Rechercher sur ce blogue

dimanche 26 mars 2017

L'état du droit quant aux suggestions communes vu par la Cour suprême

R. c. Anthony‑Cook, [2016] 2 RCS 204, 2016 CSC 43 (CanLII)
[32]                          Selon le critère de l’intérêt public, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. Mais que signifie ce seuil? Deux arrêts de la Cour d’appel de Terre‑Neuve‑et‑Labrador sont utiles à cet égard.
[33]                          Dans Druken, par. 29, la cour a jugé qu’une recommandation conjointe déconsidérera l’administration de la justice ou sera contraire à l’intérêt public si, malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, elle [traduction] « correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale ». Et, comme l’a déclaré la même cour dans R. c. B.O.22010 NLCA 19 (CanLII), par. 56 (CanLII), lorsqu’ils examinent une recommandation conjointe, les juges du procès devraient [traduction] « éviter de rendre une décision qui fait perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans l’institution des tribunaux ».
[34]                          À mon avis, ces déclarations fermes traduisent l’essence du critère de l’intérêt public élaboré par le comité Martin. Elles soulignent qu’il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe, une conclusion à laquelle je souscris. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner. Il s’agit indéniablement d’un seuil élevé — et à juste titre, comme je l’explique ci‑après.

Le nouveau cadre d'analyse établi par la Cour suprême quant aux délais déraisonnables

R. c. Jordan, [2016] 1 RCS 631, 2016 CSC 27 (CanLII)
[105]                     Le nouveau cadre d’analyse applicable aux demandes fondées sur l’al. 11b) peut être résumé comme suit :
                     Il existe un plafond au‑delà duquel le délai est présumé déraisonnable. Ce plafond présumé est de 18 mois pour les affaires instruites devant une cour provinciale, et de 30 mois pour celles portées devant une cour supérieure (ou pour les affaires instruites devant une cour provinciale au terme d’une enquête préliminaire). Les délais imputables à la défense ne comptent pas dans le calcul visant à déterminer si ce plafond est atteint.
                     Une fois le plafond présumé dépassé, le fardeau est inversé et le ministère public doit réfuter la présomption du caractère déraisonnable du délai en invoquant des circonstances exceptionnelles. Il doit s’agir de circonstances indépendantes de la volonté du ministère public, c’est‑à‑dire de circonstances (1) raisonnablement imprévues ou raisonnablement inévitables, et (2) auxquelles il ne peut pas être raisonnablement remédié. Si la circonstance exceptionnelle concerne un événement distinct, le délai attribuable à cet événement doit être soustrait du délai total. Si la circonstance exceptionnelle résulte de la complexité de l’affaire, le délai est raisonnable.
                     Lorsque le délai est inférieur au plafond présumé, la défense, dans des cas manifestes, peut faire la preuve que le délai est déraisonnable. Pour ce faire, elle doit démontrer deux choses : (1) qu’elle a pris des mesures utiles qui font la preuve d’un effort soutenu pour accélérer l’instance, et (2) que le délai a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être.
                     Pour les affaires en cours d’instance, le tribunal doit appliquer le cadre d’analyse selon le contexte et avec souplesse, tout en étant sensible au fait que les parties se sont fiées à l’état du droit qui prévalait auparavant.

mercredi 22 février 2017

Revue de l'état du droit de l'infraction de production de cannabis par la Cour d'appel

Turcotte c. R., 2013 QCCA 221 (CanLII)


