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jeudi 24 juin 2010

Comment le tribunal devrait traiter la question des victimes choisies au hasard dans le cadre de la détermination de la peine

R. c. Canney, 1995 CanLII 6994 (NB C.A.)

Dans l'ouvrage de Clayton C. Ruby, intitulé Sentencing, 4e éd. (Toronto et Vancouver : Butterworths, 1994), à la page 517, l'auteur traite de la question des victimes choisies au hasard. Il expose trois affaires de meurtre : dans les deux premières, la victime avait été tuée à coups de couteau et, dans la troisième, elle avait été battue à mort. Le paragraphe en question est assez court; je le cite donc intégralement.

Les tribunaux ont tendance à réagir défavorablement aux situations dans lesquelles l'accusé ne peut pas prétendre avoir été poussé à agir par une relation ou une conversation particulière avec sa victime. Le contrevenant est dans un certain sens plus dangereux lorsque son instinct de violence vient uniquement de lui et ne nécessite aucune incitation extérieure. Ainsi, la peine relativement élevée de huit ans infligée dans l'affaire Trottier [(1980), 22 C.L.Q. 296 (C.A. Ont.)], où un homme qui n'avait aucun lien avec l'accusé a été agressé sur le pas de sa porte en rentrant chez lui le soir et tué à coups de couteau. Bien que l'accusé ait été extrêmement ivre, il n'a pas été établi qu'il avait pris sa victime pour quelqu'un d'autre en particulier. Le tribunal a par conséquent conclu que l'accusé avait tout simplement quitté son domicile ce soir-là dans le but de s'en prendre violemment à quelqu'un. Dans l'affaire Crowe [(1983), 23 Sask. R. 1 (C.A.)], l'accusé avait lancé, avec un groupe d'amis en état d'ivresse, une attaque collective contre des personnes liées à une bande qui les avait agressés quelques semaines auparavant. Au cours de l'attaque contre la maison, l'accusé était entré en courant dans le sous-sol, armé d'un couteau, et avait attaqué un étranger qui est ensuite mort de ses blessures. Le tribunal lui a infligé une peine de huit ans en soulignant « le caractère gratuit des actes du groupe ». Voir aussi l'affaire Johnson [(1971), 4 C.C.C. (2d) 226 (C.A. Ont.)], où un jeune homme de 22 ans en état d'ivresse qui était entré par effraction dans la maison d'une femme âgée, qui lui était étrangère, et l'avait battue à mort a été condamné à dix ans d'emprisonnement.

Le sens du mot ''défigure'' dans la définition de l'infraction de voies de graves / Éléments devant être considérés par la Cour lors de son analyse

R. c. Cloud, 2005 NBCP 41 (CanLII)

[48] Le juge Robertson, dans l’arrêt Innes and Brotchie, a ajouté :

[TRADUCTION]
À partir de ces autorités, je dois conclure qu’en l’espèce les méchants coups portés à la tête de la victime ne prouvent pas l’intention de mutiler. Les mêmes autorités éclairent le sens du mot « défigurer », et je dois conclure qu’il désigne quelque chose de plus qu’une atteinte temporaire à la silhouette ou à l’apparence de la personne. Un oeil au beurre noir, par exemple, nuit à l’apparence de la victime, mais il disparaît en peu de temps et ne laisse pas de marques durables, et je ne pense pas que le mot « défigurer » à l’article 228 soit censé inclure le fait de causer une blessure telle qu’un oeil au beurre noir. Il désigne plutôt les cas où la blessure consiste à amputer une oreille ou un nez, à entailler un nez ou à causer une cicatrice permanente au visage en lançant de l’acide. En l’espèce, aucune preuve n’indique qu’au moment du procès (cinq semaines plus tard) il restait des traces de l’extrême enflure du visage de la victime ou de toute autre blessure qui lui a été infligée, sauf la coupure à la gorge. Je suppose donc que la coupure à la gorge était encore visible au moment du procès, et je ne pense pas pouvoir dire qu’il ait été réellement défiguré par les coups ou coups de pied reçus, et on ne peut pas inférer non plus qu’il y avait intention de le défigurer en agissant ainsi.

[49] Ces précédents indiquent que le défigurement ne doit pas être seulement temporaire pour que l’infraction puisse être considérée comme prouvée. Il n’existe aucune preuve indiquant si les blessures guériront à court ou à moyen terme.

[53] À mon avis, une blessure causant un défigurement comporte plusieurs facteurs, y compris les suivants :

1) En fait de gravité, quel est le genre de blessure en cause? La blessure est-elle majeure, ou est-elle difficile à observer?

