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samedi 31 décembre 2011

La consolidation des fondements de la responsabilité pénale en droit criminel canadien depuis l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés

Résumé

Depuis l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés, en particulier, la jurisprudence de la Cour suprême du Canada a permis de mieux comprendre et consolider les fondements de la responsabilité pénale en droit canadien. L’auteur esquisse ci-dessous les grands traits de cette jurisprudence qui veut fonder la responsabilité sur la présence d’une forme d’intention criminelle et, en définition, l’acte volontaire d’une personne humaine libre.

Tiré de :
Louis LeBel / Les Cahiers de droit, vol. 50, n° 3-4, 2009, p. 735-748.
http://id.erudit.org/iderudit/039339ar
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039339ar.pdf

Les conditions d'application de l’article 33.1 C. cr.

R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58 (CanLII)

[89] En raison de la conclusion qui précède, il devient maintenant pertinent de s’interroger sur l’applicabilité de l’art. 33.1 C. cr. Cette disposition s’applique lorsque trois conditions sont réunies : (1) l’accusé était intoxiqué au moment des faits; (2) cette intoxication était volontaire; et (3) l’accusé s’est écarté de la norme de diligence raisonnable généralement acceptée dans la société canadienne en portant atteinte ou en menaçant de porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui (références omises). Lorsque la preuve de ces trois éléments est établie, l’accusé ne peut soulever une défense basée sur l’absence d’intention générale ou de la volonté requise pour la perpétration de l’infraction.

[90] L’intoxication volontaire visée par l’art. 33.1 C. cr. est circonscrite dans le temps. Elle correspond à la période au cours de laquelle la substance consommée par l’accusé produit ses effets. Le paragraphe 33.1(2) C. cr. ne laisse planer aucun doute à ce sujet. Il prévoit qu’une personne « est criminellement responsable si, alors qu’elle est dans un état d’intoxication volontaire qui la rend incapable de se maîtriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite, elle porte atteinte ou menace de porter atteinte volontairement ou involontairement à l’intégrité physique d’autrui ». L’article 33.1 C. cr. veut empêcher un accusé d’échapper à sa responsabilité criminelle au motif que l’état d’intoxication dans lequel il se trouvait au moment des faits l’a rendu incapable de former l’élément moral ou d’avoir la volonté requise pour la perpétration de l’infraction.

[91] L’article 33.1 C. cr. s’applique donc à toute condition mentale qui constitue le prolongement direct d’un état d’intoxication. Il importe également de préciser que cette disposition n’établit aucune distinction relative à la gravité des effets de l’intoxication volontaire. L’appelant a tort de suggérer qu’il ne s’applique qu’aux « effets normaux » de l’intoxication. Il n’existe aucun seuil d’intoxication à partir duquel l’état d’un accusé échappe à l’application de l’art. 33.1 C. cr. Une psychose toxique peut donc faire partie des états d’intoxication visés par cette disposition. C’est le cas en l’espèce. La Cour d’appel n’a donc pas commis d’erreur de droit en concluant à l’application de l’art. 33.1 C. cr. plutôt que de l’art. 16 C. cr.

Les conditions d’application de la défense de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux

R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58 (CanLII)

[55] Le paragraphe 16(2) C. cr. dispose que « [c]hacun est présumé ne pas avoir été atteint de troubles mentaux de nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle ». Lorsqu’un accusé souhaite échapper à sa responsabilité criminelle pour ce motif, il lui appartient de prouver selon la balance des probabilités qu’il était, au moment des faits reprochés, atteint de « troubles mentaux qui [le] rendaient incapable de juger de la nature et de la qualité de l’acte ou de l’omission, ou de savoir que l’acte ou l’omission était mauvais » (par. 16(1) C. cr.). Dans l’arrêt Chaulk, notre Cour a statué que ce fardeau de preuve imposé à l’accusé violait la présomption d’innocence garantie par l’al. 11d) de la Charte, mais qu’il constituait néanmoins une limite raisonnable à celle-ci dans une société libre et démocratique.