[17]        La Loi réglementant certaines drogues et autres substances définit comme suit le terme « production » :
Relativement à une substance inscrite à l’une ou l’autre des annexes I à IV, le fait de l’obtenir par quelque méthode que ce soit, et notamment par:
a)         la fabrication, la synthèse ou tout autre moyen altérant ses propriétés physiques ou chimiques;
b)         la culture, la multiplication ou la récolte de la substance ou d’un organisme vivant dont il peut être extrait ou provenir de toute autre façon.
[18]        La juge en chef Duval Hesler exposait récemment, dans l'arrêt Rochon, les éléments qui constituent l'infraction de production de cannabis :
[11]      Les éléments constitutifs de la mens rea de l'infraction de production de marihuana (art. 7(1) et (2) Loi réglementant certaines drogues et autres substances.) sont les suivants: la connaissance que la culture, la multiplication ou la récolte de la substance a lieu et la connaissance de la nature de la substance produite.
[12]      En ce qui concerne l'actus reus, la poursuite doit prouver au-delà de tout doute raisonnable que l'accusée a cultivé, multiplié ou récolté la substance.
[13]      Quant à la participation à cette infraction sous 21 (1) b) C.cr., il faut une intention d'aider quelqu'un à commettre l'infraction. L'intention de ne pas dénoncer le contrevenant ne suffit pas. [Références omises]
[19]        Il est depuis longtemps établi que la seule présence d'un accusé sur les lieux d'une infraction ne peut, en elle seule, justifier une déclaration de culpabilité. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique souligne toutefois ce qui suit dans l'arrêt Bi, en ce qui concerne plus particulièrement la production de cannabis :
[2]        The trial courts in this province hear numerous cases involving offences arising out of the discovery of marijuana grow operations in single-family residences. Many of these cases are concerned with whether accused persons found to be living in the house are criminally implicated in the exposed drug enterprise. Evidence that establishes mere knowledge of the criminal conduct taking place in the residence is not enough. There must also be evidence from which it can be inferred that the accused person owned the marijuana crop, cultivated the crop, aided or abetted somebody else in the criminal operation, or otherwise had some control over the crop. [Notre soulignement]
[20]        Le fait que l'accusé se soit trouvé, pendant une heure, dans un entrepôt désaffecté où il n'y avait rien d'autre qu'une serre sophistiquée opérant la culture de cannabis, en présence du producteur de cette substance, alors qu'il a en main la clé de l'immeuble lui permettant d'y avoir accès en tout temps et qu'il contrôle la porte de garage, permet-il de déduire que celui-ci participait d'une façon quelconque à cette opération de production?
[21]        Le juge de première instance a conclu qu'à défaut d'autres explications, il s'agissait de la seule conclusion à tirer.

L'obligation de divulgation de la preuve de la poursuite face à un document se retrouvant dans le domaine public

Poirier c. R., 2001 CanLII 19246 (QC CA)


[9]               Quant aux notes sténographiques du procès Sawyer, le premier juge écrit à juste titre:
Quant à la transcription des notes du procès de monsieur Sawyer, la Cour est d'opinion que si elles peuvent être utiles au défendeur, il appartient à ces derniers d'en demander la transcription.
Ces notes sont du domaine public et ne sont pas en possession du ministère public.

Comment apprécier la modicité d'un cadeau ou d'un avantage reçu par un fonctionnaire


R. c. Chrétien, 1988 CanLII 568 (QC CA)

Lien vers la décision
[5]           Je ne saurais, pour ma part, approuver en principe l'emploi par un fonctionnaire supérieur, pour des fins personnelles, des équipements et de la main-d'œuvre de son employeur. Mais, ainsi que le signale le premier juge, il est des cas d'exception qu'on pourrait, en thèse générale, relier à la modicité de l'appropriation jointe à la nature des fonctions. C'est ainsi qu'on ne pourrait guère reprocher à un fonctionnaire de confier à sa secrétaire le soin d'un modeste courrier personnel qui ne saurait justifier l'embauche d'une secrétaire personnelle. C'est là un usage généralement et, je pense, légitimement reçu.
[6]           Le premier juge a, je le rappelle, conclu que «l'accusé doit bénéficier du doute que j'entretiens, à savoir, si les gestes ci-haut décrits peuvent constituer un abus de confiance ». Le cas me paraît se situer à l'extrême frontière de ce qu'on peut à la rigueur tolérer sinon approuver. Et tolérer aujourd'hui ne signifie pas qu'on tolérera demain. Les mœurs évoluent, témoin cet extrait du serment d'office que prêtait en 1909 un juge de la Cour supérieure du Québec :
« (...) et que vous n'accepterez, par vous-même ou par d'autre personne, secrètement ou ouvertement aucun don ou rémunération, en or ou en argent, ou d'aucune autre sorte, que vous puissiez convertir à votre profit, à moins que ce ne soit des comestibles ou des liqueurs et encore, qu'ils soient de peu de valeur, d'aucun homme qui aura aucune cause ou procès pendant devant vous, ni après pour la même cause, (...). »
[7]           On ne tolérerait certes pas aujourd'hui qu'un juge accepte quoi que ce soit «d'aucun homme qui [a] (...) cause ou procès pendant devant [lui] » fussent « des comestibles ou des liqueurs (...) de peu de valeur » non plus, à plus forte raison, que son serment d'office lui en proclame le droit.
[8]           Bref, le serviteur fidèle et prudent s'abstiendra, sans trop présumer du présent arrêt.

