mardi 14 juillet 2009

Éléments de la légitime défense lorsque la victime décède

R. c. Pétel, [1994] 1 R.C.S. 3

La lecture du texte du par. 34(2) du Code fait ressortir les trois éléments constitutifs de la légitime défense, lorsque, comme en l'espèce, la victime est décédée: (1) l'existence d'une attaque illégale; (2) l'appréhension raisonnable d'un danger de mort ou de lésions corporelles graves, et (3) la croyance raisonnable qu'on ne peut s'en sortir autrement qu'en tuant l'adversaire.

Dans les trois cas, le jury doit chercher à déterminer quelle était la perception des faits pertinents par l'accusée et si cette perception était raisonnable. Il s'agit donc d'une évaluation objective. Quant aux deux derniers éléments, cette approche découle des termes employés dans le Code et a été confirmée par cette Cour dans l'arrêt Reilly c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 396, à la p. 404:

Ce paragraphe ne protège l'accusé que lorsque celui-ci appréhende la mort ou une lésion corporelle grave résultant de l'attaque qu'il repousse et lorsqu'il croit qu'il ne peut se soustraire à la mort ou à une lésion corporelle grave autrement que par la force qu'il a employée. Son appréhension doit néanmoins être raisonnable et sa croyance doit se fonder sur des motifs raisonnables et probables. En vertu du paragraphe, le jury doit se fonder sur ce qu'il croit, à la lumière de la preuve, être l'évaluation de la situation par l'accusé et sa perception quant à la réaction que cette situation exigeait, dans la mesure où on peut vérifier cette perception à partir d'un critère objectif. [Souligné dans l'original.]

Certains doutes ont pu subsister quant à savoir si ce passage de l'arrêt Reilly s'applique également à l'existence d'une attaque. Quant à moi, je crois que le terme "situation" réfère aux trois éléments du par. 34(2). L'erreur honnête mais raisonnable relativement à l'existence d'une attaque est donc permise. C'est d'ailleurs ce qu'a compris la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Nelson (1992), 71 C.C.C. (3d) 449, à la p. 455.

Il faut éviter de faire de l'existence de l'attaque une sorte de condition préliminaire à l'exercice de la légitime défense qui doit s'apprécier en faisant abstraction de la perception de l'accusée. Ceci équivaudrait, en quelque sorte, à faire le procès de la victime avant celui de l'accusée. Dans le cadre de la légitime défense, c'est l'état d'esprit de l'accusée qu'il faut examiner, et c'est à l'accusée (et non à la victime) qu'il faut donner le bénéfice du doute raisonnable. La question que doit se poser le jury n'est donc pas "l'accusée a-t-elle été illégalement attaquée?" mais plutôt "l'accusée a-t-elle raisonnablement cru, dans les circonstances, qu'on l'attaquait illégalement?".

Par ailleurs, l'arrêt Lavallee, précité, a rejeté la règle exigeant que le danger appréhendé soit imminent. Cette supposée règle, qui n'apparaît nullement dans le texte du Code criminel, n'est en fait qu'une simple présomption fondée sur le bon sens. Comme l'a souligné le juge Wilson dans Lavallee, cette présomption tire sans doute son origine du cas paradigmatique de la légitime défense qu'est l'altercation entre deux personnes de force égale. On peut cependant présenter une preuve (notamment une preuve d'expert) pour réfuter cette présomption de fait.

Il n'y a donc pas d'exigence formelle que le danger soit imminent. L'imminence n'est qu'un des facteurs que le jury doit évaluer pour déterminer si l'accusée avait une appréhension raisonnable du danger et une croyance raisonnable de ne pas pouvoir s'en sortir autrement qu'en donnant la mort à l'agresseur.

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