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mardi 13 septembre 2011

Ce qu'est une arme à feu au sens du Code criminel

R. c. Faillant, 2011 QCCQ 9382 (CanLII)

[34] Tout d’abord, l’arme à feu doit être susceptible d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort. Rappelons que les lésions corporelles sont définies à l’article 2 du Code comme toute « blessure qui nuit à la santé ou au bien-être d’une personne et qui n’est pas de nature passagère ou sans importance ».

[35] L’arrêt McCraw de la Cour suprême définissait l’expression « blessures graves » comme toute « blessure ou lésion qui nuit d’une manière sérieuse ou importante à l’intégrité physique ou au bien-être du plaignant ».

[36] La preuve non contredite de l’expert démontre que le pistolet pouvait percer l’œil humain et perforer la rétine. Une telle blessure ne peut être qualifiée autrement qu’une lésion corporelle grave.

[37] De plus, comme le mentionne l’arrêt Brouillard cité par la poursuite, il n’est pas nécessaire que l’arme puisse décharger des munitions conventionnelles, une carabine à plomb ou à air comprimé pouvant être une arme à feu au sens de la définition.

[38] Le pistolet utilisé par l’accusé rencontre les deux éléments principaux de la définition d’arme à feu à l’article 2 du Code : il peut tirer des projectiles à partir d’un canon et son utilisation est susceptible de causer des lésions corporelles graves (ou la mort) à une personne. Le pistolet utilisé lors du vol qualifié est donc une arme à feu au sens de l’article 2 du Code. C’est la conclusion à laquelle en vient le Tribunal.

lundi 12 septembre 2011

La jurisprudence en matière de détermination de la peine pour l'infraction de possession de crack dans le but d'en faire le trafic

R. c. Vachon, 2011 QCCQ 6796 (CanLII)

[14] Objectivement, la possession de crack dans le but d'en faire le trafic est passible de détention à perpétuité.

[16] Il y a déjà plus de 20 ans que l'arrêt Dorvilus a été rendu. Le juge Baudouin avait recensé 24 décisions de la Cour du Québec où des peines de prison variant entre 3 mois et 4 ans ont été imposées. Les principes énoncés sont toujours d'actualité et reçoivent application dans de nombreuses décisions. Le Tribunal rappelle les passages suivants où le juge Baudouin s'exprimait au nom de la majorité:

Le juge de première instance a mis clairement l'accent sur l'exemplarité de la sentence. Le crack crée chez l'usager une sensation intense et très rapide, mais de courtes durées, et une dépendance forte et pratiquement immédiate. C'est une drogue dont l'usage se propage à grande vitesse à l'heure actuelle surtout chez les enfants et chez les jeunes, parce qu'elle est bon marché par rapport à la cocaïne en poudre ou à l'héroïne …On note aussi qu'elle provoque chez l'usager en manque, de l'agressivité et des tendances à la paranoïa.

[17] Et plus loin:

[…] Comme le notent tous les jugements dont la liste suit, les tribunaux ont le devoir de se montrer sévères et non complaisants en matière de trafic de crack, eu égard surtout au fait que la substance crée une grande dépendance et une dépendance quasi immédiate, qu'elle est une drogue bon marché à la portée donc de la bourse des enfants et des adolescents.

[18] Notre Cour d'appel dans l'arrêt Blagrove reconnaît que les trafiquants opérant à des fins de lucre méritent des peines de détention sévères. La cour a augmenté la sentence de 14 mois imposée en première instance par une peine d'emprisonnement de 30 mois.

