vendredi 16 août 2024

Le droit en matière de motifs raisonnables pour procéder à l’arrestation d’un individu

R. c. Goncalves, 2024 QCCQ 3724

Lien vers la décision


[82]        Le droit en matière de motifs raisonnables pour procéder à l’arrestation d’un individu n'est pas controversé. Le policier doit avoir subjectivement des motifs raisonnables pour procéder à l'arrestation et ceux-ci doivent être objectivement justifiables, c'est-à-dire qu’une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation[1].

[83]        L’article 495 du Code criminel permet à un policier d’arrêter une personne sans mandat s’il croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle a commis ou est sur le point de commettre un acte criminel[2].

[84]        Une simple possibilité que l’infraction en cause soit commise est insuffisante pour justifier une arrestation sans mandat tout comme l’est une intuition policière ou des soupçons.

[85]        L’arrêt récent de notre Cour suprême, Beaver[3], à son paragraphe 72, fait la nomenclature des principes essentiels régissant une arrestation sans mandat. Les voici, ci-après, résumés :

-           Une arrestation sans mandat requiert l’existence de motifs d’arrestation subjectifs et objectifs[4].

-           Il faut se demander si le policier croyait sincèrement que le suspect avait commis l’infraction[5].

-           Les motifs d’arrestation subjectifs sont souvent établis par le témoignage du policier[6], ce qui oblige le juge du procès à évaluer la crédibilité du policier[7].

-           Les motifs subjectifs du policier doivent être justifiables d’un point de vue objectif.

-           Cette appréciation tient compte du point de vue d’une personne raisonnable possédant des connaissances, une formation et une expérience comparables à celles du policier[8].

-           Les éléments de preuve fondés sur la formation et l’expérience du policier ne devraient pas être acceptés sans réserve, mais il n’y a pas lieu non plus de se montrer trop sceptique à leur égard[9].

-           Il ne faut pas nécessairement faire preuve de déférence à l’égard du point de vue du policier sur les circonstances du fait de sa formation ou de son expérience[10].

-           Les motifs du policier de procéder à l’arrestation doivent être plus qu’une intuition[11].

-           Dans l’évaluation des motifs d’arrestation objectifs, il faut reconnaître que, souvent, la décision du policier d’effectuer une arrestation doit être prise rapidement dans une situation instable qui évolue vite.

-           La réflexion judiciaire n’est pas un luxe que celui‑ci peut s’offrir.

-           Le policier doit prendre sa décision en fonction des renseignements dont il dispose, lesquels sont souvent loin d’être exacts ou complets[12].

-           Il faut garder à l’esprit que déterminer s’il existe des motifs suffisants pour justifier un exercice scientifique ou métaphysique, mais plutôt un exercice qui commande l’application du bon sens, de la flexibilité et de l’expérience pratique quotidienne[13].

-           Les « motifs raisonnables et probables » constituent une norme plus rigoureuse que celle des « soupçons raisonnables ». Les soupçons exigeant une possibilité d’un crime, alors les motifs exigent la probabilité[14].

-           La police n’a pas besoin, avant de procéder à une arrestation, de disposer d’une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité[15], ni établir par prépondérance des probabilités que l’infraction a été commise[16].

-           Il faut plutôt avoir des motifs raisonnables de croire qu’une personne est impliquée dans l’infraction[17].

-           Des motifs raisonnables de croire existent s’ils possèdent « un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi »[18].  

-           La police n’est pas non plus tenue de pousser l’enquête pour trouver des facteurs disculpatoires ou pour écarter des explications possiblement innocentes pour les événements[19].

-           La police ne peut pas invoquer des éléments de preuve découverts après l’arrestation pour justifier les motifs d’arrestation subjectifs ou objectifs[20].  

-           Lorsqu’un policier donne l’ordre à un autre policier de procéder à une arrestation, il faut que le policier qui a donné l’ordre ait eu des motifs raisonnables et probables. Il importe peu que le policier qui procède à l’arrestation ait eu ou non lui‑même des motifs raisonnables et probables[21].

[86]        Il incombe au poursuivant de démontrer que l’arrestation du Requérant est fondée sur des motifs raisonnables de croire à la commission d’une infraction pour procéder à son arrestation[22].

[87]        Ceci étant, le seuil requis afin de conclure à la présence de motifs raisonnables et probables n’est pas atteint, l’arrestation sera ainsi illégale. Si une arrestation est illégale, la détention qui en résulte constitue une violation de l’article 9 de la Charte et la fouille qui s’ensuit et qui n’est pas autrement justifiée ou justifiable est contraire à l’article 8 de la Charte et par le fait même, abusive.

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