arrêts de jurisprudence dont, notamment, R. c. Latour, et il continue, juste pour qu'on comprenne, il disait::
«…though matters relating to the credibility or reliability of a witness may nonetheless be directly material to a matter in issue, e.g., the question of whether or not a child witness has been coached or manipulated into telling lies about a material matter in issue.».
[20]            Alors, c'est l'arrêt dont je viens de vous faire mention, l'arrêt de la Cour Suprême de R. c. R. (D.). Il ajoute:
«Where the question relates to a matter not directly in issue as part of the charge or a defence, then the matter is, generally, considered to be collateral,»
[21]            Le juge Ewaschuk réfère à plusieurs arrêts de jurisprudence de différentes Cours d'appel au pays. Il ajoute:
«even though the matter is similar to the matter before de court.»
[22]            Là, il réfère à l'arrêt de la Cour d'appel du Québec de R. c. R. (P.). C'est l'arrêt dont Me Desrosiers nous a fourni une copie. Dans cet arrêt de la Cour d'appel, l'avocat de la défense a voulu interroger la plaignante concernant son témoignage lors de procédures en Ontario, mais certaines questions ont été interdites. L'accusé a été trouvé coupable à la suite du procès intenté au Québec et la Cour décide que la situation ne se situe pas dans les catégories d'exception de la règle de la finalité de la réponse sur une question collatérale portant sur la crédibilité.
[23]            Dans cette cause l'accusé, qui est l'appelant, avait été inculpé de plusieurs chefs d'agression sexuelle à l'endroit de sa nièce. Au paragraphe 34, la Cour d'appel dit ceci:
«En appel, l'avocate de R. reprend, par surcroît, l'essentiel de l'argument du mémoire original, d'après lequel le contre-interrogatoire aurait dû être autorisé parce qu'il ne s'agissait pas, à proprement parler, d'une matière collatérale. En effet, selon elle, lorsque la preuve porte sur un événement comme un abus sexuel, la crédibilité ne constituerait pas seulement un élément à peser, mais deviendrait en quelque sorte la matière principale relative à la culpabilité ou l'innocence. Subsidiairement, elle argumente que si la Cour estime que le mensonge délibéré dans un autre procès constitue un fait collatéral, il s'agirait cependant, lors d'une exception à la règle de la finalité de la réponse donnée par le témoin. En effet, s'appliquerait alors l'une des exceptions à la finalité de ces réponses,  connue comme celle du menteur.»
[24]            Et au paragraphe 35, la Cour d'appel traitant de cette soi-disant exception qu'on appelle celle du menteur, dit ceci:
«Si tant est que cette exception existe, c'est à tort quelle est invoquée. D'abord, la question posée à l'origine à la plaignante constituait, par nature, une question collatérale. Elle n'avait pas de caractère déterminant par rapport à la question soulevée dans les plaidoiries ou dans l'acte d'accusation, ou avec les questions dont la preuve devenait nécessaire pour trancher l'affaire (voir R. c. Krause1986 CanLII 39 (CSC), [1986] 2 S.C.R. 466 (S.C.C.), p. 474, voir p. 476). En l'espèce, il ne s'agissait pas ici de faire la preuve de ce qui s'était passé dans l'autre dossier, mais de déterminer si les accusations portées contre R. dans cette affaire étaient fondées ou non et d'apprécier, à cet égard, la crédibilité du témoignage de B.B. Les questions posées avaient alors un caractère nettement collatéral. Le premier juge devait à la fois permettre le contre-interrogatoire sur la question, mais interdire à l'avocat d'aller au-delà une fois que B.B. avait répondu ou s'était expliquée, comme elle l'a fait. La situation ne se situait pas dans les catégories d'exceptions à la règle de finalité de la réponse sur une question collatérale portant sur la crédibilité, comme l'expose un auteur comme le juge Boilard:»
[25]            Là, on réfère aux catégories d'exceptions. La Cour d'appel, référant à Boilard, parle de trois catégories d'exceptions. On parle de la condamnation antérieure du témoin, la déclaration antérieure contradictoire, l'animosité ou la partialité du témoin à l'endroit de l'une des parties. Le juge Boilard réfère à Phipson (Phipson on Evidence), qui lui en dénombre quatre: prévention et partialité du témoin, condamnations antérieures, réputation de menteur du témoin, preuve médicale au sujet du peu de fiabilité du témoin.
[26]            La Cour d'appel réfère, aussi, à d'autres auteurs comme Archbold, Ewaschuk, McWilliams, et ajoute:
«L'on peut formuler ainsi les exceptions à a règle de la finalité des réponses collatérales:
1.      Condamnations antérieures;
2.      Déclaration antérieure contradictoire;
3.      Animosité pou partialité du témoin à l'égard de l'une des parties;
4.      Réputation de menteur du témoin.
5.      Preuve médicale du peu de fiabilité du témoin.»
[27]            Référant à la quatrième exception, la réputation de menteur du témoin, la Cour d'appel ajoute ceci au paragraphe 36:
«Cette exception du «menteur» vise une tentative de preuve de mauvaise réputation dans la communauté et ne s'applique pas à une preuve démontrant qu'un témoin a menti à une occasion précise. L'élargissement proposé par l'appelant éliminerait la règle générale jusqu'ici applicable à ces interrogatoires sur des questions de crédibilité, qui repose sur le principe fondamentale de la pertinence. …»
[28]            On dit au paragraphe 37:
«On se trouvait devant une tentative de prouver un mensonge dans une affaire distincte, mais non la réputation de B.B.»
[29]            Le Tribunal est d'avis que l'argument, à l'effet que la question de la crédibilité de Mme Campbell est au centre de la présente affaire et que par conséquent ce n'est pas un fait collatéral, ne peut être retenu, à moins que la question soit «directly relevant» to the «material issues» to be proved.
[30]            Ainsi, pour que la preuve contraire de la déclaration de Mme Campbell à Alicia Wolfe soit permise, il faut aussi que cette déclaration soit reliée à un fait en litige ou encore que la déclaration se situe dans les catégories d'exceptions à la règle de la finalité de la réponse sur une question collatérale portant sur la crédibilité.
[31]            Le Tribunal estime que cette déclaration ne se situe pas dans ces catégories d'exceptions dont nous parle la Cour d'appel dans l'arrêtR. c. R. (D.).

Aucun commentaire:

Publier un commentaire