R. c. Suberu, 2009 CSC 33
L’obligation des policiers d’informer une personne de son droit à l’assistance d’un avocat garanti par l’al. 10b) de la Charte s’applique dès le début d’une détention aux fins d’enquête. Les problèmes de l’auto‑incrimination et de l’entrave à la liberté auxquels cherche à répondre l’al. 10b) se posent dès qu’il y a détention. Par conséquent, à partir du moment où une personne est détenue, les policiers sont tenus d’informer cette personne de son droit à l’assistance d’un avocat. L’expression « sans délai » figurant à l’al. 10b) doit être interprétée comme signifiant « immédiatement ». Seules des raisons liées à la sécurité des policiers ou du public ou des restrictions raisonnables prescrites par une règle de droit et justifiées au sens de l’article premier de la Charte peuvent atténuer le caractère immédiat de cette obligation. [2] [41]
Tout contact avec les policiers ne constitue pas pour autant une détention pour l’application de la Charte, même lorsqu’une personne fait l’objet d’une enquête relativement à des activités criminelles, est interrogée ou est retenue physiquement par son contact avec les policiers. L’article 9 de la Charte n’empêche pas les policiers d’interagir avec un citoyen avant d’avoir des motifs précis de l’associer à la perpétration d’un crime. De même, tout contact entre un policier et un citoyen, même suspect, ne déclenche pas nécessairement l’application du droit à l’assistance d’un avocat garanti par l’al. 10b). Selon l’approche téléologique adoptée dans R. c. Grant, 2009 CSC 32, la détention, pour l’application des art. 9 et 10 de la Charte, s’entend de la suspension du droit à la liberté par suite d’une contrainte physique ou psychologique considérable. Il y a détention psychologique soit quand l’individu est légalement tenu d’obtempérer à la demande contraignante ou à la sommation, soit quand une personne raisonnable conclurait, compte tenu de la conduite de l’État, qu’elle n’a d’autre choix que d’obtempérer. C’est au plaignant de démontrer que, dans les circonstances, on l’a effectivement privé de sa liberté de choix. Le critère applicable est objectif et l’abstention du plaignant de témoigner sur sa propre perception de son contact avec les policiers ne porte pas un coup fatal à la demande. En revanche, la prétention du plaignant que le comportement des policiers l’a véritablement privé de sa liberté doit être étayée par la preuve. Il peut s’avérer difficile, dans certains cas, de tracer la ligne entre des questions d’ordre général et des questions ciblées correspondant à une détention. Il appartient au juge de première instance saisi d’une demande fondée sur la Charte d’apprécier les circonstances et de déterminer si la ligne de démarcation entre des questions d’ordre général et la détention a été franchie. [3] [23] [25] [28‑29]
Enfin, il n’a pas été établi qu’une suspension générale du droit à l’assistance d’un avocat pendant une courte détention « aux fins d’enquête » est nécessaire et justifiée au sens de l’article premier de la Charte. Comme la définition de la détention accorde aux policiers une marge de manoeuvre qui leur permet de poser des questions exploratoires aux citoyens, de manière non coercitive, sans nécessairement déclencher l’application des droits garantis par la Charte en cas de détention, il n’est pas nécessaire de recourir à l’article premier pour leur permettre de s’acquitter efficacement de leurs obligations en matière d’enquête. [43] [45]
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vendredi 17 juillet 2009
jeudi 16 juillet 2009
Ce que constitue des motifs raisonnables de la part des policiers
R. c. Bilodeau, 2004 CanLII 45922 (QC C.A.)
Avant d'appliquer ces principes aux faits de l'espèce, j'entends formuler quelques remarques préliminaires.
Premièrement: il est vrai qu'une intuition des policiers qui s'avère fondée par la suite n'a pas pour effet d'établir qu'ils avaient, avant d'agir, des motifs raisonnables; en contrepartie, les motifs des policiers ne cessent pas d'être raisonnables parce que la suite des événements ne confirme pas ce qu'ils croyaient au départ. Dans Mulligan, Legault et Cotnoir, on croyait empêcher un vol ou porter assistance à un conducteur en détresse et on a trouvé une personne ivre au volant.