2) Quelle partie du corps a été atteinte? Même une légère blessure au visage sera sans doute beaucoup plus facilement considérée comme causant un défigurement que la même blessure à l’intérieur de la main ou à la face intérieure d’un doigt, ces parties du corps étant souvent blessées et exposées à des cicatrices mineures au cours de notre vie.

3) La blessure est-elle temporaire de nature? Le défigurement, par sa nature même, comporte une certaine permanence. Bien que la blessure ne doive pas nécessairement être absolument permanente, elle doit, à mon avis, être telle que sa définition exclut les genres de blessures qu’une personne jouissant d’une santé raisonnable s’attendrait, compte tenu de la partie du corps atteinte, à voir guérir dans un délai raisonnable. Si la période de guérison dépasse cette durée de telle sorte qu’une personne raisonnable considérerait que la blessure change le style de vie, même à moyen terme, c’est un facteur qu’il faut également prendre en considération.

4) Un autre facteur à considérer consiste à savoir si la blessure est de nature temporaire et ne défigure donc pas la partie du corps atteinte. Notre expérience courante nous montre qu’une blessure ouverte de cinq centimètres de long à l’avant-bras ou au bras, au-dessus du coude, par exemple, guérira complètement chez une personne jouissant d’une santé raisonnable, et ce, beaucoup plus rapidement qu’une blessure de la même longueur à la paume de la main, qui est une partie du corps que nous utilisons constamment dans notre vie quotidienne. Ces facteurs m’amènent à conclure que la blessure ne doit pas être seulement temporaire.

mercredi 23 juin 2010

Ce que doit prouver l'accusé pour démontrer que sa détention n’est pas nécessaire dans l’intérêt public lors de son appel

Tremblay c. R., 2010 QCCA 889 (CanLII)

[10] Pour démontrer que la détention n’est pas nécessaire dans l’intérêt public, l’appelant doit établir que :

1) l'appel n'est pas frivole

2) l'absence de violence

3) l'absence de danger pour la sécurité du public

4) l'absence de risque de récidive de se livrer à la même activité

5) l'absence de célérité de l'audition en appel

6) le respect des conditions de la mise en liberté avant procès


[11] La Cour écrivait récemment:

[10] Le requérant doit démontrer plus que le simple respect des deux premières conditions pour obtenir sa remise en liberté. En effet, le troisième critère est à double volet : il vise à la fois la protection et la sécurité du public de même que la confiance du public dans l'administration de la justice eu égard à l'ensemble des circonstances du dossier. Le public dont il s'agit est celui qui est en mesure de se former une opinion éclairée et a pleinement connaissance des faits de la cause et du droit applicable.

On ne peut s'attendre à ce qu'une personne mesure à la perfection l'étendue de la force employée pour repousser une agression imminente

Friolet c. R., 2006 QCCA 748 (CanLII)

[14] Dans l'arrêt R. c. Paice, la juge Charron, exprimant l'opinion unanime de la Cour suprême sur la question, rappelle que « la légitime défense prévue à l'article 34(1) C.cr. a un sens large et permet à la personne attaquée d'employer la force nécessaire pour se défendre, sans qu'aucune crainte préalable de mourir ou de subir des lésions corporelles graves soit nécessaire. La conduite adoptée est justifiée dans la mesure où la force employée n'a pas pour but de causer la mort ou des lésions corporelles graves. Le paragraphe 34(1) ne peut être invoqué que dans le cas où l'accusé serait une victime innocente qui a été attaquée sans provocation de sa part. La personne qui décide de participer à un échange de coups ne peut par la suite affirmer qu'elle n'a pas provoqué l'attaque… »;

[18] L'imminence de l'attaque, bien que n'étant pas une exigence formelle en matière de légitime défense, constitue un facteur qui doit être pris en considération pour déterminer si un accusé a des motifs raisonnables d'appréhender un danger et de croire qu'il ne pourra s'en sortir qu'en attaquant;

[19] Le coup porté par l'appelant a certes causé de graves blessures, mais comme le rappelait notre Cour dans l'arrêt R. c. Bélanger, on ne peut s'attendre à ce qu'une personne mesure à la perfection l'étendue de la force employée pour repousser une agression imminente. Il faut tenir compte des circonstances et de l'état d'esprit de l'accusé;

[20] La preuve pouvait raisonnablement permettre les inférences requises pour que le moyen de légitime défense plaidé par l'appelant soit retenu. Ce dernier, est-il nécessaire de le rappeler, n'avait qu'une charge de présentation et non de persuasion. Cette dernière charge incombait au ministère public qui devait prouver, hors de tout doute raisonnable, que l'appelant devait être déclaré coupable parce que son moyen de défense ne pouvait être retenu;