[19] Elle le rappelle aussi dans R. v. Stanislaus, où une peine d’emprisonnement de 15 mois est maintenue pour un individu ayant plaidé coupable à un chef de trafic de crack (3 g) et un chef de possession aux fins de trafic de trois roches de crack. L’accusé avait 20 ans. Sans antécédents, il étudiait à l'université, s’était engagé dans sa communauté et avait un emploi à temps partiel. Voici ce qu’écrit la Cour d’appel au paragraphe 10 de l’arrêt :

Considering that at the time he committed the offences, Appellant was a member of a community drug distribution network; that he was a non-user who admitted engaging in the crimes strictly for economic gains; the particular narcotic involved, cocaine base (crack); and the principles established in our judgments in R. v. Blagrove, C.A.Q. 500-10-000582-963, August 30, 1996; Dorvilus v. R., C.A.Q. 500-10-000111-904, July 4, 1990; Farfan v. R., C.A.Q. 500-10-000369-957, January 22, 1996;

[20] À nouveau, dans l'arrêt R. c. Blais, la Cour d’appel rejette une requête pour permission d’appeler d’une sentence de 54 mois de pénitencier. En l’espèce, l’accusé avait démontré « une motivation de lucre et d’appât du gain sans effort ». Comme l’écrit le juge Robert :

Ici, nous sommes en présence d’un véritable commerçant et non pas d’un intermédiaire occasionnel qui aurait agi par complaisance ou d’une victime de la drogue qui se serait livrée au commerce pour pourvoir combler ses propres besoins. Le critère primordial est donc celui de l’exemplarité.

[21] Le juge Galarneau de la Cour du Québec a imposé à un livreur fortement criminalisé une peine de 18 mois de prison après avoir fait une méticuleuse recension de la jurisprudence rendue en la matière depuis 1990. Le juge Gosselin dans Meunier la résume ainsi:

[44] Or, dans les 9 affaires dans lesquelles le stupéfiant en cause était le crack, des peines d'incarcération ont été prononcées par les tribunaux de première instance et/ou par les instances d'appel : aucune de ces peines n'en a été une d'emprisonnement avec sursis. En outre, lorsque des accusations de trafic et/ou de possession en vue de trafic mettaient en cause quelques grammes et/ou quelques roches de crack, ces peines d'incarcération variaient de 15 mois à 2 ans de pénitencier : il semble cependant que les accusés n'étaient, en général, pas eux-mêmes des consommateurs, mais qu'ils trafiquaient plutôt à des fins purement mercantiles.

[22] Récemment, la Cour a rendu des décisions appuyées sur ces principes. Dans R. c. Leduc, le juge Vauclair a imposé une peine d’emprisonnement de 18 mois. Leduc a été impliqué dans trois trafics totalisant six roches de crack. Lors de son arrestation, il avait dans son automobile 1,25 g de cocaïne et 8 roches de crack. Il recevait les commandes et en faisait la livraison. La preuve a démontré qu'il trafiquait depuis trois jours. Âgé de 50 ans, il n'avait aucuns antécédents judiciaires. Il a exprimé des remords. Père de famille ayant un emploi dans un garage, l'accusé avait peu d'éducation, ayant de la difficulté à lire et ne savait pas écrire. Il a expliqué à l'agent de probation qu'il était dans une période financière difficile et qu'il s'est mis au trafic de stupéfiants par appât du gain.

[23] Dans R c. Cortex, le juge Lapointe a condamné à 20 mois de prison un jeune de 25 ans, originaire du Guatemala, au passé éprouvant, travaillant et soutenant sa famille. L'accusé avait trafiqué du crack et de la cocaïne à deux reprises et possédé du « crack » et de la cocaïne (respectivement 6,7 g et 2,8 g). Le juge écrit:

[57] Le témoignage de l’accusé sur sa consommation de cocaïne l’emporte aisément. Il occupait de nombreux emplois précaires, parfois plus d’un à la fois, et la cocaïne lui permettait de surmonter sa fatigue et de prolonger ses heures de travail et ainsi sa rémunération.

[59] Il appert néanmoins évident que l’accusé se livrait à des trafics autant pour se permettre de consommer que pour améliorer sa condition économique et celle de sa famille, pour qui il était le principal gagne pain.

[24] Tout récemment les juges Tremblay et Labelle ont rendu des peines de détention pour des crimes relatifs à la vente et la possession de crack.

