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mercredi 14 août 2013

Afin de miner la crédibilité d'une personne en plaidoirie, cette dernière doit avoir été contre-interrogé à cet effet

R. v. Werkman, 2007 ABCA 130 (CanLII)

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[7]               The second and third grounds of appeal relate to the rule in Browne v. Dunn, and can be dealt with together. The rule in Browne v. Dunn requires that counsel put a matter to a witness involving the witness personally if counsel is later going to present contradictory evidence, or is going to impeach the witness’ credibility: R. v. Lyttle2004 SCC 5 (CanLII), 2004 SCC 5, [2004] 1 S.C.R 193, 316 N.R. 52 (para. 64). Though it is not necessary to cross-examine upon minor details in the evidence, a witness should be provided with an opportunity to give evidence on “matters of substance” that will be contradicted: R. v. Giroux2006 CanLII 10736 (ON CA), (2006) 210 O.A.C. 50 at para. 46 (C.A.). The purpose of the rule is to ensure that parties and witnesses are treated fairly; it is not a general or absolute rule: Lyttle at para. 65; R. v. Palmer 1979 CanLII 8 (SCC), [1980] 1 S.C.R. 759 at 781, 30 N.R. 181. The rule also has exceptions.

Quelle peine doit être imposée en cas de bris d'une ordonnance de sursis?

R. c. Chrétien, 2013 QCCA 1343 (CanLII)

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[9]           L'appelante souhaite donc la révocation pure et simple de l'ordonnance de sursis. La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Proulx, explique que :
39     Remarque plus importante, lorsque le délinquant enfreint sans excuse raisonnable une condition de son ordonnance de sursis à l’emprisonnement, il devrait y avoir présomption qu’il doit alors purger le reste de sa peine en prison. Cette menace constante d’incarcération est de nature à inciter le délinquant à respecter les conditions qui lui ont été imposées:  voir R. c. Brady,1998 ABCA 7 (CanLII), 1998 ABCA 7 (CanLII), (1998), 121 C.C.C. (3d) 504 (C.A. Alb.); J. V. Roberts, «Conditional Sentencing: Sword of Damocles or Pandora’s Box?» (1997), 2 Rev. can. D.P. 183. Elle contribue en outre à distinguer l’emprisonnement avec sursis de la probation en rendant plus sévères les conséquences d’un manquement aux conditions d’une ordonnance de sursis à l’emprisonnement.
[Soulignement ajouté]
[10]        La Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans l'arrêt R. v. L. (T.E.), expose certains critères relatifs à l'exercice de la discrétion du juge :
13     This brief review of the appellate authorities following Proulx, suggests the task of the court at a disposition hearing is to consider the nature of the offence; the nature, circumstances, and timing of the breach; any subsequent criminal conduct and sentences for that conduct; changes in the plan for community supervision; the effect of termination on the appropriateness of the sentence for the original offence; and the offender's previous criminal record, in determining whether the presumption of termination for breach is to be applied. If the presumption is rebutted, the court then is to ask itself which of the other three options is appropriate, having regard to those same factors. I do not understand the list of factors to be closed.
[11]        Les propos du juge Rosenberg, de la Cour d'appel de l'Ontario, rappellent bien l'approche à suivre :
In my view, this simple and expeditious procedure for dealing with violations of the order has important implications in understanding and applying the conditional sentence regime. This procedure which is set out in s. 742.6 reinforces the point that this is a sentence of imprisonment that the offender is permitted to serve in the community. It is appropriate that if the offender breaches the order, and particularly if the breach represents the commission of a further offence or endangers the community, all or a portion of the unexpired term of the sentence be served in prison.

jeudi 8 août 2013

Certains principes guidant l'intervention (ou non) de la cour d'appel relativement à la détermination de la peine

Proulx Poirier c. R., 2013 QCCA 1076 (CanLII)