Les éléments devant être prouvés par la défense pour l'application du paragraphe 34(1) sur la légitime défense

R. c. Levasseur, 2006 NBBR 112 (CanLII)

[43] Les quatre éléments du paragraphe 34(1) sont :

i) l’accusé croyait, ou croyait raisonnablement qu’il était, ou allait être illégalement attaqué. (Analyse subjective)

ii) l’accusé n’a pas provoqué l’attaque.

iii) la force n’a pas été utilisée avec l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves. (Analyse subjective)

iv) la force utilisée n’était pas poussée au-delà de ce qui était nécessaire, c’est-à-dire la force employée était proportionnelle. (Analyse objective)

Le degré de preuve requis, pour citation à procès lors de l'enquête préliminaire, est un soupçon de preuve concernant chacun des éléments constitutifs de l'infraction

Blier c. R., 2008 QCCA 1671 (CanLII)

[5] En matière d'enquête préliminaire, la Cour suprême enseigne que le tribunal doit procéder à une appréciation indépendante du dossier, sans nécessairement retenir l'interprétation donnée à la preuve par la poursuite. L'expression consacrée pour définir le degré de preuve requise est un soupçon de preuve ou, en anglais, "a scintilla of evidence".

[6] La question devant le ou la juge de l'enquête est donc celle de savoir si un jury bien informé en droit pourrait conclure à la culpabilité de la personne accusée en se fondant sur les éléments de preuve apportés, sans tirer d'inférence au regard des faits et sans apprécier la crédibilité. «Il s'agirait plutôt d'une évaluation du caractère raisonnable des inférences qu'il convient de tirer de la preuve circonstancielle».

[7] La Cour suprême enseigne également qu'un juge enquêteur «ne commet pas une erreur de compétence si, après examen de l'ensemble de la preuve et en l'absence de preuve directe concernant chacun des éléments constitutifs de l'infraction, il conclut à tort que l'ensemble de la preuve (directe et circonstancielle) ne suffit pas pour satisfaire au critère applicable […] et libère l'accusé […]».

mardi 22 juin 2010

Les circonstances où peut être présentée une requête en non-lieu

R. c. Tran, 2009 QCCA 701 (CanLII)

[4] Les auteurs Béliveau et Vauclair expliquent ainsi dans quelles circonstances peut être présentée une requête en non-lieu :

484. En sus, la common law a dégagé une conséquence procédurale importante du principe de la présomption d’innocence qui attribue à l’État la charge de la preuve. En effet, après la preuve de la poursuite au procès et avant que l'accusé n'ait décidé de présenter ou non une défense, il doit exister devant le tribunal suffisamment de preuve pour qu'un jury correctement instruit puisse fonder un verdict de culpabilité. En l'absence de preuve relativement à l'un des éléments essentiels de l'accusation, l'accusé peut présenter, à la fin de la démonstration de la poursuite, une requête en non-lieu ou encore une requête pour verdict imposé d'acquittement. Si cette requête est accueillie, l'accusé est acquitté faute de preuves. Cela étant, un juge ne peut pas, vu les principes de la common law et l'alinéa 11f) de la Charte, imposer un verdict de culpabilité.

[6] La Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Arcuri, mentionne que lorsque la preuve est entièrement circonstancielle, comme en l’espèce, le juge doit, dans le cadre d’une requête en non-lieu, procéder à une évaluation limitée de la preuve.

[…] le juge doit procéder à une évaluation limitée afin de déterminer si, dans l’ensemble de la preuve (c.-à-d. qui comprend la preuve de la défense), un jury équitable ayant reçu des directives appropriées pourrait raisonnablement arriver à un verdict de culpabilité.

En exerçant cette fonction d’évaluation limitée, le juge présidant l’enquête préliminaire ne tire aucune inférence au regard des faits. Il n’apprécie pas non plus la crédibilité. La fonction du juge consiste plutôt à déterminer si, en supposant que la preuve du ministère public soit crue, il serait raisonnable pour un jury ayant reçu des directives appropriées d’inférer la culpabilité. Par conséquent, dans le cadre de cette fonction qui consiste à procéder à l’ « évaluation limitée », le juge n’est jamais tenu d’examiner la fiabilité inhérente de la preuve elle-même. Il s’agirait plutôt d’une évaluation du caractère raisonnable des inférences qu’il convient de tirer de la preuve circonstancielle

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le pouvoir d'amender un acte d'accusation ou une dénonciation expliqué par la Cour d'appel de l'Ontario

R. v. K.R., 2025 ONCA 330 Lien vers la décision [ 17 ]        The power to amend an indictment or information under  s. 601(2)  of the  Crim...