Lien vers la décision
[31] La création d'un privilège générique est une question sérieuse. Si tous les privilèges sont une entrave à la recherche de la vérité, celui-ci l'est davantage en raison d'une présomption d'inadmissibilité. Cette présomption est si forte que même en droit criminel, les possibilités d'y déroger sont limitées à des situations somme toute assez exceptionnelles, notamment parce qu'il s'agit du seul moyen de démontrer son innocence.
[32] Ces privilèges sont donc rarissimes et, au Canada, la common law ne reconnaît que le secret professionnel et le privilège de l'informateur. Et encore, à l'intérieur de leurs paramètres respectifs, ces privilèges ne sont pas absolus. Ils sont au contraire bien définis et ils répondent à des exigences précises. Toutefois, ils sont robustes et en principe, ils ne cèderont uniquement que dans les cas où un accusé démontre qu'il s'agit de la seule façon de démontrer son innocence.
[33] Ainsi, ce ne sont pas toutes les communications entre un avocat et son client qui sont couvertes par le privilège, mais uniquement celles qui sont faites confidentiellement par le client aux fins d'obtenir un avis juridique d'un avocat, en sa qualité d'avocat.
[34] La common law protège également les indicateurs de police, dont on ne peut révéler l'identité ou tout élément d'informations qui pourrait tendre à la révéler. Par contre, les informations données par la source, dans la mesure où cela ne tend pas à l'identifier, doivent être communiquées.
[35] Depuis le début des années 90, la Cour suprême a systématiquement refusé de reconnaître d'autres privilèges génériques et elle a rejeté tour à tour les demandes visant à protéger: des communications entre un ministre du culte et un fidèle, des dossiers psychiatriques, des dossiers privés (dossiers médicaux et thérapeutiques de victimes d'agression sexuelle, dossiers scolaires, de journaux intimes ou de notations de travailleurs sociaux) ou encore des sources journalistiques.
[36] Disons que la Cour suprême n'a pas définitivement fermé la porte. La common law étant toujours appelée à se définir en fonction de valeurs contemporaines, il est possible que de nouveaux privilèges voient le jour parce que «la common law permet l’existence d’un privilège dans de nouvelles situations où la raison, l’expérience et l’application des principes qui sous-tendent les privilèges traditionnels le requièrent»et que «le droit en matière de privilèges peut évoluer de manière à refléter la réalité sociale et juridique contemporaine».
[37] Toutefois, dans l'arrêt National Post, elle a clairement laissé entendre que ce sera probablement le législateur qui interviendra pour accorder de nouveaux privilèges génériques s'il devait en exister d'autres. La Cour suprême privilégie une approche cas par cas qui permet de mieux soupeser les valeurs en cause.
[38] Le privilège générique que recherche le ministère public sur un type d'information qui serait le "contenu des banques de renseignements" n'a d'ailleurs jamais été formellement demandé, ni reconnu par les tribunaux qui se sont penchés sur la question.
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