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[7]           Bref, le requérant n'est pas en mesure de démontrer que les peines imposées résultent d'une pondération déraisonnable des facteurs aggravants et atténuants ou encore que l'analyse du juge est viciée à la base par une erreur de principe fondamentale.
[8]           De plus, l'étude de la jurisprudence applicable au fait de l'espèce fait voir que les peines décernées au requérant se situent à l'intérieur de la fourchette des peines généralement imposées pour ce type de criminalité et que, globalement, elles ne sont pas excessives. D'ailleurs, sous ce rapport, le procureur du requérant a concédé, lors des observations sur la peine que « […] c'est certain que compte tenu de la multitude de crimes, si vous décidez de prioriser l'aspect de dissuasion, une peine de prison importante pourrait s'imposer ».
[9]           En conformité avec les enseignements qui se dégagent des arrêts R. c. ShropshireR. c. L.M. et R. c. Nasogaluak, l'intervention de la Cour n'est pas ici requise.

L'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles est généralement incluse à celle de voies de fait graves

Lefebvre Boucher c. R., 2013 QCCA 1003 (CanLII)

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[4]         À la fin de l'enquête préliminaire, il y eut renvoi à procès sur ce chef, mais uniquement sur une accusation de voies de fait graves commises « en mettant en danger » la vie de la victime, les autres modes de perpétration de l'infraction étant spécifiquement biffés. En effet, la juge de paix présidant l'enquête préliminaire a estimé qu'il y avait absence de preuve selon laquelle l'appelant aurait blessé, mutilé ou défiguré la victime au sens de l'art. 268 C.cr. Par ailleurs, l'intimée admet que les lésions dont a été victime la plaignante n'ont pas été causées par cette agression, mais plutôt antérieurement à celle-ci.
[5]         Le procès s'est donc tenu sur la base d'un chef d'accusation amputé de toute mention de blessures et limité au fait d'avoir commis des voies de fait graves en mettant en danger la vie de la victime.
[6]         Le juge de première instance a conclu qu'il n'y avait aucune preuve que l'appelant avait mis en danger la vie de la victime et l'a acquitté en conséquence de l'accusation de voies de fait graves. Par contre, étant d'avis que l'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles était incluse, il l'a reconnu coupable de cette infraction.
[7]         Il est vrai que l'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles est généralement incluse à celle de voies de fait graves, puisque les éléments constitutifs de la première sont compris dans la seconde. De plus, elle doit nécessairement être commise dans la perpétration des voies de fait graves, à moins que cette dernière accusation soit autrement particularisée.
[8]         Il existe toutefois des cas où, malgré cette règle générale, l'accusation de voies de fait causant des lésions corporelles n'est pas incluse. C'est le cas ici, alors que seule l'infraction de voies de fait simples l'était.
[9]         Pour que la règle générale puisse s'appliquer en l'espèce, il faudrait que les éléments constitutifs de l'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles soient décrits dans la disposition qui criminalise les voies de fait graves ou dans le libellé du chef d'accusation. Or, quant à cette dernière hypothèse, comme la juge présidant l'enquête préliminaire a ordonné la radiation des termes « en la blessant, mutilant, défigurant » et que l'accusation portée aux fins du procès était conforme à cette ordonnance, l'on ne peut certes pas dire que l'infraction était incluse dans le chef « tel que rédigé », puisqu'il est possible de mettre la vie en danger, sans causer de lésions corporelles.
[10]      Quant à la disposition qui crée l'infraction, s'il est vrai que le paragr. 268(1) C.cr. fait état de lésions corporelles, il faut, vu les circonstances de l'espèce, aborder cette question en tenant compte de l'équité du procès, des spécificités de l'accusation portée et du droit de l'accusé de connaître les infractions incluses auxquelles il doit faire face. Ici, la rédaction du chef particularisait l'infraction en faisant spécifiquement abstraction de toute notion de lésions corporelles, ce qui empêchait l'application, sans distinction, de la définition générale de voies de fait graves pour identifier les infractions incluses. Il fallait donc se limiter au chef tel que libellé.
[11]      Par contre, l'accusation de voies de fait simples était évidemment incluse à l'accusation d'avoir commis des voies de fait graves.