[25] L'accusé Frappier, avait une condamnation en semblable matière, risquait de récidiver et consommait du cannabis. Il a reçu 27 mois d'incarcération pour la possession de 85 roches et pour un trafic. Quant à Rochon, il avait en sa possession pour fins de trafic 71 roches de crack. Ayant de nombreux antécédents judiciaires malgré son jeune âge, il a reçu une peine de 40 mois de pénitencier.

[26] La jurisprudence en semblable matière est claire. La dangerosité du crack pointe vers la dissuasion et la dénonciation à titre de facteurs dominants dans la détermination de la peine appropriée.

[27] Le Tribunal doit par ailleurs exercer son pouvoir discrétionnaire et de ne pas imposer les peines comme un calque. Chaque cas doit être évalué selon sa particularité.

mardi 6 septembre 2011

La caractéristique fondamentale de la défense d'accident

Fils c. R., 2007 QCCA 56 (CanLII)

[31] En matière de défense d'accident, la caractéristique fondamentale réside dans l'imprévisibilité d'un événement qui survient inopinément, hors de tout contrôle d'une personne. C'est donc un événement qui, d’une part, n'a pas été voulu et, d’autre part, était imprévisible.

La défense d’accident ou de réflexe

R. c. Bédard, 2010 CanLII 38438 (QC CM)

[ 43 ] La défense de la défenderesse s’apparente plus à une défense d’accident ou de réflexe qu’à une défense de légitime défense.

[ 44 ] Cette défense est permise à un accusé lorsque le geste posé est accidentel, non intentionnel et involontaire. C’est l’imprévisibilité d’un événement survenant inopinément et hors du contrôle de cette personne.

[ 45 ] Deux conditions doivent se retrouver :

1- le geste n’a pas été voulu;

2- il était imprévisible.

[ 46 ] Si le geste a été voulu, c’est la défense de légitime défense qui s’appliquera.

[ 47 ] Quant à la défense de réflexe prévue par la Common Law, celle-ci ne s’applique que dans le cas d’un geste involontaire et brusque.

"… the action by the accused as being the result of a reflex action then no offence was committed because some intent is a necessary ingredient in an assault occasioning bodily harm."

Le critère régissant l’admission de nouveaux éléments de preuve en appel

Morais c. R., 2009 NBCA 11 (CanLII)

[4] Le critère régissant l’admission de nouveaux éléments de preuve en appel est bien connu. La considération prépondérante doit être « l’intérêt de la justice » et les principes applicables sont les suivants, établis dans l’arrêt Palmer c. La Reine, 1979 CanLII 8 (C.S.C.), [1980] 1 R.C.S. 759, [1979] A.C.S. no 126 (QL), et repris dans l’arrêt R. c. Lévesque, 2000 CSC 47 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 487, [2000] A.C.S. no 47 (QL), 2000 CSC 47 :

(1) On ne devrait généralement pas admettre une déposition qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite au procès, à condition de ne pas appliquer ce principe général de manière aussi stricte dans les affaires criminelles que dans les affaires civiles : voir McMartin c. La Reine.

(2) La déposition doit être pertinente, en ce sens qu’elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès.

(3) La déposition doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi, et

(4) elle doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat. [par. 14]

La mesure objective de la force proportionnelle dans des affaires de légitime défense

Guay c. R., 2008 NBCA 72 (CanLII)

[25] Tout comme l’énonce la jurisprudence portant sur la légitime défense (art. 34), l’exigence, à l’art. 27 et au par. 37(1), que la force employée soit « nécessaire » a obligé la juge à se demander si M. Guay croyait que la force employée était nécessaire (question subjective) et si cette croyance était raisonnable (question objective) : R. c. Kong, 2006 CSC 40 (CanLII), [2006] 2 R.C.S. 347, [2006] A.C.S. no 40 (QL), 2006 CSC 40, inf. 2005 ABCA 255 (CanLII), (2005), 371 A.R. 90, [2005] A.J. No. 981 (QL), 2005 ABCA 255, au par. 207, motifs du juge Wittmann (tel était alors son titre). Suivant le volet objectif du critère, il faut déterminer si la croyance de l’accusé était raisonnable compte tenu de sa perception de la situation : R. c. Cinous, 2002 CSC 29 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 3, [2002] A.C.S. no 28 (QL), 2002 CSC 29, au par. 94. À la lecture des motifs de la juge du procès dans leur ensemble, il est évident que, même si elle était prête à accepter le témoignage de M. Guay selon lequel il croyait que la force qu’il a employée était nécessaire, elle était convaincue que sa croyance, du point de vue objectif, n’était pas raisonnable dans les circonstances.