Deuxièmement: on doit déterminer le caractère raisonnable des motifs en se plaçant dans les circonstances de temps, de lieu et d'urgence auxquels sont confrontés les policiers et non par une analyse sophistiquée que permet le recul du temps.
Troisièmement: les motifs raisonnables découlent souvent d'un ensemble de circonstances; il faut se garder de les disséquer et d'analyser chaque élément d'une façon séparée. Il peut arriver que chaque élément soit compatible avec une conduite innocente alors que l'ensemble pointe dans une toute autre direction.
Quatrièmement: il n'est pas toujours possible de déterminer avec une précision absolue à quel moment les agents de la paix estiment avoir des motifs raisonnables. Avec égards, il me semble que le juge de la Cour supérieure – par une analyse a posteriori – attache une importance indue au fait que les policiers auraient décidé d'intervenir avant que le véhicule ne pénètre dans la deuxième entrée alors qu'on sait que tous ces événements se déroulent en très peu de temps.
Cinquièmement: il ne faut pas perdre de vue que les policiers ont un devoir de prévention. L'avocat de l'intimé écrit dans son mémoire que les occupants du véhicule n'ont pas tenté de s'introduire dans la résidence au 161 rue Bilodeau. Le rôle des policiers ne se limite pas à procéder à l'arrestation des personnes qui commettent des crimes ou tentent d'en commettre. Cela est encore plus évident si on examine la situation du point de vue des citoyens qui résidaient au 161 rue Bilodeau. Comment les policiers auraient-ils pu justifier leur défaut d'intervenir si une tentative d'introduction par effraction dans leur résidence était survenue au cours de la nuit? Les résidants qui constatent la présence d'une automobile ou d'une camionnette stationnée dans leur entrée privée au cours de la nuit, tous feux éteints, ne peuvent-ils pas contacter les policiers? Ceux-ci seraient-ils alors empêchés de procéder à une vérification?
Avant d'appliquer ces principes aux faits de l'espèce, j'entends formuler quelques remarques préliminaires.
Premièrement: il est vrai qu'une intuition des policiers qui s'avère fondée par la suite n'a pas pour effet d'établir qu'ils avaient, avant d'agir, des motifs raisonnables; en contrepartie, les motifs des policiers ne cessent pas d'être raisonnables parce que la suite des événements ne confirme pas ce qu'ils croyaient au départ. Dans Mulligan, Legault et Cotnoir, on croyait empêcher un vol ou porter assistance à un conducteur en détresse et on a trouvé une personne ivre au volant.
Deuxièmement: on doit déterminer le caractère raisonnable des motifs en se plaçant dans les circonstances de temps, de lieu et d'urgence auxquels sont confrontés les policiers et non par une analyse sophistiquée que permet le recul du temps.
Troisièmement: les motifs raisonnables découlent souvent d'un ensemble de circonstances; il faut se garder de les disséquer et d'analyser chaque élément d'une façon séparée. Il peut arriver que chaque élément soit compatible avec une conduite innocente alors que l'ensemble pointe dans une toute autre direction.
Quatrièmement: il n'est pas toujours possible de déterminer avec une précision absolue à quel moment les agents de la paix estiment avoir des motifs raisonnables. Avec égards, il me semble que le juge de la Cour supérieure – par une analyse a posteriori – attache une importance indue au fait que les policiers auraient décidé d'intervenir avant que le véhicule ne pénètre dans la deuxième entrée alors qu'on sait que tous ces événements se déroulent en très peu de temps.
Cinquièmement: il ne faut pas perdre de vue que les policiers ont un devoir de prévention. L'avocat de l'intimé écrit dans son mémoire que les occupants du véhicule n'ont pas tenté de s'introduire dans la résidence au 161 rue Bilodeau. Le rôle des policiers ne se limite pas à procéder à l'arrestation des personnes qui commettent des crimes ou tentent d'en commettre. Cela est encore plus évident si on examine la situation du point de vue des citoyens qui résidaient au 161 rue Bilodeau. Comment les policiers auraient-ils pu justifier leur défaut d'intervenir si une tentative d'introduction par effraction dans leur résidence était survenue au cours de la nuit? Les résidants qui constatent la présence d'une automobile ou d'une camionnette stationnée dans leur entrée privée au cours de la nuit, tous feux éteints, ne peuvent-ils pas contacter les policiers? Ceux-ci seraient-ils alors empêchés de procéder à une vérification?