C'est la partie qui l'invoque qui doit démontrer le caractère confidentiel d'un élément de preuve et l'existence d'une relation thérapeutique est une circonstance qui doit être examinée avec attention

Verret c. R., 2013 QCCA 1128 (CanLII)

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[23]        C'est la partie qui l'invoque qui doit démontrer le caractère confidentiel d'un élément de preuve. En l'espèce, il y a lieu de tenir compte des quatre facteurs retenus dans l'ouvrage Wigmore on Evidence, comme le souligne la Cour suprême dans R. c. National Post,2010 CSC 16 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 477, 2010 CSC 16, reprenant en cela notamment R. c. Gruenke, 1991 CanLII 40 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 263 :
53   Le test ou "critère de Wigmore" comporte quatre volets qui peuvent se résumer comme suit dans le contexte qui nous occupe.Premièrement, les communications doivent avoir été transmises confidentiellement avec l'assurance que l'identité de l'informateur ne serait pas divulguée. Deuxièmement, le caractère confidentiel doit être essentiel aux rapports dans le cadre desquels la communication est transmise. Troisièmement, les rapports doivent être des rapports qui, dans l'intérêt public, devraient être "entretenus assidûment", adverbe qui évoque l'application constante et la persévérance (selon le New Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles(6e éd. 2007), vol. 2, p. 2755, le terme anglais "sedulous[ly]" utilisé par Wigmore signifie : "diligent[ly] [...] deliberately and consciously"). Enfin, si toutes ces exigences sont remplies, le tribunal doit déterminer si, dans l'affaire qui lui est soumise, l'intérêt public que l'on sert en soustrayant l'identité à la divulgation l'emporte sur l'intérêt public à la découverte de la vérité. Voir Wigmore on Evidence (rév. McNaughton 1961), vol. 8, s. 2285; Sopinka, Lederman & Bryant : The Law of Evidence in Canada (3e éd. 2009), par. 14.19 et suiv.; D. M. Paciocco et L. Stuesser, The Law of Evidence (5e éd. 2008), p. 254-259. De plus, le juge en chef Lamer, dans Gruenke, a fait le commentaire suivant :
Cela veut dire non pas que le critère de Wigmore est maintenant "gravé dans la pierre", mais plutôt que ces considérations constituent un cadre général à l'intérieur duquel des considérations de principe et les exigences en matière de recherche des faits peuvent être évaluées et comparées en fonction de leur importance relative dans l'affaire particulière soumise à la cour.
[24]        L'affaire doit donc être décidée au cas par cas et l'existence d'une relation thérapeutique est une circonstance qui doit être examinée avec attention : M. (A.) c. Ryan, 1997 CanLII 403 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 157. Par ailleurs, la nature de l'infraction est aussi pertinente, comme le souligne le juge Lacourcière pour la Cour d'appel de l'Ontario dans R. v. R.J.S.reflex, (1985) 19 C.C.C. (3d) 115, à la p. 134, alors que la poursuite cherchait à mettre en preuve les propos tenus par l'accusé à l'occasion d'une démarche thérapeutique :
I do not think that these cases help the appellant's position in the balancing of interests. In my view, the search for truth in the criminal process outweighs the need for family counselling, at least in cases of suspected child abuse. As previously mentioned, the policy of the law has been to limit the categories of privilege, subject to the judicial discretion to refuse to admit evidence obtained in confidence, such as the penitent's confession to a priest and the spouse's communication to her psychiatrist in Dembie v. Dembie, supra.