[56] L’accusé qui souhaite présenter avec succès une défense de troubles mentaux doit ainsi satisfaire aux exigences d’un test en deux étapes, d’origine législative. La première étape concerne la qualification de l’état mental de l’accusé. La question cruciale à trancher au procès est alors de savoir si l’accusé souffrait de troubles mentaux au sens juridique au moment des faits reprochés. La deuxième étape de la défense prévue à l’art. 16 C. cr. porte sur les effets des troubles mentaux. On doit alors décider si la condition mentale de l’accusé le rendait incapable de « savoir que l’acte ou l’omission était mauvais » (par. 16(1) C. cr.).

(1) L’incapacité doit découler d’une maladie de l’esprit


[58] Le Code criminel ne contient aucune définition précise de la notion de « troubl[e] menta[l] » pour l’application de l’art. 16 C. cr. L’article 2 C. cr. prévoit simplement qu’un trouble mental est un terme qui englobe « [t]oute maladie mentale » (« disease of the mind » en anglais). En raison de cette définition circulaire, les tribunaux ont dû définir graduellement les contours de ce concept juridique.

[59] La jurisprudence découlant de l’arrêt Cooper confirme clairement la portée très large du concept juridique de « trouble mental ». Dans cette décision, le juge Dickson a mentionné que le concept de maladie mentale comprend « toute maladie, tout trouble ou tout état anormal qui affecte la raison humaine et son fonctionnement » (p. 1159). Dans l’arrêt Rabey, le juge Dickson a précisé que « [l]e concept est vaste : il englobe des troubles mentaux d’origine organique et fonctionnelle, guérissables ou non, temporaires ou non, susceptibles de se répéter ou non » (p. 533). (...)

[60] Le concept de « trouble mentaux » demeure évolutif. Ce caractère permet une adaptation continuelle aux progrès de la science médicale (R. c. Simpson (1977), 35 C.C.C. (2d) 337 (C.A. Ont.)). En conséquence, il ne sera sans doute jamais possible de définir et d’énumérer de façon exhaustive les conditions mentales qui constituent une « maladie mentale » au sens de l’article 2 C. cr. (...)

(2) La qualification d’une condition mentale comme « trouble mental » est un exercice juridique lié au substrat médical et scientifique

[61] En vertu du Code criminel, la maladie mentale représente un concept juridique qui comprend une dimension médicale. Bien que l’expertise médicale constitue une composante essentielle de l’exercice de qualification juridique, il est acquis depuis longtemps en droit positif que la qualification d’une condition mentale comme un « trouble mental » demeure une question de droit que le juge du procès doit trancher. Dans le cas d’un procès devant jury, elle ne relève pas de ce dernier, mais du juge. Comme le juge Martin l’a rappelé dans un extrait souvent cité de l’arrêt Simpson, [traduction] « [i]l appartient au psychiatre de décrire l’état mental de l’accusé et d’exposer ce qu’il implique du point de vue médical. Il appartient au juge de décider si l’état décrit est compris dans l’expression “maladie mentale” » (p. 350). Lorsque le juge conclut en droit que la condition mentale de l’accusé constitue un « trouble mental », il appartient éventuellement au jury de décider si, dans les faits, ce dernier souffrait d’un tel trouble mental au moment de l’infraction.

[62] Ainsi, le juge du procès n’est pas lié par la preuve médicale puisque celle-ci ne prend généralement pas en considération les éléments d’ordre public qui font partie de l’analyse requise par l’art. 16 C. cr. (Parks, p. 899-900). De même, l’opinion d’un expert sur la question juridique de savoir si la condition mentale de l’accusé constitue un « trouble mental » au sens du Code criminel ne jouit que de [traduction] « peu ou d’aucune valeur probante » (R. c. Luedecke, 2008 ONCA 716 (CanLII), 2008 ONCA 716, 269 O.A.C. 1, par. 113).