L’article 27 du Code permet à un passant d’employer la force raisonnable nécessaire pour faire cesser une infraction en train d’être commise
R. c. Hebert, 1996 CanLII 202 (C.S.C.)
L'art. 27 justifie l'emploi de la force raisonnablement nécessaire pour empêcher la perpétration d'une infraction. C'est un article d'application générale et il n'est pas nécessaire que la personne qui invoque la justification soit un agent de la paix ou un fonctionnaire public, ou un membre d'une catégorie restreinte de personnes. Cependant, cet article vise nettement à permettre à un passant qui constate qu'une infraction est en train d'être commise ou sur le point de l'être d'employer la force pour en empêcher la perpétration. Placer une attaque personnelle dans la catégorie des infractions dont la perpétration déclenche l'application de l'art. 27 n'aurait aucun sens. Les articles 34 et 37 seraient alors redondants. Il est évidemment plus sensé que ce genre de conduite relève de la partie du Code intitulée «Défense de la personne», dans laquelle se trouvent les art. 34 à 37.
Traitant de l'art. 27 du Code, le juge du procès a interprété «la perpétration d'une infraction» comme s'appliquant à une attaque injustifiée. Il est exact qu'une attaque injustifiée est une infraction, mais le juge du procès n'a pas placé l'art. 27 dans son véritable contexte, savoir qu'il s'applique à la force employée dans l'exécution générale de la loi.
L'art. 27 justifie l'emploi de la force raisonnablement nécessaire pour empêcher la perpétration d'une infraction. C'est un article d'application générale et il n'est pas nécessaire que la personne qui invoque la justification soit un agent de la paix ou un fonctionnaire public, ou un membre d'une catégorie restreinte de personnes. Cependant, cet article vise nettement à permettre à un passant qui constate qu'une infraction est en train d'être commise ou sur le point de l'être d'employer la force pour en empêcher la perpétration. Placer une attaque personnelle dans la catégorie des infractions dont la perpétration déclenche l'application de l'art. 27 n'aurait aucun sens. Les articles 34 et 37 seraient alors redondants. Il est évidemment plus sensé que ce genre de conduite relève de la partie du Code intitulée «Défense de la personne», dans laquelle se trouvent les art. 34 à 37.
Traitant de l'art. 27 du Code, le juge du procès a interprété «la perpétration d'une infraction» comme s'appliquant à une attaque injustifiée. Il est exact qu'une attaque injustifiée est une infraction, mais le juge du procès n'a pas placé l'art. 27 dans son véritable contexte, savoir qu'il s'applique à la force employée dans l'exécution générale de la loi.
mardi 14 juillet 2009
Éléments de la légitime défense lorsque la victime décède
R. c. Pétel, [1994] 1 R.C.S. 3
La lecture du texte du par. 34(2) du Code fait ressortir les trois éléments constitutifs de la légitime défense, lorsque, comme en l'espèce, la victime est décédée: (1) l'existence d'une attaque illégale; (2) l'appréhension raisonnable d'un danger de mort ou de lésions corporelles graves, et (3) la croyance raisonnable qu'on ne peut s'en sortir autrement qu'en tuant l'adversaire.
Dans les trois cas, le jury doit chercher à déterminer quelle était la perception des faits pertinents par l'accusée et si cette perception était raisonnable. Il s'agit donc d'une évaluation objective. Quant aux deux derniers éléments, cette approche découle des termes employés dans le Code et a été confirmée par cette Cour dans l'arrêt Reilly c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 396, à la p. 404:
Ce paragraphe ne protège l'accusé que lorsque celui-ci appréhende la mort ou une lésion corporelle grave résultant de l'attaque qu'il repousse et lorsqu'il croit qu'il ne peut se soustraire à la mort ou à une lésion corporelle grave autrement que par la force qu'il a employée. Son appréhension doit néanmoins être raisonnable et sa croyance doit se fonder sur des motifs raisonnables et probables. En vertu du paragraphe, le jury doit se fonder sur ce qu'il croit, à la lumière de la preuve, être l'évaluation de la situation par l'accusé et sa perception quant à la réaction que cette situation exigeait, dans la mesure où on peut vérifier cette perception à partir d'un critère objectif. [Souligné dans l'original.]