[25]        En l'espèce, il est admis que les trois premiers critères de Wigmore sont satisfaits. Seul le quatrième est en cause. Autrement dit, l'intérêt public à ce que l'information demeure confidentielle l'emporte-t-il sur l'intérêt public à ce que la vérité soit découverte? Le juge de première instance a conclu que l'appelante ne s'est pas déchargée de son fardeau de démontrer que tel était le cas. S'il est vrai que le juge tient compte d'arrêts qui ne portent pas tous sur le quatrième critère (par exemple celui de notre Cour dans R. c. Dupont1998 CanLII 13015 (QC CA), (1998), 129 C.C.C. (3rd) 77), je ne vois toutefois pas d'erreur dans sa conclusion.
[26]        Comme le juge de première instance, je suis d'avis que l'intérêt de la société à connaître la vérité dans cette affaire de meurtre l'emporte sur celui de l'appelante (ou de toute autre personne) à être traitée pour un problème de consommation d'alcool.
[27]        La preuve contestée est importante en ce que l'intervenante témoigne que l'appelante lui a mentionné avoir été complice du meurtre de sa sœur. Il s'agit d'une preuve qui, sans être très précise en ce qui a trait aux paroles exactes de l'appelante, demeure pertinente et fort importante pour la découverte de la vérité. Les aveux de l'appelante sont un élément déterminant de la thèse de la poursuite.
[29]        Il est vrai qu'elle ne contient pas d'aveu clair de culpabilité. Par contre, considérée à la lumière de l'ensemble de la preuve, elle permet de comprendre l'état d'esprit de l'appelante à l'époque où elle dévoile à l'intervenante sa participation au meurtre. Cette preuve est donc pertinente.
[30]        Par ailleurs, l'intérêt à ce que l'information demeure privilégiée ne revêt pas la même importance. Bien entendu, il faut favoriser la participation à une thérapie lorsqu'une personne en a besoin, mais cet avantage ne peut être élevé au niveau d'un privilège générique. Comme le souligne la juge McLachlin dans Ryan, précité, cela ne suffit pas :
31   Ces critères, appliqués à la présente affaire, démontrent qu'il y a un intérêt décisif à soustraire à la divulgation les communications en cause. Cependant, il faut plus que cela pour établir l'existence d'un privilège. Pour qu'un privilège existe, il faut démontrer que l'avantage tiré du privilège, si grand qu'il puisse sembler, l'emporte en fait sur l'intérêt qu'il y a à bien trancher le litige.
[31]        Il faut donc laisser aux tribunaux la possibilité de permettre de telles preuves. Ici, l'importance des confidences est indéniable. Considérées dans l'ensemble de la preuve, elles peuvent établir la culpabilité de l'appelante pour un double meurtre alors que l'enquête a piétiné pendant près de trente ans et ne fut rouverte qu'à l'occasion, justement, de confidences.
[32]        De même, l'appelante a autorisé l'intervenante à partager ses confidences avec sa supérieure hiérarchique. Cela ne règle peut-être pas toute la question, mais il s'agit assurément d'un fait dont on peut tenir compte au regard du quatrième critère, d'autant que les confidences ont été faites dans un contexte où elles paraissent fiables et sont susceptibles de confirmer le témoignage de Mme Lapalme sur un élément de preuve décisif.
[33]        Enfin, en ce qui a trait au pouvoir de common law d'exclure néanmoins la preuve, je partage l'avis du juge de première instance lorsqu'il dit :
Donc, à partir de ces décisions, j'estime que même s'il existe un pouvoir discrétionnaire d'exclure une preuve autrement admissible, les décisions que je viens de mentionner semblent soutenir la proposition que le procès n'est pas rendu inéquitable du seul fait que l'on introduit en preuve un écrit que l'on pourrait qualifier d'intime, confectionné par l'accusée dans un moment d'intimité, que ce soit dans la rédaction d'un journal ou dans la confection d'un poème ou dans l'écriture d'un texte qui se veut, finalement, un texte d'excuses à l'endroit de la sœur de l'accusée.

