Paul c. R., 2017 QCCA 245
[51] La démarche d’analyse du juge de première instance est conforme aux principes jurisprudentiels connus quant à la défense du paragraphe 25(1) C.cr.
[52] La protection offerte aux personnes autorisées qui recourent à la force dans l’exécution de leur fonction est ainsi libellée :
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
[…]
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
[…],
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
(2) […]
26 Quiconque est autorisé par la loi à employer la force est criminellement responsable de tout excès de force, selon la nature et la qualité de l’acte qui constitue l’excès.
[Je souligne]
[53] Il est bien établi, et le juge de première instance en est bien conscient, que les actes posés par les policiers ne sont pas soumis à une norme de perfection, compte tenu des exigences particulières de leur fonction, comme le souligne la Cour suprême, sous la plume du juge LeBel, dans Nasogaluak :
[32] Devant notre Cour, le ministère public a insisté sur la question de la force excessive, plaidant énergiquement que les policiers n’avaient pas abusé de leur autorité ou infligé sans nécessité des blessures à M. Nasogaluak. Il convient toutefois de rappeler que, dans l’exercice de leurs fonctions, les policiers ne possèdent pas le pouvoir illimité d’infliger des blessures à une personne. Bien que, dans certaines circonstances, il leur faille recourir à la force pour arrêter un délinquant ou l’empêcher de leur échapper, le degré de force permis demeure circonscrit par les principes de proportionnalité, de nécessité et de raisonnabilité. En effet, les tribunaux doivent protéger les membres de la société contre un recours illégitime à la force de la part des policiers, vu les graves conséquences qui en découlent.
[…]
[34] Le paragraphe 25(1) indique essentiellement qu’un policier est fondé à utiliser la force pour effectuer une arrestation légale, pourvu qu’il agisse sur la foi de motifs raisonnables et probables et qu’il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances. Mais l’examen de la question ne s’arrête pas là. Le paragraphe 25(3) précise qu’il est interdit au policier d’utiliser une trop grande force, c’est‑à‑dire une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves ou visant un tel but, à moins qu’il ne croie que cette force est nécessaire afin de le protéger ou de protéger toute autre personne sous sa protection contre de telles conséquences. La croyance du policier doit rester objectivement raisonnable. Par conséquent, le recours à la force visé au par. 25(3) doit être examiné à la lumière de motifs subjectifs et objectifs (Chartier c. Greaves, [2001] O.J. No. 634 (QL) (C.S.J.), par. 59). Le paragraphe 25(4) justifie le recours à la force par les policiers afin d’empêcher un suspect de prendre la fuite dans le but d’éviter une arrestation légale, sous réserve des limites exposées précédemment. Il faut aussi qu’il n’ait pas été raisonnablement possible d’empêcher la fuite du suspect en utilisant des moyens moins violents.
[35] Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‑ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), 1981 CanLII 339 (BC CA), 60 C.C.C. (2d) 211(C.A.C.‑B.) :
[TRADUCTION] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218][25]
[Je souligne.]
[54] Le juge de première instance énonce correctement le test, maintes fois rappelé par les tribunaux, applicable à la situation de l’appelant[26] :
[83] Trois facteurs doivent être pris en considération pour l’application de cette règle de protection d’une personne chargée de l’exécution d’une loi :
1. il faut que la personne soit autorisée à agir
2. il faut qu’elle s’appuie sur des motifs raisonnables et probables
3. seule la force nécessaire peut être utilisée.
[84] Si ces conditions sont réunies l’agent de la paix peut profiter de la protection de l’article 25.
[55] L’article 25 C.cr. vise en quelque sorte à conférer aux policiers une immunité relative face à des poursuites pour avoir eu recours à la force dans le cours de leur travail :
[Lorsqu’un policier] invoque la protection spécifique conférée à un agent de la paix, il réclame la reconnaissance de la légalité de l'acte reproché en s'autorisant d'une disposition normative qui consacre son droit d'agir. Ainsi, il nie l'élément matériel de l'infraction. À cet égard, la défense de justification est toujours implicite dans la disposition créant une infraction et n'a pas besoin d'être littéralement énoncée.[27]
[56] Le fardeau de démonstration de la justification revient au policier faisant l’objet d’une poursuite[28]. L’appréciation de la force appropriée dans un contexte donné est une question de fait qui ne s’évalue ni dans l’abstrait ni en portant a posteriori un jugement de valeur rétrospectif :
[45] Police officers are not expected to measure the precise amount of force the situation requires: Bolianatz at para. 36 citing R. v. Bottrell (1981), 1981 CanLII 339 (BC CA), 60 C.C.C. (2d) 211 at 218 (B.C.C.A.). See also Asante-Mensah (S.C.R.), supra, at para. 73. Nor will they be denied the protection of s. 25(1) if they fail to use the least amount of force that would achieve the desired result. Allowance must be made for an officer, in the exigency of the moment, misjudging the degree of necessary force: Klyne v. Rae (2002), 218 Sask. R. 141, 2002 SKQB 139 (CanLII); Anderson v. Port Moody (City) Police Department, 2000 BCSC 1194 (CanLII); Breen v. Saunders and Fredricton (1986), 1986 CanLII 5280 (NB BR), 71 N.B.R. (2d) 404 (Q.B.). Accordingly, the immediate decisions a police officer makes in the course of duty are not assessed through the “lens of hindsight”: Robinow v. Vancouver (City) (2003), 37 M.P.L.R. (3d) 265, 2003 BCSC 661 (CanLII) at para.71; Parrett v. Vanderford, 2001 BCSC 23 (CanLII) at para. 88; Besse v. Thom (1979), 1979 CanLII 2791 (BC SC), 96 D.L.R. (3d) 657 at 667 (B.C.Co. Ct.), rev’d on other grounds (1979), 1979 CanLII 633 (BC CA), 107 D.L.R. (3d) 694 (B.C.C.A.).[29]
[Je souligne.]
[61] L’appréciation du caractère excessif de la force utilisée est une question de fait assujettie à la norme d’intervention de l’erreur manifeste et dominante[30]. Le juge d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en ne relevant pas à cet égard d’erreur de cet ordre dans le jugement de première instance.
[63] Le caractère de ce qui est urgent est intimement lié à l’appréciation de la proportionnalité de la force utilisée en l’espèce. La pertinence de ce facteur s’explique par le fait que les policiers sont confrontés dans l’exercice de leur fonction à des situations qui les obligent à prendre des décisions rapides. Dans Nasogaluak, la Cour suprême reconnaît cette dimension du travail des policiers qui « […] doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes »[31]. Les policiers ne peuvent pas toujours dans le feu de l’action mesurer avec précision la force nécessaire[32]. Ces considérations tiennent toutefois au contexte propre à chaque intervention.
[64] En l’espèce, l’intervention qui a mal tourné résulte d’une action purement préventive. L’appelant n’était pas en situation urgente d’agir. Il a lui-même initié la démarche, sans avoir discuté au préalable avec son collègue de la manière qu’il comptait s’y prendre, alors qu’il en avait amplement le temps. Le juge de première instance a eu raison de prendre en considération, entre autres, l’absence d’urgence.
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