Certains doutes ont pu subsister quant à savoir si ce passage de l'arrêt Reilly s'applique également à l'existence d'une attaque. Quant à moi, je crois que le terme "situation" réfère aux trois éléments du par. 34(2). L'erreur honnête mais raisonnable relativement à l'existence d'une attaque est donc permise. C'est d'ailleurs ce qu'a compris la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Nelson (1992), 71 C.C.C. (3d) 449, à la p. 455.
Il faut éviter de faire de l'existence de l'attaque une sorte de condition préliminaire à l'exercice de la légitime défense qui doit s'apprécier en faisant abstraction de la perception de l'accusée. Ceci équivaudrait, en quelque sorte, à faire le procès de la victime avant celui de l'accusée. Dans le cadre de la légitime défense, c'est l'état d'esprit de l'accusée qu'il faut examiner, et c'est à l'accusée (et non à la victime) qu'il faut donner le bénéfice du doute raisonnable. La question que doit se poser le jury n'est donc pas "l'accusée a-t-elle été illégalement attaquée?" mais plutôt "l'accusée a-t-elle raisonnablement cru, dans les circonstances, qu'on l'attaquait illégalement?".
Par ailleurs, l'arrêt Lavallee, précité, a rejeté la règle exigeant que le danger appréhendé soit imminent. Cette supposée règle, qui n'apparaît nullement dans le texte du Code criminel, n'est en fait qu'une simple présomption fondée sur le bon sens. Comme l'a souligné le juge Wilson dans Lavallee, cette présomption tire sans doute son origine du cas paradigmatique de la légitime défense qu'est l'altercation entre deux personnes de force égale. On peut cependant présenter une preuve (notamment une preuve d'expert) pour réfuter cette présomption de fait.
Il n'y a donc pas d'exigence formelle que le danger soit imminent. L'imminence n'est qu'un des facteurs que le jury doit évaluer pour déterminer si l'accusée avait une appréhension raisonnable du danger et une croyance raisonnable de ne pas pouvoir s'en sortir autrement qu'en donnant la mort à l'agresseur.
La lecture du texte du par. 34(2) du Code fait ressortir les trois éléments constitutifs de la légitime défense, lorsque, comme en l'espèce, la victime est décédée: (1) l'existence d'une attaque illégale; (2) l'appréhension raisonnable d'un danger de mort ou de lésions corporelles graves, et (3) la croyance raisonnable qu'on ne peut s'en sortir autrement qu'en tuant l'adversaire.
Dans les trois cas, le jury doit chercher à déterminer quelle était la perception des faits pertinents par l'accusée et si cette perception était raisonnable. Il s'agit donc d'une évaluation objective. Quant aux deux derniers éléments, cette approche découle des termes employés dans le Code et a été confirmée par cette Cour dans l'arrêt Reilly c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 396, à la p. 404:
Ce paragraphe ne protège l'accusé que lorsque celui-ci appréhende la mort ou une lésion corporelle grave résultant de l'attaque qu'il repousse et lorsqu'il croit qu'il ne peut se soustraire à la mort ou à une lésion corporelle grave autrement que par la force qu'il a employée. Son appréhension doit néanmoins être raisonnable et sa croyance doit se fonder sur des motifs raisonnables et probables. En vertu du paragraphe, le jury doit se fonder sur ce qu'il croit, à la lumière de la preuve, être l'évaluation de la situation par l'accusé et sa perception quant à la réaction que cette situation exigeait, dans la mesure où on peut vérifier cette perception à partir d'un critère objectif. [Souligné dans l'original.]
