R. c. Cloud, 2005 NBCP 41 (CanLII)
[48] Le juge Robertson, dans l’arrêt Innes and Brotchie, a ajouté :
[TRADUCTION]
À partir de ces autorités, je dois conclure qu’en l’espèce les méchants coups portés à la tête de la victime ne prouvent pas l’intention de mutiler. Les mêmes autorités éclairent le sens du mot « défigurer », et je dois conclure qu’il désigne quelque chose de plus qu’une atteinte temporaire à la silhouette ou à l’apparence de la personne. Un oeil au beurre noir, par exemple, nuit à l’apparence de la victime, mais il disparaît en peu de temps et ne laisse pas de marques durables, et je ne pense pas que le mot « défigurer » à l’article 228 soit censé inclure le fait de causer une blessure telle qu’un oeil au beurre noir. Il désigne plutôt les cas où la blessure consiste à amputer une oreille ou un nez, à entailler un nez ou à causer une cicatrice permanente au visage en lançant de l’acide. En l’espèce, aucune preuve n’indique qu’au moment du procès (cinq semaines plus tard) il restait des traces de l’extrême enflure du visage de la victime ou de toute autre blessure qui lui a été infligée, sauf la coupure à la gorge. Je suppose donc que la coupure à la gorge était encore visible au moment du procès, et je ne pense pas pouvoir dire qu’il ait été réellement défiguré par les coups ou coups de pied reçus, et on ne peut pas inférer non plus qu’il y avait intention de le défigurer en agissant ainsi.
[49] Ces précédents indiquent que le défigurement ne doit pas être seulement temporaire pour que l’infraction puisse être considérée comme prouvée. Il n’existe aucune preuve indiquant si les blessures guériront à court ou à moyen terme.
[53] À mon avis, une blessure causant un défigurement comporte plusieurs facteurs, y compris les suivants :
1) En fait de gravité, quel est le genre de blessure en cause? La blessure est-elle majeure, ou est-elle difficile à observer?
2) Quelle partie du corps a été atteinte? Même une légère blessure au visage sera sans doute beaucoup plus facilement considérée comme causant un défigurement que la même blessure à l’intérieur de la main ou à la face intérieure d’un doigt, ces parties du corps étant souvent blessées et exposées à des cicatrices mineures au cours de notre vie.
3) La blessure est-elle temporaire de nature? Le défigurement, par sa nature même, comporte une certaine permanence. Bien que la blessure ne doive pas nécessairement être absolument permanente, elle doit, à mon avis, être telle que sa définition exclut les genres de blessures qu’une personne jouissant d’une santé raisonnable s’attendrait, compte tenu de la partie du corps atteinte, à voir guérir dans un délai raisonnable. Si la période de guérison dépasse cette durée de telle sorte qu’une personne raisonnable considérerait que la blessure change le style de vie, même à moyen terme, c’est un facteur qu’il faut également prendre en considération.
4) Un autre facteur à considérer consiste à savoir si la blessure est de nature temporaire et ne défigure donc pas la partie du corps atteinte. Notre expérience courante nous montre qu’une blessure ouverte de cinq centimètres de long à l’avant-bras ou au bras, au-dessus du coude, par exemple, guérira complètement chez une personne jouissant d’une santé raisonnable, et ce, beaucoup plus rapidement qu’une blessure de la même longueur à la paume de la main, qui est une partie du corps que nous utilisons constamment dans notre vie quotidienne. Ces facteurs m’amènent à conclure que la blessure ne doit pas être seulement temporaire.
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