[63] L’arrêt R. c. Stone, 1999 CanLII 688 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 290, a fait une synthèse des rôles respectifs de l’expert, du juge et du jury. S’exprimant au nom de la majorité, le juge Bastarache a affirmé que :

Prise isolément, la question de savoir quels états mentaux sont englobés par l’expression « maladie mentale » est une question de droit. Toutefois, le juge du procès doit également déterminer si l’état dans lequel l’accusé prétend s’être trouvé satisfait au critère juridique de la maladie mentale. Il lui faut alors évaluer la preuve présentée dans l’affaire dont il est saisi, au lieu d’un principe général de droit, de sorte qu’il s’agit d’une question mixte de droit et de fait. […] La question de savoir si l’accusé souffrait véritablement d’une maladie mentale est une question de fait qui doit être tranchée par le juge des faits. [référence omise; par. 197.]

La défense prévue à l’article 16 C. cr. : une exception au principe général de l’imputabilité pénale

R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58 (CanLII)

[45] En effet, une règle traditionnelle et fondamentale de common law subordonne l’imputabilité en matière pénale à la commission d’un acte volontaire par l’accusé. (...)

[46] Pour qu’un acte soit considéré comme volontaire en droit pénal, il doit nécessairement être le produit de la volonté libre de l’accusé. Comme le juge Taschereau l’a affirmé dans l’arrêt R. c. King, 1962 CanLII 16 (SCC), [1962] R.C.S. 746, [traduction] « il ne peut y avoir d’actus reus à moins qu’il ne résulte d’un esprit apte à former une intention et libre de faire un choix ou de prendre une décision bien déterminée ou, autrement dit, il doit y avoir une volonté d’accomplir un acte, que l’accusé ait su ou non qu’il était prohibé par la loi » (p. 749). Cela signifie qu’un acte involontaire ne peut engager la responsabilité pénale de son auteur (voir les motifs dissidents du juge Dickson dans l’arrêt Rabey c. La Reine, 1980 CanLII 44 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 513, tels qu’endossés sur ce point dans l’arrêt R. c. Parks, 1992 CanLII 78 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 871).

[47] La volonté d’un individu se manifeste par le contrôle conscient qu’il exerce sur son corps (Perka c. La Reine, 1984 CanLII 23 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 232, p. 249). La nature de ce contrôle peut être physique, auquel cas l’acte volontaire réfère aux mouvements musculaires effectués par une personne qui exerce un contrôle matériel sur son corps. L’exercice de la volonté peut également procéder du contrôle moral qu’une personne exerce sur les gestes qu’elle désire accomplir. Dans un tel cas, l’acte volontaire correspond à un geste commis de façon libre et réfléchie par un individu doué d’une intelligence minimale (voir H. Parent, Responsabilité pénale et troubles mentaux : Histoire de la folie en droit pénal français, anglais et canadien (1999), p. 266-271). La volonté est aussi un produit de la raison.

[48] La dimension morale de l’acte volontaire, que notre Cour a reconnue dans l’arrêt Perka, renvoie ainsi à cette conception selon laquelle le droit criminel considère les individus comme des êtres autonomes et rationnels. Cette conception peut d’ailleurs être vue comme la pierre angulaire des principes de l’imputation de la responsabilité pénale (L. Alexander, K. K. Ferzan et S. J. Morse, Crime and Culpability : A Theory of Criminal Law (2009), p. 155). Envisagé sous cet angle, un comportement humain n’entraîne la responsabilité pénale que lorsqu’il représente le produit d’un « choix véritable » ou du « libre arbitre » de son auteur. Ce principe illustre toute l’importance que revêtent l’autonomie et la raison au sein du régime de responsabilité pénale. Comme le rappelait la Cour dans l’arrêt R. c. Ruzic, 2001 CSC 24 (CanLII), 2001 CSC 24, [2001] 1 R.C.S. 687 :

Un principe directeur fondamental de notre droit criminel veut que les auteurs d’une infraction criminelle soient considérés comme des personnes douées de raison et autonomes qui font des choix. L’importance de ce principe se reflète non seulement dans l’exigence qu’un acte soit volontaire, mais aussi dans la condition que l’acte répréhensible demeure intentionnel pour justifier une déclaration de culpabilité. […] À l’instar du caractère volontaire, l’exigence d’intention coupable tient au respect de l’autonomie et du libre arbitre de l’individu et elle reconnaît l’importance de ces valeurs dans une société libre et démocratique. La responsabilité criminelle dépend également de la capacité de choisir — la capacité de distinguer le bien du mal.