Certains doutes ont pu subsister quant à savoir si ce passage de l'arrêt Reilly s'applique également à l'existence d'une attaque. Quant à moi, je crois que le terme "situation" réfère aux trois éléments du par. 34(2). L'erreur honnête mais raisonnable relativement à l'existence d'une attaque est donc permise. C'est d'ailleurs ce qu'a compris la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Nelson (1992), 71 C.C.C. (3d) 449, à la p. 455.
Il faut éviter de faire de l'existence de l'attaque une sorte de condition préliminaire à l'exercice de la légitime défense qui doit s'apprécier en faisant abstraction de la perception de l'accusée. Ceci équivaudrait, en quelque sorte, à faire le procès de la victime avant celui de l'accusée. Dans le cadre de la légitime défense, c'est l'état d'esprit de l'accusée qu'il faut examiner, et c'est à l'accusée (et non à la victime) qu'il faut donner le bénéfice du doute raisonnable. La question que doit se poser le jury n'est donc pas "l'accusée a-t-elle été illégalement attaquée?" mais plutôt "l'accusée a-t-elle raisonnablement cru, dans les circonstances, qu'on l'attaquait illégalement?".
Par ailleurs, l'arrêt Lavallee, précité, a rejeté la règle exigeant que le danger appréhendé soit imminent. Cette supposée règle, qui n'apparaît nullement dans le texte du Code criminel, n'est en fait qu'une simple présomption fondée sur le bon sens. Comme l'a souligné le juge Wilson dans Lavallee, cette présomption tire sans doute son origine du cas paradigmatique de la légitime défense qu'est l'altercation entre deux personnes de force égale. On peut cependant présenter une preuve (notamment une preuve d'expert) pour réfuter cette présomption de fait.
Il n'y a donc pas d'exigence formelle que le danger soit imminent. L'imminence n'est qu'un des facteurs que le jury doit évaluer pour déterminer si l'accusée avait une appréhension raisonnable du danger et une croyance raisonnable de ne pas pouvoir s'en sortir autrement qu'en donnant la mort à l'agresseur.
L'exhibition d’une partie du corps (souvent des parties génitales) n'est pas un aspect constituant un élément essentiel de l’infraction d'indécence
R. c. Vallée, 2004 CanLII 58258 (QC C.M.)
[13] Il n’est pas contesté que les gestes posés ont eu lieu dans un endroit public, en présence d’autres personnes. Il reste à décider si ces gestes constituent une action indécente.
[14] Le Code criminel ne définit pas la notion «d’indécence». Il faut donc se référer aux décisions jurisprudentielles.
[15] La Cour d’appel du Québec souligne que pour décider si un acte est indécent le juge doit considérer les éléments suivants:
1. la norme de tolérance de la société (et non d’un particulier)
2. la nature des actes incriminés
3. le contexte ou les circonstances dans lesquelles les actes ont été commis.
[16] Afin de déterminer la norme de tolérance de la société, la Cour suprême dans R.c. Tremblay a adopté le critère émis par R.c.Butler soit celui du degré de préjudice qui peut résulter de l’acte reproché. Plus forte sera la conclusion de l’existence d’un risque de préjudice, moins grandes seront les chances de tolérance :
«The court must determine … what the community would tolerate others being exposed to on the basis of the degree of harm that may flow … harm in this context means that it predisposes persons to act in an antisocial manner… »
[17] Un comportement antisocial est celui que la société reconnaît comme incompatible avec son bon fonctionnement.
[18] Naturellement pour bien évaluer la norme de tolérance, il faut tenir compte du contexte dans lequel l’acte est posé incluant le lieu et les personnes visées. L’indécence ne provient pas du comportement lui-même mais plutôt du contexte dans lequel il se produit.
[19] De plus, il n’est pas nécessaire que l’acte visé ait une connotation sexuelle.
[20] Il est à noter par contre, que le voyeurisme, généralement, ne peut constituer une action indécente.
[21] Dans l’arrêt R.v. Jacob, la Cour d’appel de l’Ontario a souligné que la poursuite doit faire la preuve que l’acte indécent a été commis avec l’intention d’insulter ou offenser, en plus de constituer un acte indécent.
