dimanche 30 décembre 2018

État du droit sur ce que constitue le privilège circonstancié

R. c. Auger, 2013 QCCS 2490 (CanLII)

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[39]            Comme le privilège générique, le privilège circonstancié est aussi une règle d'exclusion, mais qui repose sur la présomption que les informations ne sont pas privilégiées et qu'elles sont donc admissibles, à moins de démontrer qu'un intérêt supérieur milite en faveur de ne pas les divulguer dans un cas particulier.
[40]            La common law s'est inspirée de l'approche proposée par le professeur Wigmore pour en arriver à cette détermination, connue aujourd'hui sous le vocable «critères ou test de Wigmore».
[41]            Pour l'application du privilège circonstancié, rappelons d'abord qu'il revient à la partie qui le revendique de démontrer son existence par une preuve prépondérante que les quatre critères de Wigmore sont satisfaits, et plus spécifiquement:
(1) que les communications ont été transmises confidentiellement avec l’assurance qu’elles ne seraient pas divulguées;
(2) que le caractère confidentiel est un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties;
(3) que les rapports sont de la nature de ceux qui, selon l’opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment, évoquant ainsi l’idée de l’application constante et la persévérance;
(4) le préjudice permanent causé aux rapports par la divulgation des communications est plus considérable que l’avantage à retirer d’une juste décision.
[42]            La Cour suprême a expressément rejeté la proposition voulant qu'une fois les trois premiers démontrés, la partie qui s'objecte au privilège ait l'obligation de démontrer le quatrième et donc de démontrer pourquoi la levée du privilège est nécessaire. Il appartient toujours à la partie qui veut faire valoir un privilège de le prouver et de choisir les moyens pour le faire.
[43]            Le privilège revendiqué quant aux communications internes entre policiers doit donc satisfaire les critères de Wigmore ou autrement démontrer qu'elles ne doivent pas être divulguées dans l'intérêt public.
[44]            En effet, l'intérêt public peut justifier, dans certaines circonstances, la non-divulgation en raison d'un privilège. Par ailleurs, certains privilèges de common law se prêtent mal à un examen des quatre volets de Wigmore parce que leur objet n'est pas une "communication". Cependant, ce test de Wigmore demeure un guide et plus particulièrement le quatrième volet qui existe dans tous les cas, c'est-à-dire que le tribunal doit toujours soupeser l'intérêt de garder secrète des informations et l'intérêt de la découverte de la vérité pour mener à bien une procédure.
[45]            Ainsi, il est clairement reconnu que le ministère public peut invoquer le privilège de l'enquête en cours pour soustraire de toute divulgation des informations qui pourraient compromettre une enquête policière qui n'est pas complétée.
[46]            Le ministère public peut invoquer le privilège de la technique d'enquête pour soustraire de toute divulgation des informations qui pourraient compromettre une méthode utilisée par les policiers pour mener leurs enquêtes.
[47]            Le ministère public peut aussi invoquer un privilège d'intérêt public pour assurer la sécurité des personnes, un privilège dont l'objectif est évident.
[48]            Généralement parlant, dans le contexte d'un procès criminel, ces privilèges ne s'appliqueront que lorsque l'intérêt de garder l'information secrète l'emporte sur l'intérêt d'une défense pleine et entière. Un tribunal doit soupeser différents facteurs comme l'importance des accusations et la valeur probante des éléments que l’on cherche à obtenir et, de l’autre côté, l’intérêt public à ce que l'information soit gardée secrète. 

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