mardi 6 août 2013

La distinction fondamentale entre le vol et la fraude (école classique)

R. c. Lebel, 1990 CanLII 3015 (QC CA)


Dans une cause de Nadeau c. R., C.A.Q. 200-10-000004-760, le juge Lajoie a écrit:

 "La distinction fondamentale entre le vol et la fraude est que dans le premier cas, le propriétaire ou la personne qui a un intérêt spécial dans la chose en est privée sans avoir consenti à s'en départir tandis que dans le cas de la fraude, ce propriétaire est amené par des moyens dolosifs à consentir à s'en départir."

  Dans une cause de R. c. Dawood, (1975) 27 CCC (2d) 300 (C.S. Alberta, division d'appel), l'accusé a échangé les étiquettes sur de la marchandise et a ainsi obtenu deux items pour moins que le vrai prix.

 La Cour a renversé le verdict de culpabilité de vol, en statuant que l'offense commise était celle de faux-semblant, non pas de vol.  Au même effet est l'arrêt de notre Cour dans la cause de R. v. Klopping, reflex, (1980) 57 CCC (2d) 574; fraude ou faux-semblant, non pas vol.

Les principes de la théorie de l'identification issus de la common law & les modifications législatives du 31 mars 2004

R. c. Pétroles Global inc., 2012 QCCQ 5749 (CanLII)

Lien vers la décision

[68]        On peut résumer les principes de la théorie de l'identification issus de la common law comme suit :
1.   L’application de la théorie de l’identification a pour effet d’imputer à une personne morale la mens rea et l’actus reus de son âme dirigeante et, donc, d’entraîner sa responsabilité.
2.   Il peut y avoir plusieurs âmes dirigeantes au sein d’une même personne morale et chacune de ces âmes dirigeantes peut être associée à une sphère d’activités ou à un territoire précis.
3.   Afin de déterminer si un employé constitue une âme dirigeante, on ne considère pas le titre de l’employé, mais bien les fonctions qu’il exerce et les responsabilités qui lui incombent dans le champ d’activités qui lui a été délégué.
4.   La notion d’âme dirigeante n’inclut désormais plus seulement les hauts dirigeants et le conseil d’administration d’une personne morale.
5.   L’âme dirigeante est la personne qui a la capacité d’exercer un pouvoir décisionnel sur les questions de politique générale de la personne morale, plutôt que celle qui ne fait que mettre en œuvre ces politiques dans un cadre opérationnel.