[22] La défense a raison de souligner que dans la quasi-totalité des causes rapportées au sujet des actes indécents, nous retrouvons une exhibition d’une partie du corps et souvent des parties génitales.
[23] Par contre, ni le Code criminel, ni la jurisprudence ne prévoit que cet aspect constitue un élément essentiel de l’infraction.
[24] D’ailleurs, la Cour d’appel de l’Ontario nous met en garde de ne pas ajouter des éléments à l’infraction qui ne se retrouvent pas dans l’article 173 du Code criminel.
[25] Tenant compte de la nature du geste reproché et le contexte dans lequel ce geste a été commis, et en appliquant les critères de la jurisprudence, ce geste est incompatible avec le «bon fonctionnement» de la société. Il constitue donc clairement un acte indécent, et ce malgré l’absence d’une exhibition du corps ou des parties génitales.
[13] Il n’est pas contesté que les gestes posés ont eu lieu dans un endroit public, en présence d’autres personnes. Il reste à décider si ces gestes constituent une action indécente.
[14] Le Code criminel ne définit pas la notion «d’indécence». Il faut donc se référer aux décisions jurisprudentielles.
[15] La Cour d’appel du Québec souligne que pour décider si un acte est indécent le juge doit considérer les éléments suivants:
1. la norme de tolérance de la société (et non d’un particulier)
2. la nature des actes incriminés
3. le contexte ou les circonstances dans lesquelles les actes ont été commis.
[16] Afin de déterminer la norme de tolérance de la société, la Cour suprême dans R.c. Tremblay a adopté le critère émis par R.c.Butler soit celui du degré de préjudice qui peut résulter de l’acte reproché. Plus forte sera la conclusion de l’existence d’un risque de préjudice, moins grandes seront les chances de tolérance :
«The court must determine … what the community would tolerate others being exposed to on the basis of the degree of harm that may flow … harm in this context means that it predisposes persons to act in an antisocial manner… »
[17] Un comportement antisocial est celui que la société reconnaît comme incompatible avec son bon fonctionnement.
[18] Naturellement pour bien évaluer la norme de tolérance, il faut tenir compte du contexte dans lequel l’acte est posé incluant le lieu et les personnes visées. L’indécence ne provient pas du comportement lui-même mais plutôt du contexte dans lequel il se produit.
[19] De plus, il n’est pas nécessaire que l’acte visé ait une connotation sexuelle.
[20] Il est à noter par contre, que le voyeurisme, généralement, ne peut constituer une action indécente.
[21] Dans l’arrêt R.v. Jacob, la Cour d’appel de l’Ontario a souligné que la poursuite doit faire la preuve que l’acte indécent a été commis avec l’intention d’insulter ou offenser, en plus de constituer un acte indécent.
[22] La défense a raison de souligner que dans la quasi-totalité des causes rapportées au sujet des actes indécents, nous retrouvons une exhibition d’une partie du corps et souvent des parties génitales.
[23] Par contre, ni le Code criminel, ni la jurisprudence ne prévoit que cet aspect constitue un élément essentiel de l’infraction.
[24] D’ailleurs, la Cour d’appel de l’Ontario nous met en garde de ne pas ajouter des éléments à l’infraction qui ne se retrouvent pas dans l’article 173 du Code criminel.
[25] Tenant compte de la nature du geste reproché et le contexte dans lequel ce geste a été commis, et en appliquant les critères de la jurisprudence, ce geste est incompatible avec le «bon fonctionnement» de la société. Il constitue donc clairement un acte indécent, et ce malgré l’absence d’une exhibition du corps ou des parties génitales.
lundi 13 juillet 2009
Faiblesses de la preuve d’identification fournie par des témoins oculaires
R. c. Nikolovski, 1996 CanLII 158 (C.S.C.)
Les tribunaux ont depuis longtemps reconnu les faiblesses de la preuve d’identification fournie par des témoins oculaires indépendants, honnêtes et bien intentionnés. La reconnaissance de cette faiblesse a permis de faire ressortir le besoin essentiel de contre‑interroger les témoins oculaires. Il y a tellement de facteurs qui entrent en jeu lorsque l’identification repose sur un humain.
