mercredi 1 avril 2015

L'obligation de se renseigner du ministère public

R. c. McNeil, [2009] 1 RCS 66, 2009 CSC 3 (CanLII)


[49] Le ministère public n’est pas une partie comme les autres.  En effet, en tant qu’officier de justice, le représentant du ministère public doit œuvrer sans réserve à la bonne administration de la justice. Ainsi, lorsqu’il est informé de l’existence de renseignements pertinents, il ne peut se contenter de n’en faire aucun cas.  À moins que l’information ne semble pas fondée, l’avocat du ministère public ne saurait apprécier pleinement le bien‑fondé de l’affaire et s’acquitter de son obligation d’officier de justice s’il ne s’informe pas davantage et ne tente pas raisonnablement d’obtenir les renseignements en question.  Dans R. c. Arsenault (1994), 1994 CanLII 5244 (NB CA)153 R.N.‑B. (2e) 81 (C.A.), le juge Ryan a décrit avec justesse l’obligation du ministère public de se renseigner suffisamment auprès des autres organismes ou ministères de la Couronne.  Il s’est exprimé comme suit :

Lorsqu’une divulgation est demandée ou exigée, le procureur de la Couronne a l’obligation de se renseigner suffisamment auprès des autres organismes ou ministères de la Couronne qui pourraient logiquement avoir en leur possession des éléments de preuve.  On ne peut excuser le procureur de la Couronne de ne pas se renseigner suffisamment lorsqu’à la connaissance du poursuivant ou de la police un autre organisme de la Couronne a participé à l’enquête.  La question de la pertinence ne peut être laissée à la discrétion des profanes.  Si le procureur de la Couronne ne peut avoir accès aux dossiers d’un autre organisme, il doit alors en aviser la défense de façon que celle‑ci puisse entreprendre les mesures qu’elle juge nécessaires dans l’intérêt de l’accusé.  Ce principe s’appliquerait aussi dans les affaires dans lesquelles l’accusé ou le défendeur, selon le cas, n’est pas représenté par un avocat . . . [par. 15]

[50] Cette obligation de se renseigner s’applique lorsque le ministère public est informé de l’existence d’éléments de preuve potentiellement pertinents quant à la crédibilité ou à la fiabilité des témoins dans une affaire. Comme le précise à juste titre l’amicus curiae, [TRADUCTION] « [l]e ministère public et la défense ont tous les deux intérêt à découvrir qu’un policier n’est pas honnête ou fiable » (mémoire, par. 62).  Le juge Doherty l’a fait valoir avec force dans R. c. Ahluwalia (2000), 2000 CanLII 17011 (ON CA)138 O.A.C. 154, lorsqu’il a formulé ses observations sur le défaut du ministère public de se renseigner davantage lorsqu’il est confronté au parjure de son propre témoin (par. 71‑72) :


[TRADUCTION]  Pour des motifs dont le ministère public ne nous a pas fait part, il appert qu’il n’estime pas être tenu de découvrir le fond de cette affaire. . .

Le ministère public a des obligations relatives à l’administration de la justice qui n’incombent pas aux autres parties.  Confronté au parjure de son propre témoin et au fait que ce faux témoignage coïncidait avec la communication partielle qu’il prétend avoir involontairement faite à la défense, le ministère public était tenu de prendre toutes les mesures raisonnables pour découvrir ce qui s’était passé et pour communiquer les résultats de ses recherches à la défense.  À mon avis, le ministère public ne s’est pas acquitté de ses obligations relatives à l’administration de la justice en admettant que, comme l’a découvert la défense, la communication fût partielle et, après s’être renseigné de façon limitée, en n’assumant pas sa responsabilité quant à cette communication partielle et en omettant d’en expliquer la raison.  Le ministère public devait à l’appelant et à la cour une explication plus détaillée que celle qu’il a choisi de donner.

[51] Ainsi, en s’acquittant convenablement de son double rôle de procureur et d’officier de justice, l’avocat du ministère public peut efficacement réduire l’écart entre la communication de la preuve par la partie principale et la production d’éléments de preuve par les tiers.  Je vais maintenant me pencher sur l’obligation corollaire de la police de participer au processus de communication.

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