mardi 29 novembre 2016

Le moment de la décision sur la demande d’arrêt des procédures relativement à la destruction / perte d'élément de preuve



27                     La réponse à la question de savoir si l’arrêt des procédures est une réparation convenable dépend de l’effet qu’a, sur l’équité du procès, la conduite causant un abus de procédure ou quelque autre préjudice.  Souvent, il est préférable de trancher cette question au fur et à mesure du déroulement du procès.  En conséquence, le juge du procès a le pouvoir discrétionnaire de statuer sur la demande d’arrêt des procédures soit sur‑le‑champ, soit après avoir entendu une partie ou la totalité de la preuve.  À moins qu’il ne soit évident qu’aucune autre mesure ne pourra réparer le préjudice causé par la conduite donnant lieu à l’abus, il est généralement préférable de surseoir à statuer sur la demande.  Ainsi, le juge sera en mesure d’évaluer l’ampleur du préjudice et de déterminer si les mesures prises pour réduire celui-ci au minimum se sont avérées fructueuses.  Il s’agit de la procédure adoptée par la Cour d’appel de l’Ontario dans les affaires d’éléments de preuve perdus.  Dans R. c. B. (D.J.) (1993), 16 C.R.R. (2d) 381, la cour a dit ceci, à la p. 382:

[TRADUCTION] Il était impossible d’évaluer l’ampleur du préjudice dans les circonstances de l’espèce sans avoir entendu toute la preuve pertinente, preuve dont la nature permettait de démontrer si le préjudice était réel ou minimal.

De même, dans R. c. Andrew (S.) (1992), 60 O.A.C. 324, la cour a conclu, à la p. 325, que, sauf si la violation de la Charte [TRADUCTION] «est flagrante et manifeste, il est préférable que le procès ait lieu et que la question de la violation soit examinée au fur et à mesure de la présentation de la preuve».  Voir également:  R. c. François (L.) (1993), 1993 CanLII 8582 (ON CA)65 O.A.C. 306R. c. Kenny (1991), 1991 CanLII 2738 (NL SCTD)92 Nfld. & P.E.I.R. 318 (C.S.T.‑N. 1re inst.).

28                     J’ajouterais que, même si le juge du procès rejetait la requête dès le début du procès, une autre requête au même effet pourrait être présentée advenant un changement important de circonstances.  Voir R. c. Adams1995 CanLII 56 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 707, et R. c. Calder1996 CanLII 232 (CSC)[1996] 1 R.C.S. 660.  Il en serait ainsi dans le cas où, après le rejet de sa demande, l’accusé serait en mesure d’établir un changement appréciable de l’ampleur du préjudice.

Le respect de l’obligation de divulgation dans les affaires de perte d’éléments de preuve

R. c. La, [1997] 2 RCS 680, 1997 CanLII 309 (CSC)


16                     Depuis l’arrêt de notre Cour R. c. Stinchcombe1991 CanLII 45 (CSC)[1991] 3 R.C.S. 326 («Stinchcombe (no 1)»), il est bien établi que le ministère public a l’obligation de divulguer tous les éléments de preuve pertinents en sa possession, qu’ils soient inculpatoires ou exculpatoires et qu’il compte s’en servir ou non.  Dans cette affaire, les déclarations des témoins posaient un problème particulier.  Nous avons conclu que les notes prises par les policiers doivent être divulguées et que, s’il n’en existe pas, il faut communiquer un énoncé de ce que «va dire» le témoin, établi à partir des renseignements dont dispose le ministère public et résumant la déposition:  voir la p. 344.