[49] De ce fondement essentiel de l’imputation de la responsabilité pénale découle donc une présomption que chaque individu dispose de la capacité de distinguer le bien du mal. En effet, le droit pénal présume que toute personne est un être autonome et rationnel dont les actes ou les omissions sont de nature à engager sa responsabilité. Cette présomption n’est toutefois pas absolue : elle peut être repoussée par la preuve que l’accusé n’avait pas, au moment des faits reprochés, le niveau d’autonomie ou de rationalité requis pour engager sa responsabilité pénale. Le droit pénal se refuse alors à l’imputation de la responsabilité en raison d’une excuse pour le geste commis, reconnue par notre société. En effet, celle-ci entretient « la conviction fondamentale que la responsabilité criminelle n’est appropriée que lorsque l’agent est une personne douée de discernement moral, capable de choisir entre le bien et le mal » (R. c. Chaulk, 1990 CanLII 34 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 1303, p. 1397). Dans l’arrêt Ruzic, la Cour a d’ailleurs reconnu l’existence d’un principe de justice fondamentale selon lequel « seule la conduite volontaire — le comportement qui résulte du libre arbitre d’une personne qui a la maîtrise de son corps, en l’absence de toute contrainte extérieure — entraîne l’imputation de la responsabilité criminelle et la stigmatisation que cette dernière provoque » (par. 47).

[50] L’aliénation mentale constitue une exception au principe général de droit pénal selon lequel l’accusé est réputé être une personne autonome et rationnelle. En effet, une personne atteinte de troubles mentaux au sens de l’art. 16 C. cr. n’est pas considérée comme capable d’apprécier la nature de ses actes ou de comprendre que ceux-ci sont foncièrement mauvais. Pour cette raison, dans l’arrêt Chaulk, le juge en chef Lamer a affirmé que les dispositions relatives à l’aliénation mentale qui sont contenues dans le Code criminel « agissent, au niveau le plus fondamental, comme une exemption de responsabilité pénale fondée sur l’incapacité de former une intention criminelle »

[51] En suivant la logique adoptée dans l’arrêt Ruzic, il est également possible d’affirmer qu’une personne souffrant d’aliénation mentale est incapable d’agir volontairement sur le plan moral. Les gestes qu’elle accomplit ne résultent effectivement pas de son libre arbitre. C’est donc en conformité avec les principes de justice fondamentale que le droit canadien écarte la responsabilité pénale d’une personne dont la condition mentale au moment des faits est visée par l’art. 16 C. cr. Le fait de condamner une personne qui agit de façon involontaire ébranlerait les fondements du droit criminel et porterait atteinte à l’intégrité du système judiciaire.

[52] La défense de troubles mentaux conserve cependant une nature singulière. Elle ne conduit pas à l’acquittement de l’accusé, mais plutôt à un verdict de non-responsabilité criminelle. Ce dernier vise alors à engager l’application d’un processus administratif destiné à déterminer si l’accusé représente un risque important pour la sécurité du public, à prendre les mesures nécessaires pour contrôler ce risque et, le cas échéant, à lui prodiguer les soins nécessaires. Un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux donne ainsi effet au vœu sociétal de traiter, plutôt que de punir, un contrevenant moralement innocent, tout en assurant la protection du public le plus adéquatement possible.

jeudi 29 décembre 2011

Les similitudes entre l’absolution avec probation et l’emprisonnement dans la collectivité

R. c. Berish, 2011 QCCA 2288 (CanLII)

[10] On doit noter au départ que les positions de la poursuite et de la défense ne sont pas si loin l’une de l’autre. L’absolution avec probation durant deux ans et l’emprisonnement dans la collectivité durant un an impliquent une reconnaissance que l’accusé s’est amendé et que la sécurité du public n’est pas à risque même si on ne le confine pas à la prison.

