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vendredi 7 mars 2025

Comment apprécier la fiabilité d’une information anonyme

R. c. Savard, 2022 QCCS 711 

Lien vers la décision


[55]        Dans l’arrêt Leipert[37], la Cour suprême rappelle que les citoyens ont le devoir de divulguer à la police tout renseignement qu’ils peuvent détenir relativement à la perpétration d’un crime et que le privilège relatif aux indicateurs de police constitue une protection ancienne et sacrée qui joue un rôle vital en matière d’application de la loi[38]. Elle ajoute que la règle de ce privilège a été adoptée pour protéger les citoyens qui collaborent avec la police.

[56]        Ainsi, toute information qui pourrait permettre d’identifier une source est protégée par le privilège de l’indicateur de police[39].

[57]        Dans l’arrêt Scott[40], le juge Cory soulignait ainsi l’importance accrue de la règle dans les enquêtes en matière de drogues :

« La valeur des indicateurs pour les enquêtes policières est depuis longtemps reconnue. Depuis que le crime existe, ou du moins depuis qu’il y a des poursuites criminelles, les indicateurs jouent un rôle important dans les enquêtes policières. Peut-être est-il vrai que certains indicateurs agissent contre rémunération ou dans leur propre intérêt. Peu importe leur mobile, les indicateurs sont dans une position précaire et jouent un rôle dangereux.

Le rôle des indicateurs dans les affaires de drogues est particulièrement important et dangereux. Ils fournissent souvent à la police le seul moyen d’obtenir des renseignements sur les opérations et le fonctionnement des réseaux de trafiquants. [...] L’enquête repose souvent sur la confiance qui s’établit entre le policier et l’indicateur; or, cette confiance peut être fort longue à obtenir. La sécurité, voire la vie, non seulement des indicateurs mais encore des agents d’infiltrations, dépendent de cette confiance. »

(Les emphases sont ajoutées.)

[58]        Ceci étant dit, tout comme une intuition ou de simples soupçons d’un policier ne deviennent pas quelque chose d’autre simplement parce que le policier en fait part à ses collègues[41], l’intuition d’une source ne se transforme pas en autre chose une fois entre les mains de la police[42].

[59]        Il importe aussi que l’information provenant d’une source anonyme soit corroborée[43]. D’ailleurs, dans le récent arrêt Ahmad[44], la Cour suprême a établi qu’une simple information provenant d’une source non vérifiée portant qu’une personne faisait le trafic de drogue à l’aide d’un numéro de téléphone ne pouvait pas, en soi, fonder des soupçons raisonnables[45].

[60]        Ainsi, lorsqu’un mandat de perquisition repose sur des informations fournies par un informateur ou une source anonyme, il est nécessaire d’évaluer la fiabilité des renseignements en fonction des trois facteurs identifiés dans l’arrêt Debot[46], à savoir si l’information était convaincante, si elle était corroborée et si l’informateur était crédible.

[61]        Notons que lorsqu’un affiant fait référence à une information obtenue d’une source codée (ou codifiée), il ne suffit pas de dire qu’elle est codée, il faut aussi expliquer pourquoi elle l’est afin que le juge émetteur puisse lui attribuer une certaine fiabilité[47]. Une source codée est généralement celle qui a fourni des informations aux policiers dans le passé et qui ont permis de mener des perquisitions et des arrestations. En clair, cela indique que dans le passé, les informations fournies par cette personne se sont avérées fiables et dignes de confiance après corroboration[48]. Lorsque cette démonstration est faite au juge émetteur, celui-ci peut alors attribuer une certaine présomption de fiabilité à la nouvelle information transmise aux policiers. Dans le cas contraire, la fiabilité de l’information obtenue de la source codée n’est pas établie et elle doit être corroborée pour être susceptible de fonder des motifs raisonnables[49].

[62]        Les principes applicables à la fiabilité d’une information obtenue de manière anonyme sont bien résumés par la juge Claire Desgens dans l’affaire Lamarche[50] :

« [27]   Les faits allégués peuvent être basés sur une preuve de ouï-dire, mais le ouï-dire à lui seul ne peut constituer les motifs raisonnables menant à l'émission d'un mandat car le juge de paix doit s'assurer de la fiabilité de ces renseignements pour satisfaire à la norme de la probabilité raisonnable.

[28]      Lorsqu'un mandat est émis sur la base d'éléments de preuve provenant d'informateurs anonymes dont la crédibilité n'est pas vérifiable, la fiabilité des informations doit être partiellement validée par l'enquête policière. Plusieurs sources anonymes indépendantes donnant la même information peuvent parfois se corroborer entre elles.

[29]      Les faits divulgués par un informateur anonyme, dont la crédibilité ou la source de son information ne peut être vérifiée ou validée, doivent être assez détaillés pour être convaincants ou suffisamment corroborés ou confirmés par l'enquête ou la surveillance policière.

[30]      Une confirmation de certains détails sans porter sur l'infraction elle-même, est suffisante surtout dans les cas où la fiabilité de la source a déjà été reconnue.

[31]      Plus les informations sont détaillées et de bonne qualité, moins le besoin de corroboration est nécessaire et, a contrario, moins la source présente des garanties de crédibilité vérifiables, plus la prudence est de mise.

[32]      Ce principe de prudence s'applique tant au policier dénonciateur qu'au juge de paix si la demande d'autorisation légale vise une maison d'habitation, considérée comme le refuge ultime des citoyens, un lieu où l'expectative de vie privée est à son plus haut niveau. Les exigences légales pour un mandat de perquisition dans une résidence sont plus élevées que pour tout autre endroit.

[33]      Un mandat invalidé pour insuffisance de motifs raisonnables ne sera pas sauvegardé par le résultat positif d'une perquisition fructueuse. »

(Les nombreuses références sont omises. Les emphases sont ajoutées.)

[63]        Il faut évaluer la fiabilité des renseignements fournis par les sources en fonction de l’ensemble des circonstances[51].

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