17                     Dans R. c. Egger1993 CanLII 98 (CSC)[1993] 2 R.C.S. 451, notre Cour a reconnu que l’obligation de divulgation du ministère public donnait naissance à une obligation de conserver les éléments de preuve pertinents.  En effet, à la p. 472, nous avons souligné que le ministère public pouvait être tenu de garder des échantillons de sang au-delà du délai de trois mois prévu par la loi, afin de respecter les exigences en matière de divulgation découlant de l’arrêt Stinchcombe (no 1).

18                     La question des obligations du ministère public en matière de divulgation lorsque des éléments de preuve sont perdus s’est soulevée au cours du nouveau procès ordonnée par notre Cour dans Stinchcombe (no 1).  La police avait égaré l’enregistrement audio de l’entrevue d’un témoin, entrevue au cours de laquelle cette personne avait exprimé des doutes quant à l’exactitude de son témoignage antérieur.  L’agent qui avait fait l’entrevue était décédé des suites d’une tumeur au cerveau.  Cependant, le ministère public avait communiqué une transcription de l’entrevue.  En écartant l’arrêt des procédures inscrit par le juge du procès, la Cour d’appel de l’Alberta a souligné que ce sont les renseignements que contiennent les déclarations des témoins qui doivent être divulgués et non l’original de la déclaration:  Stinchcombe (no 2), précité.  Notre Cour a été d’accord avec cette conclusion, 1995 CanLII 130 (CSC)[1995] 1 R.C.S. 754, au par. 2:

Le ministère public ne peut produire que ce qu'il a en sa possession ou ce dont il a le contrôle.  Il n'existe pas de droit absolu de faire produire les originaux.  Si le ministère public a les originaux des documents qui doivent être produits, il doit les produire ou permettre qu'ils soient examinés.  Cependant, si les originaux ne sont pas disponibles et si le ministère public les a déjà eu en sa possession, il doit expliquer leur absence.  Si l'explication est satisfaisante, le ministère public s'est acquitté de son obligation, sauf si la conduite qui a entraîné l'absence ou la perte des originaux est en elle‑même telle qu'elle pourrait justifier une réparation aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés.


19                     Un principe similaire a été établi dans R. c. Chaplin1995 CanLII 126 (CSC)[1995] 1 R.C.S. 727, au par. 25:

Dans les cas où l’existence de certains renseignements a été établie, le ministère public est tenu de justifier la non‑divulgation en démontrant soit qu’il n’en a pas le contrôle soit qu’ils sont manifestement sans pertinence ou privilégiés.

20                     Cette obligation de justification découle de l’obligation qu’ont le ministère public et la police de conserver les fruits de l’enquête.  Le droit à la divulgation serait vide de sens si le ministère public n’était pas tenu de conserver des éléments de preuve qu’on sait pertinents.  Pourtant, malgré tous les efforts que déploie le ministère public pour conserver la preuve, comme l’être humain n’est pas infaillible, il arrive, à l’occasion, que des éléments soient perdus.  Le principe établi dans l’arrêt Stinchcombe (no 2), précité, reconnaît ce malheureux état de fait.  Si les explications du ministère public convainquent le juge du procès que la preuve n’a été ni détruite ni perdue par suite d’une négligence inacceptable, l’obligation de divulgation n’a pas été violée.  Toutefois, si le ministère ne parvient pas à convaincre le juge à cet égard, il manque à ses obligations en matière de divulgation et il y a en conséquence violation de l’art. 7 de la Charte.  Un tel défaut pourrait également indiquer qu’il s’est produit un abus de procédure, mais il s’agit-là d’une toute autre question.  L’accusé n’a pas à établir qu’il y a eu abus de procédure pour démontrer que le ministère public ne s’est pas acquitté de l’obligation de divulgation que lui impose l’art. 7.