[26] Je souscris à la remarque du juge d’appel Wittmann selon laquelle [TRADUCTION] « [l]a mesure objective de la force proportionnelle dans des affaires de légitime défense nécessite une approche tolérante » (au par. 209) et à son renvoi, au paragraphe suivant, à l’ouvrage Canadian Criminal Law, 4e éd. (Scarborough, Ont: Carswell, 2001), dans lequel le professeur Don Stuart a qualifié de « flexible », à la p. 478, l’attitude des tribunaux à l’égard de la légitime défense. Cependant, même avec une approche tolérante et flexible, il y aura des cas où la force employée ne pourra pas être considérée raisonnable compte tenu des circonstances. Pour isoler ces cas, il faut nécessairement s’appuyer sur des conclusions de fait, qui doivent être tirées par le juge des faits. Le modèle de directives au jury employé au Canada l’illustre bien. Dans Ontario Specimen Jury Instructions (Criminal) (Toronto: Carswell, 2003), le juge D. Watt énonce clairement, sous « Final 68 – Justification (Preventing assault) » [Justification (Prévenir une attaque)], à la p. 991, que la réponse à la question de savoir si un accusé a employé plus que la force nécessaire pour empêcher l’attaque du plaignant [TRADUCTION] « dépend de la façon dont [le jury] perçoit la preuve » et que tous les jurés doivent tenir compte de toutes les circonstances et se servir [TRADUCTION] « du bon sens, de leur expérience, de leur connaissance de la nature humaine et de [leur] appréciation de ce qui s’est réellement passé ». Les exemples de directives au jury dans des affaires de légitime défense (par. 34(1)) sont semblables. Les Canadian Criminal Jury Instructions, vol. 2, feuilles mobiles (Vancouver: The Continuing Legal Education Society of British Columbia, 2005), expriment sensiblement la même chose, au point 8.64-8, où les auteurs recommandent aux juges de dire aux jurés de se servir du bon sens pour déterminer si la force employée était nécessaire ou non et suggèrent aux juges de passer en revue la preuve que le jury sera appelé à examiner pour déterminer s’il existe un doute raisonnable à cet égard.

lundi 5 septembre 2011

La défense ne peut pas faire d'admission sans que la poursuite n'y consente

Castellani c. R., [1970] RCS 310

Dans une affaire criminelle, vu qu’il n’y a pas de procédures écrites, il n’y a pas d’allégations précises des faits susceptibles d’être admis de façon absolue. Un prévenu ne peut admettre un fait allégué contre lui avant que l’allégation en ait été faite. Lorsqu’on veut se prévaloir de l’art. 562 (maintenant 655), il appartient à la poursuite et non à la défense de présenter le ou les faits qu’elle allègue contre le prévenu et qu’elle veut lui faire admettre. Bien entendu, le prévenu n’est aucunement tenu d’admettre le fait allégué; il lui appartient de l’admettre ou de refuser de le faire. Il ne peut pas choisir les termes d’une allégation de façon à servir ses propres fins et ensuite exiger que cette allégation soit admise. Permettre une telle manière de faire n’amènerait que de la confusion. L’idée d’admettre une allégation implique le concours de deux personnes, l’une qui fait l’allégation et l’autre qui l’admet.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le ré-interrogatoire

R. v. Lavoie, 2000 ABCA 318 Lien vers la décision Re-examination of Stephen Greene, Re-cross-examination of Stephen Greene   [ 46 ]        T...