[11] La principale différence réside dans le fait que, dans le premier cas, le délinquant est réputé ne pas avoir été condamné, alors que dans le second, il traînera sa vie durant une condamnation handicapante.

lundi 26 décembre 2011

Les démarches qu'un juge du procès doit entreprendre s'il existe une crainte qu'un membre du jury soit partial

Seck c. R., 2011 QCCA 2250 (CanLII)

[65] La Cour d'appel de Colombie Britannique expliqua les démarches qu'un/e juge du procès doit entreprendre s'il existe une crainte qu'un membre du jury soit partial en ces termes :

39 A trial judge who becomes aware of circumstances which raise a question as to the impartiality of a juror is empowered to discharge that juror pursuant to s. 644 of the Criminal Code or to dismiss the jury and declare a mistrial. Whether to take such a step is a matter which falls within the discretion of the trial judge and an appeal court will generally exercise caution before interfering with the exercise of that discretion. See: R. v. Horne reflex, (1987), 35 C.C.C. (3d) 427 (Alta. C.A.); R. v. Andrews, Farrant & Kerr (1984), 13 C.C.C. (2d) 207 (B.C.C.A.); R. v. Hanna 1993 CanLII 1425 (BC CA), (1993), 80 C.C.C. (3d) 289 at 312 (B.C.C.A.).

40 However, the trial judge must exercise that discretion in accordance with the applicable legal principles that govern the exercise of the discretion. Specifically, if an issue of potential bias of a juror arises from reports made to the trial judge he or she must, in order to properly exercise his discretion.

a) apply the proper legal test for determining whether the information gives rise to a reasonable apprehension of bias. See: R. v. Spencer, supra, at pp.279-80 and 290-91; R. v. Gough, supra, at p.669; R. v. Blackwell, [1995] 2 Cr. App. 625 (C.A.) at p.635 (paras. B/C);

b) at a minimum, conduct an inquiry into the circumstances in order to obtain the necessary information upon which to exercise his or her discretion. This is his duty. See: R. v. Blackwell, supra, at pp. 633-64; R. v. Hertrich reflex, (1982), 67 C.C.C. (2d) 510 at 541; R. v. Andrews, Farrant & Kerr, supra, at pp. 212-13 and see: with regards to the obligation of "obtaining ... the required information": R. v. R.D.S., supra, at para. 111 and R. v. Afghanzada, supra. Regardless of the positions taken by counsel, the court has an independent duty to ensure the fair conduct of the trial. See R. v. Hodgson, 1998 CanLII 798 (SCC), [1998] 2 S.C.R. 449; 127 C.C.C. (3d) 449 at paras. 41 (per Cory J.) and 100 (per L'Heureux-Dubé J., concurring).

[66] Cependant, comme le souligne l'intimée, une cour d'appel doit faire preuve d'un degré de déférence élevé envers le ou la juge de première instance quant à son évaluation du risque de partialité potentielle d'un membre du jury.

[67] Dans l'arrêt Pan, la Cour suprême, sous la plume de la juge Charron, souligne le caractère discrétionnaire des pouvoirs du ou de la juge de première instance en cette matière :

[96] Relativement à l'art. 644 du Code criminel, lorsque le juge du procès apprend qu'un juré a été soumis à des influences externes inacceptables ou encore qu'il est incapable de s'acquitter adéquatement de son rôle de juré ou non disposé à le faire, le juge peut tenir une audience pour déterminer la nature du problème, le cas échéant, et il a le pouvoir discrétionnaire de libérer le juré lorsque les circonstances le justifient […].

[97] […] Il y a également des limites à la possibilité de recourir à l'art. 644 du Code comme mécanisme de libération des jurés au cours d'un procès. Cet article ne permet la libération d'un juré au cours du procès que dans les cas où surgit un problème sérieux quant à son aptitude à agir comme juré. Il n'a pas pour objet d'encourager les jurés à se plaindre au juge de faits anodins au sujet de leurs collègues au cours du procès, pas plus qu'il ne prévoit la libération de jurés pour des problèmes mineurs. Il appartient au juge du procès de décider de la meilleure façon d'instruire le jury de ces questions. […].

[68] Dans l'affaire R. v. Giroux, le président du jury avait soumis une note au juge du procès selon laquelle certains membres du jury se sentaient intimidés par un autre juré qui avait tenu des propos violents envers eux, et avait également frappé une table. La note demandait la libération du juré en question. Le juge du procès a tenu une enquête et a décidé de libérer le juré. Cette décision fut confirmée par la Cour d'appel de l'Ontario :

26 In my view, the trial judge committed no reversible error in discharging the juror or in her conduct of the proceedings leading up to that decision.

