lundi 12 septembre 2011

La jurisprudence en matière de détermination de la peine pour l'infraction de possession de crack dans le but d'en faire le trafic

R. c. Vachon, 2011 QCCQ 6796 (CanLII)

[14] Objectivement, la possession de crack dans le but d'en faire le trafic est passible de détention à perpétuité.

[16] Il y a déjà plus de 20 ans que l'arrêt Dorvilus a été rendu. Le juge Baudouin avait recensé 24 décisions de la Cour du Québec où des peines de prison variant entre 3 mois et 4 ans ont été imposées. Les principes énoncés sont toujours d'actualité et reçoivent application dans de nombreuses décisions. Le Tribunal rappelle les passages suivants où le juge Baudouin s'exprimait au nom de la majorité:

Le juge de première instance a mis clairement l'accent sur l'exemplarité de la sentence. Le crack crée chez l'usager une sensation intense et très rapide, mais de courtes durées, et une dépendance forte et pratiquement immédiate. C'est une drogue dont l'usage se propage à grande vitesse à l'heure actuelle surtout chez les enfants et chez les jeunes, parce qu'elle est bon marché par rapport à la cocaïne en poudre ou à l'héroïne …On note aussi qu'elle provoque chez l'usager en manque, de l'agressivité et des tendances à la paranoïa.

[17] Et plus loin:

[…] Comme le notent tous les jugements dont la liste suit, les tribunaux ont le devoir de se montrer sévères et non complaisants en matière de trafic de crack, eu égard surtout au fait que la substance crée une grande dépendance et une dépendance quasi immédiate, qu'elle est une drogue bon marché à la portée donc de la bourse des enfants et des adolescents.

[18] Notre Cour d'appel dans l'arrêt Blagrove reconnaît que les trafiquants opérant à des fins de lucre méritent des peines de détention sévères. La cour a augmenté la sentence de 14 mois imposée en première instance par une peine d'emprisonnement de 30 mois.

[19] Elle le rappelle aussi dans R. v. Stanislaus, où une peine d’emprisonnement de 15 mois est maintenue pour un individu ayant plaidé coupable à un chef de trafic de crack (3 g) et un chef de possession aux fins de trafic de trois roches de crack. L’accusé avait 20 ans. Sans antécédents, il étudiait à l'université, s’était engagé dans sa communauté et avait un emploi à temps partiel. Voici ce qu’écrit la Cour d’appel au paragraphe 10 de l’arrêt :

Considering that at the time he committed the offences, Appellant was a member of a community drug distribution network; that he was a non-user who admitted engaging in the crimes strictly for economic gains; the particular narcotic involved, cocaine base (crack); and the principles established in our judgments in R. v. Blagrove, C.A.Q. 500-10-000582-963, August 30, 1996; Dorvilus v. R., C.A.Q. 500-10-000111-904, July 4, 1990; Farfan v. R., C.A.Q. 500-10-000369-957, January 22, 1996;

[20] À nouveau, dans l'arrêt R. c. Blais, la Cour d’appel rejette une requête pour permission d’appeler d’une sentence de 54 mois de pénitencier. En l’espèce, l’accusé avait démontré « une motivation de lucre et d’appât du gain sans effort ». Comme l’écrit le juge Robert :

Ici, nous sommes en présence d’un véritable commerçant et non pas d’un intermédiaire occasionnel qui aurait agi par complaisance ou d’une victime de la drogue qui se serait livrée au commerce pour pourvoir combler ses propres besoins. Le critère primordial est donc celui de l’exemplarité.

[21] Le juge Galarneau de la Cour du Québec a imposé à un livreur fortement criminalisé une peine de 18 mois de prison après avoir fait une méticuleuse recension de la jurisprudence rendue en la matière depuis 1990. Le juge Gosselin dans Meunier la résume ainsi:

[44] Or, dans les 9 affaires dans lesquelles le stupéfiant en cause était le crack, des peines d'incarcération ont été prononcées par les tribunaux de première instance et/ou par les instances d'appel : aucune de ces peines n'en a été une d'emprisonnement avec sursis. En outre, lorsque des accusations de trafic et/ou de possession en vue de trafic mettaient en cause quelques grammes et/ou quelques roches de crack, ces peines d'incarcération variaient de 15 mois à 2 ans de pénitencier : il semble cependant que les accusés n'étaient, en général, pas eux-mêmes des consommateurs, mais qu'ils trafiquaient plutôt à des fins purement mercantiles.

[22] Récemment, la Cour a rendu des décisions appuyées sur ces principes. Dans R. c. Leduc, le juge Vauclair a imposé une peine d’emprisonnement de 18 mois. Leduc a été impliqué dans trois trafics totalisant six roches de crack. Lors de son arrestation, il avait dans son automobile 1,25 g de cocaïne et 8 roches de crack. Il recevait les commandes et en faisait la livraison. La preuve a démontré qu'il trafiquait depuis trois jours. Âgé de 50 ans, il n'avait aucuns antécédents judiciaires. Il a exprimé des remords. Père de famille ayant un emploi dans un garage, l'accusé avait peu d'éducation, ayant de la difficulté à lire et ne savait pas écrire. Il a expliqué à l'agent de probation qu'il était dans une période financière difficile et qu'il s'est mis au trafic de stupéfiants par appât du gain.

[23] Dans R c. Cortex, le juge Lapointe a condamné à 20 mois de prison un jeune de 25 ans, originaire du Guatemala, au passé éprouvant, travaillant et soutenant sa famille. L'accusé avait trafiqué du crack et de la cocaïne à deux reprises et possédé du « crack » et de la cocaïne (respectivement 6,7 g et 2,8 g). Le juge écrit:

[57] Le témoignage de l’accusé sur sa consommation de cocaïne l’emporte aisément. Il occupait de nombreux emplois précaires, parfois plus d’un à la fois, et la cocaïne lui permettait de surmonter sa fatigue et de prolonger ses heures de travail et ainsi sa rémunération.

[59] Il appert néanmoins évident que l’accusé se livrait à des trafics autant pour se permettre de consommer que pour améliorer sa condition économique et celle de sa famille, pour qui il était le principal gagne pain.

[24] Tout récemment les juges Tremblay et Labelle ont rendu des peines de détention pour des crimes relatifs à la vente et la possession de crack.

[25] L'accusé Frappier, avait une condamnation en semblable matière, risquait de récidiver et consommait du cannabis. Il a reçu 27 mois d'incarcération pour la possession de 85 roches et pour un trafic. Quant à Rochon, il avait en sa possession pour fins de trafic 71 roches de crack. Ayant de nombreux antécédents judiciaires malgré son jeune âge, il a reçu une peine de 40 mois de pénitencier.

[26] La jurisprudence en semblable matière est claire. La dangerosité du crack pointe vers la dissuasion et la dénonciation à titre de facteurs dominants dans la détermination de la peine appropriée.

[27] Le Tribunal doit par ailleurs exercer son pouvoir discrétionnaire et de ne pas imposer les peines comme un calque. Chaque cas doit être évalué selon sa particularité.

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