Lien vers la décision
[52] La délicate et toujours difficile tâche d’imposer la peine n’autorise pas un juge à choisir des raccourcis lorsque la difficulté augmente, au contraire. S’il est vrai que l’exercice est tout sauf une science exacte, et qu’il s’agit d’un « processus profondément subjectif », il ne doit pas devenir arbitraire. L’article 726.2 du Code criminel exige la motivation des décisions en matière de peine et la faiblesse de celle-ci « atténue la déférence due à un jugement d’instance ». Comme le rappelle la Cour suprême, « il est clair qu'en exposant ses motifs le juge du procès aide la cour d'appel à évaluer le caractère raisonnable de la peine infligée. En l'absence de motifs (exposés par écrit ou verbalement), la cour d'appel aura davantage tendance à conclure au caractère déraisonnable ». C’est dans ce dernier cas qu’on se trouve, malgré l’indulgence relative dont les tribunaux d’appel doivent faire preuve dans le contexte de jugements rendus oralement.
[53] L’approche globale adoptée par le ministère public, tant en première instance qu’en appel, c’est-à-dire de proposer une peine pour l’ensemble des infractions, est généralement à éviter, surtout dans une situation comme celle dont il est question ici. La juge d’instance a malheureusement suivi cette méthodologie, ce qui complique l’exercice en appel.
[54] Je rappelle que l’alinéa 725(1)a) du Code criminel prévoit que le juge est tenu de déterminer une peine pour chacune des infractions. Je reconnais que cette exigence est tempérée par le législateur lui-même qui ajoute les mots « s'il est possible et opportun de le faire » à ce même alinéa. Ainsi, on semble reconnaître que des cas se présenteront où une peine globale est possible, ce que l’article 728 du Code confirme, en quelque sorte, en prévoyant à son tour que la seule peine prononcée pour plusieurs chefs d’un acte d'accusation est valable, si l'un des chefs l'eût justifiée.
[55] Malgré cette souplesse apparente et relative, l’approche à privilégier en présence d’infractions multiples, surtout lorsque les parties ne s’entendent pas et que les accusations émanent d’événements distincts, est de fixer les peines pour chacune des infractions, de décider si elles doivent être concurrentes ou consécutives et enfin, dans ce dernier cas, de déterminer si le tout enfreint les règles de la totalité (art. 718.2c) C.cr.) et de la proportionnalité (art. 718.1 C.cr.). Des ajustements sont alors possibles pour obtenir la peine appropriée dans un cas donné. Certes, le juge peut d’abord déterminer la peine globale pour ensuite la répartir entre les différentes infractions. À la limite, l’exercice est le même, bien que la première approche, en s’attardant à chaque infraction individuellement, semble permettre une meilleure corrélation entre, d’une part, la peine et, d’autre part, le crime et le criminel.
[56] Quelle que soit l’orientation choisie, la détermination de la peine doit demeurer un exercice transparent, qui permette de comprendre pleinement la démarche du juge et d’expliquer, tant à l’accusé qu’au public, le résultat auquel il parvient en application du droit
[59] Bien que la décision d’ordonner des peines concurrentes ou consécutives relève de la discrétion du juge, il demeure qu’en principe les crimes constituant des transactions criminelles distinctes entraînent, sous réserve du principe de la totalité, des peines consécutives. Il en va de même lorsque les infractions visent la protection d’intérêts sociaux différents, comme le manquement à des ordres de la cour, ou lorsqu’il existe un élément aggravant qui le justifie, comme c’est le cas lorsque l’infraction subséquente est commise alors que l’accusé est sous le coup d’une ordonnance de la cour.
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