21                     Pour déterminer si l’explication du ministère public est satisfaisante, la Cour doit analyser les circonstances dans lesquelles la preuve a été perdue.  La principale considération est la question de savoir si le ministère public ou la police (selon le cas) a pris des mesures raisonnables dans les circonstances pour conserver la preuve en vue de sa divulgation.  Un facteur qui doit être pris en considération est la pertinence qu’on accordait alors à l’élément de preuve en cause.  On ne peut attendre de la police qu’elle conserve tout ce qui lui passe entre les mains au cas où cela deviendrait un jour pertinent.  En outre, même la perte d’un élément de preuve pertinent ne constituera pas une violation de l’obligation de divulgation si la conduite de la police était raisonnable.  Cependant, plus la pertinence d’un élément de preuve est grande, plus le degré de diligence attendu des policiers pour conserver cette preuve est élevé.

22                     Quelle conduite découlant du défaut de divulguer constituera un abus de procédure?  Par définition, il doit s’agir d’une conduite d’une autorité gouvernementale qui viole les principes fondamentaux qui sous‑tendent le sens du franc‑jeu et de la décence de la société.  La destruction de propos délibéré d’éléments de preuve par la police ou par d’autres représentants du ministère public en vue de contourner l’obligation de divulgation de celui‑ci est un exemple du genre de conduites visées.  Toutefois, l’abus de procédure ne se limite pas aux conduites de représentants du ministère public qui agissent pour un mobile illégitime.  Voir, dans R. c. O’Connor1995 CanLII 51 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 411, aux par. 78 à 81, les propos exprimés par le juge L’Heureux‑Dubé pour la majorité sur cette question.  Par conséquent, d’autres dérogations graves à l’obligation qu’a le ministère public de conserver les éléments qui doivent être produits peuvent également constituer un abus de procédure, même s’il n’est pas établi que des éléments de preuve ont été détruits de propos délibéré pour faire obstacle à leur divulgation.  Dans certains cas, une conduite démontrant un degré inacceptable de négligence pourrait être suffisante.


23                     Dans l’une ou l’autre des circonstances évoquées précédemment, que le défaut de divulguer du ministère public constitue ou non un abus de procédure ou un autre manquement à son obligation de divulgation et, partant, une violation de l’art. 7 de la Charte, il est possible que l’arrêt des procédures soit la réparation convenable s’il s’agit d’un des rares cas où cette réparation, dont les critères d’application ont tout récemment été exposés dans O’Connor, précité, peut être accordée.  En toute déférence pour l’opinion exprimée par ma collègue le juge L’Heureux-Dubé selon laquelle le droit à la divulgation n’est pas un principe de justice fondamentale visé à l’art. 7, cette question a été tranchée dans Stinchcombe (no 1), précité, et la réponse confirmée dans R. c. Carosella1997 CanLII 402 (CSC)[1997] 1 R.C.S. 80.  Dans Stinchcombe (no 1), le droit de présenter une défense pleine et entière, dont le droit à la divulgation fait partie intégrante, a été spécifiquement reconnu comme étant un principe de justice fondamentale visé à l’art. 7 de la Charte.  Ce principe a été réaffirmé dans Carosella.  Au paragraphe 37 de cet arrêt, j’ai dit ce qui suit au nom de la majorité:

Le droit à la communication de documents qui satisfont au critère préliminaire établi dans Stinchcombe est l’un des éléments du droit de présenter une défense pleine et entière qui est lui un principe de justice fondamentale visé à l’art. 7 de la Charte.  Le fait de manquer à cette obligation constitue une atteinte aux droits constitutionnels de l’accusé, sans qu’il soit nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice additionnel.  Pour paraphraser les propos du juge en chef Lamer dans l’arrêt Tran [1994 CanLII 56 (CSC)[1994] 2 R.C.S. 951], la violation de ce principe de justice fondamentale est préjudiciable en soi.  L’obligation de prouver un préjudice additionnel ou concret concerne la réparation qui doit être déterminée en application du par. 24(1) de la Charte.



