jeudi 1 novembre 2018

La marche à suivre proposée par la jurisprudence pour déterminer si des peines pour infractions multiples doivent être concurrentes ou consécutives

R. c. Rayo, 2018 QCCA 824 (CanLII)

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[51]        Je prends bonne note que la requérante reproche au juge d’avoir commis une erreur fondamentale dans la méthode qui sert à déterminer si des peines pour infractions multiples doivent être concurrentes ou consécutives. Avant de regarder les moyens d’appel plus en détail, j’estime utile de revoir la marche à suivre proposée par la jurisprudence, tant au Québec qu’ailleurs au Canada, pour cet exercice.
[52]        Dans Guerrero Silva, mon collège le juge Vauclair explique la méthode à privilégier lorsque le juge chargé de la détermination de la peine est en présence d’infractions multiples. En principe, il est préférable tout d’abord de fixer les peines applicables pour chacune des infractions, vues isolément, et sans égard à la peine globale qui peut en résulter. Ensuite, le juge chargé de la détermination de la peine doit décider si les peines doivent être concurrentes ou consécutives entre elles. Dans ce dernier cas seulement, il se demande si la peine globale est excessive, du point de vue de sa nature ou de sa durée. Dans tous les cas, le juge décide si la peine globale demeure proportionnelle à la gravité des infractions commises et au degré de responsabilité du délinquant. C’est lors des deux dernières étapes que le juge peut réduire le quantum de la peine s’il estime qu’elle est excessive ou disproportionnée par rapport au degré de responsabilité du délinquant.
[53]        Dans l’arrêt Desjardins, mon collègue le juge Mainville reprend cette démarche, en soulignant qu’un problème de distorsion inopportune de la peine imposée peut survenir si le juge applique le principe de totalité sans explications suffisantes. À titre d’exemple, si une peine globale est imposée sans ventilation préalable, infraction par infraction, il devient difficile de mesurer la justesse de la peine globale dans le cas où une des condamnations est cassée en appel ou si la peine pour une des infractions est modifiée.
[54]        Je m’empresse de dire que, en lui-même, le choix de s’écarter de cette trame ne constitue pas nécessairement une erreur révisable. Comme le dit le juge Vauclair, bien qu’il soit souhaitable de procéder en sens inverse, un juge peut légitimement d’abord déterminer la peine totale, pour ensuite la répartir entre les différentes infractions. Dans ce même esprit, le juge Mainville rappelle que si la démarche proposée par la Cour est préférable, elle n’est pas un carcan : face à cet aspect de la détermination de la peine, il faut se garder d’adopter une approche formaliste qui ferait perdre de vue l’importance du pouvoir discrétionnaire dans cet exercice.
[55]        Ayant ces enseignements à l’esprit, l’ordre dans lequel la requérante propose de traiter les moyens d’appel doit être repensé pour limiter les risques de distorsion dont parle la Cour. Il faut éviter, par exemple, d’appliquer le principe de totalité à des peines consécutives avant même de déterminer le quantum juste et approprié de la peine pour leurre, en fonction des objectifs et des facteurs pertinents, et ce, afin de mieux comprendre la part de cette infraction dans la culpabilité morale du délinquant.

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