En effet, il faut au moins déterminer si le témoin était physiquement dans une position lui permettant de voir l’accusé et, dans l’affirmative, si ce témoin avait une bonne vue, une bonne ouïe, ainsi que l’intelligence et la capacité requises pour communiquer ce qu’il a vu et entendu.
Le témoin avait‑il la capacité de comprendre et de relater ce qu’il avait perçu? Le témoin avait‑il une bonne mémoire? Quel effet ont eu la crainte ou l’énervement sur la capacité du témoin de percevoir clairement les événements et de les relater plus tard fidèlement? Le témoin avait‑il un préjugé en ce qui concerne les événements ou les parties en cause, ou du moins une perception partiale de ceux-ci? On peut se fonder sur cette courte énumération des faiblesses de l’identification par témoin oculaire pour examiner les forces relatives de la preuve par bande vidéo.
Les tribunaux ont depuis longtemps reconnu les faiblesses de la preuve d’identification fournie par des témoins oculaires indépendants, honnêtes et bien intentionnés. La reconnaissance de cette faiblesse a permis de faire ressortir le besoin essentiel de contre‑interroger les témoins oculaires. Il y a tellement de facteurs qui entrent en jeu lorsque l’identification repose sur un humain.
En effet, il faut au moins déterminer si le témoin était physiquement dans une position lui permettant de voir l’accusé et, dans l’affirmative, si ce témoin avait une bonne vue, une bonne ouïe, ainsi que l’intelligence et la capacité requises pour communiquer ce qu’il a vu et entendu.
Le témoin avait‑il la capacité de comprendre et de relater ce qu’il avait perçu? Le témoin avait‑il une bonne mémoire? Quel effet ont eu la crainte ou l’énervement sur la capacité du témoin de percevoir clairement les événements et de les relater plus tard fidèlement? Le témoin avait‑il un préjugé en ce qui concerne les événements ou les parties en cause, ou du moins une perception partiale de ceux-ci? On peut se fonder sur cette courte énumération des faiblesses de l’identification par témoin oculaire pour examiner les forces relatives de la preuve par bande vidéo.
Une bande vidéo peut à elle seule, apporter la preuve nécessaire pour identifier l’accusé comme étant l’auteur du crime
R. c. Nikolovski, 1996 CanLII 158 (C.S.C.)
28 Une fois qu’il est prouvé qu’une bande vidéo n’a pas été retouchée ou modifiée et qu’elle décrit la scène d’un crime, elle devient alors une preuve admissible et pertinente. Non seulement la bande (ou la photo) constitue‑t‑elle une preuve matérielle au sens où ce terme a été utilisé dans des arrêts antérieurs, mais elle est également, dans une certaine mesure, une preuve testimoniale. Elle peut et elle devrait être utilisée par le juge des faits pour déterminer si un crime a été commis et si c’est l’accusé qui est devant la cour qui en est l’auteur. Elle peut constituer en effet un témoin silencieux, fiable, impassible, impartial et fidèle, qui se rappelle intégralement et instantanément des événements. Elle peut fournir une preuve solide et convaincante qui, par elle-même, démontrera clairement l’innocence ou la culpabilité de l’accusé.
29 Le poids qui doit être accordé à cette preuve peut être évalué en visionnant la bande vidéo. Le degré de clarté et la qualité de la bande, ainsi que, dans une moindre mesure, le temps durant lequel l’accusé apparaît sur la bande vidéo sont autant de facteurs qui serviront à déterminer le poids que le juge des faits peut à juste titre accorder à cette preuve. La durée de l’action sur la bande peut ne pas être un facteur important car, même s’il n’y a que quelques images montrant clairement l’auteur de l’infraction, cela peut être suffisant pour identifier l’accusé. Ce sera particulièrement vrai si le juge des faits a visionné la bande à plusieurs reprises et en a arrêté le défilement pour étudier les images pertinentes.