[27] There is no doubt — to quote Dickson J. in Basarabas v. The Queen reflex, (1982), 2 C.C.C. (3d) 257 (S.C.C.) at 265 — that "an accused should not be lightly deprived of his or her right to be tried by a jury of twelve persons." However, s. 644 of the Code provides the trial judge with a broad discretion to discharge a juror if satisfied the juror cannot continue to act "by reason of illness or other reasonable cause", and the judge's decision is entitled to considerable deference in that regard.

[28] Nor is there any doubt that cases involving internal strife amongst jurors pose particularly problematic issues, and must be dealt with in a careful and sensitive fashion — as the trial judge did here. It is imperative that neither the court, in addressing the situation, nor the jury, in responding to it, violates the rule preserving the confidentiality of jury deliberations. However, adherence to this cardinal principle constrains the court's ability to make inquiries about the internal strife. In addition, the court must be alert to the possibility that the internal strife in question is merely reflective of an inability on the part of the jury to agree, as opposed to an inability to deliberate. There is always the potential that the request to eliminate the strife issue is merely an attempt by a majority of jurors to cast off a dissenting minority opinion. Finally, the court must be conscious of the danger that the entire jury may be tainted by the internal strife — not just the particular juror or jurors who are subject to the inquiry — and its ability to deliberate compromised, thus impairing the integrity of the jury deliberation process.

[69] Dans l'affaire Lessard, cette cour s'est prononcée comme suit:

Le pouvoir discrétionnaire du juge de libérer un juré au terme de l'article 544 C.cr. ou de mettre fin au procès doit donc être exercé judiciairement et en fonction du critère de l'existence d'un "danger réel".

[…]

La tentative de corruption d'un juré est évidemment une affaire objectivement très sérieuse et qui, quelle que soit l'issue du procès, est une tache sur l'intégrité du processus.

Le juge de première instance est celui qui, bien plus que nous en Cour d'appel plusieurs années plus tard, est le mieux placé pour évaluer son impact réel, concret et pratique sur le jury, en tenant compte de l'atmosphère générale dans laquelle le procès s'est déroulé, des circonstances propres à l'espèce, de ce qu'il a pu observer durant toutes les étapes du procès et de la réaction des membres du jury lors de ses commentaires sur l'incident. Il est également le mieux placé pour trouver la solution permettant de neutraliser le poison ainsi distillé dans l'esprit du jury. Sa décision doit donc bénéficier du plus grand respect et ce n'est que si la preuve révèle qu'il s'est clairement trompé et qu'il n'a pas bien exercé sa discrétion, qu'à mon avis une Cour d'appel peut et doit intervenir.(Soulignements ajoutés)

[70] Ce principe a été réitéré récemment dans l'affaire Laroche

mercredi 21 décembre 2011

Un accusé n'a pas de droit constitutionnel autonome d'avoir une enquête policière adéquate relativement aux accusations portées contre lui

R. c. Durand, 2011 QCCS 6762 (CanLII)

Lien vers la décision

[31] D'abord, le Tribunal ne peut conclure que l'enquête policière a été bâclée du fait que certaines vérifications n'ont pas été faites auprès de certains témoins.

[32] L'enquête policière n'a pas à être parfaite. La défense a reçu la divulgation de la preuve et pourra, si elle le juge à propos, faire le nécessaire pour contester cette preuve.

[33] À ce sujet, le Tribunal réfère à une décision rendue par la juge Sophie Bourque, le 27 septembre 2011, dans la cause Sa Majesté la Reine c. Frank Antoine Joseph qui renvoie à l'arrêt R. v. Darwish :

[29] An accused does not have a freestanding constitutional right to an adequate investigation of the charges against him or her: R. v. Barnes, 2009 ONCA 432 (CanLII), 2009 ONCA 432, at para. 1. Inadequacies in an investigation may lead to the ultimate failure of the prosecution, to a specific breach of a Charter right or to a civil remedy. Those inadequacies do not, however, in-and-of-themselves constitute a denial of the right to make full answer and defence.