24                     L’obligation du ministère public en matière de divulgation de la preuve ne couvre évidemment pas tous les aspects du droit de présenter une défense pleine et entière garanti par l’art. 7 de la Charte En effet, même lorsque le ministère public s’est acquitté de son obligation en divulguant tous les renseignements pertinents en sa possession et en expliquant les circonstances de la perte de tout élément de preuve, l’accusé jouit toujours du droit que lui garantit l’art. 7 de présenter une défense pleine et entière.  Ainsi, il est possible, dans des circonstances exceptionnelles, que la perte d’un document soit à ce point préjudiciable au droit de présenter une défense pleine et entière qu’elle porte atteinte au droit de l’accusé à un procès équitable.  Dans de telles circonstances, il est possible que l’arrêt des procédures soit la réparation convenable, pourvu que les critères dont j’ai fait état plus tôt soient respectés.

25                     Il n’est pas nécessaire, pour trancher le présent cas, d’élaborer un critère devant être utilisé dans les affaires de ce genre.  Qu’il suffise de dire que, dans les cas où le ministère public s’est acquitté de ses obligations en matière de divulgation, l’accusé qui prétend que la perte d’un élément de preuve a eu pour effet de violer l’art. 7 doit démontrer que cette perte cause un préjudice concret à son droit de présenter une défense pleine et entière.  Une telle exigence ressort clairement des affaires d’éléments de preuve perdus examinées par ma collègue le juge L’Heureux‑Dubé dans ses motifs dans Carosella, précité; voir les par. 76 à 80.


26                     L’appelant a cherché à établir un parallèle entre le présent cas et l’affaire Carosella, arrêt rendu tout juste avant le début de l’audition du présent pourvoi.  Cependant, il existe une distinction très nette entre les deux affaires.  Dans Carosella, les documents détruits étaient pertinents et devaient être divulgués en vertu du critère établi dans O’Connor, précité.  La conduite du centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle avait fait perdre à l’accusé le droit que lui garantit la Charte d’obtenir la production de ces documents.  Cette situation constituait une atteinte grave aux droits garantis à l’accusé par la Constitution et, dans les circonstances particulières de cette affaire, l’arrêt des procédures était la seule réparation convenable.  Par contre, dans les cas où un élément de preuve est perdu par inadvertance, les mêmes inquiétudes ne se soulèvent pas en ce qui concerne la création de propos délibéré d’obstacles à l’exercice par les tribunaux de leurs pouvoirs en matière d’admission de la preuve.  Comme en témoigne cet extrait du jugement de la majorité dans cette affaire (au par. 56), nous avons expressément distingué ce cas des affaires d’éléments de preuve perdus en général:

Le système de justice fonctionne le mieux et ses décisions inspirent confiance au public lorsque ses mécanismes permettent de rendre disponibles tous les éléments de preuve pertinents qui ne sont pas par ailleurs exclus en raison d’une politique d’intérêt public prépondérante.  La confiance dans le système serait minée si l’administration de la justice excusait les comportements visant à contrecarrer les procédures des tribunaux.  L’organisme a pris la décision d’entraver le cours de la justice en détruisant systématiquement des éléments de preuve dont la production pourrait être requise en raison des pratiques des tribunaux.  Ce n’est pas une décision qui relève de l’organisme.  Dans notre système, qui est régi par la primauté du droit, c’est aux tribunaux qu’il appartient de décider quels sont les éléments de preuve qui doivent être produits ou admis.  C’est cet aspect particulier du présent pourvoi qui distingue le présent cas des affaires d’éléments de preuve perdus en général.  [Je souligne.]

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le pouvoir d'amender un acte d'accusation ou une dénonciation expliqué par la Cour d'appel de l'Ontario

R. v. K.R., 2025 ONCA 330 Lien vers la décision [ 17 ]        The power to amend an indictment or information under  s. 601(2)  of the  Crim...