30 Bien que le juge des faits ait le droit de tirer une conclusion relativement à l’identification en se fondant uniquement sur la preuve par bande vidéo, il doit faire montre de prudence à cet égard. Par exemple, lorsqu’on demande à des jurés d’identifier un accusé de cette manière, il est essentiel de leur donner des directives claires quant à la façon dont ils doivent aborder cette tâche. Il faut leur dire d’examiner soigneusement la bande vidéo pour déterminer si elle est d’une clarté et d’une qualité suffisantes et si elle montre l’accusé pendant une période suffisante pour leur permettre de conclure que l’identification a été prouvée hors de tout doute raisonnable. S’il s’agit de la seule preuve produite relativement à l’identité de l’auteur du crime, il faudrait le rappeler aux jurés. De plus, il faudrait leur parler de nouveau de l’importance du fait que, pour déclarer l’accusé coupable sur la foi de la seule bande vidéo, ils doivent être convaincus hors de tout doute raisonnable qu’elle identifie l’accusé.
28 Une fois qu’il est prouvé qu’une bande vidéo n’a pas été retouchée ou modifiée et qu’elle décrit la scène d’un crime, elle devient alors une preuve admissible et pertinente. Non seulement la bande (ou la photo) constitue‑t‑elle une preuve matérielle au sens où ce terme a été utilisé dans des arrêts antérieurs, mais elle est également, dans une certaine mesure, une preuve testimoniale. Elle peut et elle devrait être utilisée par le juge des faits pour déterminer si un crime a été commis et si c’est l’accusé qui est devant la cour qui en est l’auteur. Elle peut constituer en effet un témoin silencieux, fiable, impassible, impartial et fidèle, qui se rappelle intégralement et instantanément des événements. Elle peut fournir une preuve solide et convaincante qui, par elle-même, démontrera clairement l’innocence ou la culpabilité de l’accusé.
29 Le poids qui doit être accordé à cette preuve peut être évalué en visionnant la bande vidéo. Le degré de clarté et la qualité de la bande, ainsi que, dans une moindre mesure, le temps durant lequel l’accusé apparaît sur la bande vidéo sont autant de facteurs qui serviront à déterminer le poids que le juge des faits peut à juste titre accorder à cette preuve. La durée de l’action sur la bande peut ne pas être un facteur important car, même s’il n’y a que quelques images montrant clairement l’auteur de l’infraction, cela peut être suffisant pour identifier l’accusé. Ce sera particulièrement vrai si le juge des faits a visionné la bande à plusieurs reprises et en a arrêté le défilement pour étudier les images pertinentes.
30 Bien que le juge des faits ait le droit de tirer une conclusion relativement à l’identification en se fondant uniquement sur la preuve par bande vidéo, il doit faire montre de prudence à cet égard. Par exemple, lorsqu’on demande à des jurés d’identifier un accusé de cette manière, il est essentiel de leur donner des directives claires quant à la façon dont ils doivent aborder cette tâche. Il faut leur dire d’examiner soigneusement la bande vidéo pour déterminer si elle est d’une clarté et d’une qualité suffisantes et si elle montre l’accusé pendant une période suffisante pour leur permettre de conclure que l’identification a été prouvée hors de tout doute raisonnable. S’il s’agit de la seule preuve produite relativement à l’identité de l’auteur du crime, il faudrait le rappeler aux jurés. De plus, il faudrait leur parler de nouveau de l’importance du fait que, pour déclarer l’accusé coupable sur la foi de la seule bande vidéo, ils doivent être convaincus hors de tout doute raisonnable qu’elle identifie l’accusé.
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Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine
Un dossier médical peut être déposé en vertu de l’article 30 de la Loi sur la preuve au Canada
R. c. Drouin, 2015 QCCS 6651 Lien vers la décision [ 8 ] L’ article 30(1) de la Loi sur la preuve au Canada [3] précise que ...
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Marcotte c. R., 2017 QCCS 62 (CanLII) Lien vers la décision [ 32 ] Les motifs raisonnables de croire sont définis comme étant ...
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R. c. Allard, 2014 QCCQ 13779 (CanLII) Lien vers la décision [ 80 ] Quant au chef concernant la possession d'une arme prohi...
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R. c. Cénac, 2015 QCCQ 3719 (CanLII) Lien vers la décision Tableau de SENTENCES en matière de FRAUDE DE PLUS DE 5 000$ Art. 3...