6.   Ne permettent pas de faire échec à l’application de la théorie de l’identification :
a)   Le fait qu’il n’ait pas été expressément ordonné à un employé de commettre l’acte criminel en question;
b)   Le fait qu’il n’y ait pas eu de délégation expresse d’autorité à l’employé ayant commis l’infraction;
c)   Le fait que le conseil d’administration ou les membres de la direction de la compagnie n’étaient pas au courant des activités en cause;
d)   Le fait que des instructions expresses ou implicites interdisant les actes illégaux précis ou toute conduite en général aient été données;
e)   Le fait que l’âme dirigeante ait agi, en partie, frauduleusement envers la compagnie qui était son employeur;
f)     Le fait que l’âme dirigeante ait agi, en partie, pour son propre avantage.
7.   Constitue un moyen de défense et fait échec à l’application de la théorie de l’identification le fait que l’âme dirigeante ait agi entièrement dans son propre intérêt et ait visé principalement à frauder la compagnie qui était son employeur.
Les modifications législatives du 31 mars 2004
[69]        La Loi modifiant le Code criminel (responsabilité pénale des organisations)  a été adoptée et ses dispositions, à l’exclusion d’une seule, sont entrées en vigueur le 31 mars 2004.
[70]        Ces modifications législatives viennent apporter deux changements importants au Code criminel : l'ajout des notions de « cadre supérieur », d'« organisation » et d'« agent » prévu à l'article 2, ainsi que l'ajout de l'article 22.2 qui traite de la responsabilité des organisations pour les infractions de mens rea et qui, contrairement à la jurisprudence antérieure, n'utilise plus les termes « âme dirigeante » ou « alter ego », mais plutôt « cadre supérieur ».
[73]        À ce jour, aucune décision jurisprudentielle n’a défini la portée de l’article 22.2 C.cr. Le droit de la responsabilité des sociétés, tel qu’élaboré par la common law, a-t-il été seulement codifié par ces modifications législatives ou a-t-il été modifié?
[74]        Dans l’affaire Ontario Power Generation, le juge devait décider d’un cas de responsabilité par négligence. C’est donc l’article 22.1 C.cr. et non pas l'article 22.2 C.cr. qui devait être appliqué s'il avait été en vigueur au moment des faits reprochés. Dans cette décision, le juge a mentionné, en obiter, qu’il était d’avis que le projet de loi C-45 avait modifié les principes de responsabilité d’une personne morale établis par la common law.
[75]        Il semble partager l'avis exprimé par les auteurs Archibald, Jull et Roach à l'effet que les modifications apportées au Code criminel par la Loi L.C. 2003, c. 21 (projet de loi C-45) ont eu pour effet de changer de façon fondamentale le droit de la responsabilité des personnes morales. Ces modifications ont aboli le concept d'âme dirigeante élaboré par la common law pour le remplacer par « a much wider statutory distinction that attributes the fault of a corporation's senior officer to the corporation ».
[76]        Le Tribunal partage ce point de vue. La responsabilité des personnes morales, anciennement basée sur la faute d’une de leurs âmes dirigeantes, est désormais fondée sur la faute d’un de leurs « cadres supérieurs ». Et la responsabilité pénale de ce « cadre supérieur » pourra être imputée à l’« organisation ».
[77]        La dichotomie qui existait entre « élaboration » et « mise en œuvre » des politiques est supprimée. Désormais, une personne peut être considérée comme « cadre supérieur » et engager la responsabilité d’une organisation dans les deux cas, soit en ayant un rôle important dans l’élaboration des orientations de l’organisation, soit en assurant la gestion d’un important domaine d’activités de l’organisation.
L'intention du législateur
[78]        Les propos de Paul Harold Macklin, secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et Procureur général du Canada, rapportés dans le Hansard, laissent voir que l’intention du législateur était de faire en sorte que les actes d’un cadre intermédiaire (middle manager) puissent être considérés comme ceux de l’organisation. Comme exemple d’agent assurant la gestion d’un « important domaine d’activités », M. Macklin mentionnait « le gestionnaire d’un secteur comme les ventes, la sécurité, la commercialisation et le gestionnaire d’une entité de l’entreprise comme une région, un magasin ou une usine […] ».
[79]        La lecture de l'article 22.2 permet les constats suivants. Il peut exister plusieurs cadres supérieurs au sein d’une même organisation. Un cadre supérieur peut être associé à une sphère d’activité ou à un territoire précis, tout comme le voulait la théorie de l'identification. Cet article indique que l’on doit, afin de déterminer si un employé est un cadre supérieur, considérer les fonctions qu’il exerce et les responsabilités qui lui incombent dans le champ d’activités qui lui a été délégué. Il découle de cela que la notion de cadre supérieur n’inclut pas seulement les hauts dirigeants et le conseil d’administration d’une compagnie.
 [80]        De même, l'article 22.2 ne permet pas d’exclure la responsabilité d’une organisation aux motifs que : 
-         l'acte criminel visé n'a pas été expressément ordonné par un cadre supérieur ou un agent;
-         il n'y a pas eu autorisation expresse d'autorité au cadre supérieur ou à l'agent ayant commis l'infraction;
-         le conseil d'administration ou les membres de la direction ou de l'organisation n'étaient pas au courant des activités en cause;
-         des instructions expresses ou implicites interdisant les actes illégaux précis ou toute conduite en général aient été données;
-         le cadre supérieur ait agi, en partie, frauduleusement envers l’organisation;
-         le cadre supérieur ait agi, en partie, pour son propre avantage.
[81]        De plus, cet article permet également de conserver le moyen de défense reconnu par la Cour suprême dans l’affaire Canadian Dredgeet d’exclure la responsabilité pénale d’une organisation lorsque le cadre supérieur fautif a agi entièrement dans son propre intérêt.
L'introduction du critère de l'importance
[82]        Une autre nouveauté dans la définition de « cadre supérieur » est le critère de l’importance. Pour être considérée comme « cadre supérieur », une personne doit jouer un rôle important dans l’élaboration des politiques d'une organisation ou encore assumer la gestion d’un important domaine d’activités de celle-ci.
[83]        Déterminer ce que constitue un « rôle important » ou un « important domaine d'activités » est une question de fait obligeant le tribunal à examiner, à travers l'ensemble de la preuve présentée, l'intégralité de la structure organisationnelle et des activités de la corporation.
[84]        Afin de déterminer si une personne est un cadre supérieur, le Tribunal peut examiner non seulement le titre de la personne dans l'entreprise, mais aussi les fonctions qu'elle exerce et l'étendue de ses responsabilités. Il doit aussi mesurer l'importance du secteur d'activités que la personne gère au nom de la compagnie.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le rôle du juge de paix lors d'une demande de prolongation du délai de détention des biens saisis sous l'article 490 (2)

R. c. Palanivel, 2013 QCCQ 21021  Lien vers la décision [ 13 ]        Ainsi, la question à trancher par le juge, en vertu de l' article ...