[30] An accused also does not have a constitutional right to direct the conduct of the criminal investigation of which he or she is the target. As Hill J. put it in R. v. West, [2001] O.J. No. 3406 (S.C.), at para. 75, the defence cannot, through a disguised-disclosure demand, “conscript the police to undertake investigatory work for the accused”. See also: R. v. Schmidt 2001 BCCA 3 (CanLII), (2001), 151 C.C.C. (3d) 74 (B.C.C.A.), at para. 19. That is not to say that the police and the Crown should not give serious consideration to investigative requests made on behalf of an accused. Clearly, they must. However, it is the prosecutorial authorities that carry the ultimate responsibility for determining the course of the investigation. Criminal investigations involve the use of public resources and the exercise of intrusive powers in the public interest. Responsibility for the proper use of those resources and powers rests with those in the service of the prosecution, and not with the defence.

[31] Nor does the disclosure right, as broad as that right is, extend so far as to require the police to investigate potential defences. The Crown’s disclosure obligation was recently described in R. v. McNeil, 2009 SCC 3 (CanLII), [2009] 1 S.C.R. 66 . The court, at para. 22, reiterated the Crown’s obligation, subject to very limited exceptions, to make timely disclosure to an accused of all relevant material “in the possession or control of the Crown”. The Crown’s disclosure obligation will also require the Crown, in response to defence requests, to take reasonable steps to inquire about and obtain relevant information in the possession of some third parties. Charron J. described this aspect of the disclosure obligation at para. 49:

The Crown is not an ordinary litigant. As a minister of justice, the Crown’s undivided loyalty is to the proper administration of justice. As such, Crown counsel who is put on notice of the existence of relevant information cannot simply disregard the matter. Unless the notice appears unfounded, Crown counsel will not be able to fully assess the merits of the case and fulfil its duty as an officer of the court without inquiring further and obtaining the information if it is reasonably feasible to do so.

[32] I see a vast difference between requiring the Crown to take reasonable steps to assist an accused in obtaining disclosure of relevant material in the possession of a third party, and requiring the Crown to conduct investigations that may assist the defence. The former recognizes an accused’s right to relevant information and the practical advantage that the Crown may have over the defence when it comes to obtaining that information from some third parties. The latter would require the prosecution to effectively surrender control of the investigation to the defence, or ultimately face a stay of the criminal charges.

[33] The disclosure obligation rests on the premise that material in possession of the prosecutorial authorities that is relevant to a criminal prosecution is not the “property” of the Crown, but is rather “the property of the public to be used to ensure that justice is done”: R. v. Stinchcombe, 1991 CanLII 45 (SCC), [1991] 3 S.C.R. 326 , at p. 333 . This rationale fully justifies the broad disclosure obligations imposed on the prosecution with respect to material that is in existence. It does not justify an approach that would permit the defence to dictate the course of the investigation to prosecutorial authorities.

[…]

[39] An interpretation of the right to make full answer and defence that imposes a duty on the prosecution to investigate possible defences is also irreconcilable with the basic features of the criminal justice system. No doubt, the Crown has obligations to an accused and to the administration of justice that go beyond those normally imposed on opposing counsel in litigation. However, the criminal justice system remains essentially an accusatorial and adversarial one. The prosecution, which includes the Crown and the police, is charged with the responsibility of investigating and prosecuting crime in the public interest. To do so the prosecution must investigate allegations, lay charges and prove those charges in a criminal proceeding. To properly perform these functions the prosecution must decide on the nature and scope of an investigation. The accused is entitled to the product of that investigation, but is not entitled to dictate the nature or scope of that investigation.

[34] Un accusé n'a pas de droit constitutionnel autonome d'avoir une enquête policière adéquate relativement aux accusations portées contre lui.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Un dossier médical peut être déposé en vertu de l’article 30 de la Loi sur la preuve au Canada

R. c. Drouin, 2015 QCCS 6651  Lien vers la décision [ 8 ]             L’ article 30(1)  de la  Loi sur la preuve au Canada [3]  précise que ...