R. c. M. (M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393
Résumé des faits
Des élèves ont donné au directeur adjoint d’une école secondaire des renseignements raisonnablement dignes de foi, selon lesquels un autre élève avait l’intention de vendre de la drogue lors d’une activité scolaire tenue à l’école. Le directeur adjoint a invité l’accusé à se rendre à son bureau où il a demandé s’il était en possession de drogue, en le prévenant qu’il le fouillerait. Un agent de la GRC en tenue civile, appelé par le directeur adjoint conformément à la politique de l’école, était présent mais est resté muet pendant que le directeur adjoint parlait aux élèves et les fouillait.
Analyse
La protection de la Charte contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives (art. 8) s’applique parce que les écoles font partie du gouvernement.
Le seul fait qu’il y ait eu coopération entre le directeur adjoint et la police et qu’un policier ait assisté à la fouille n’est pas suffisant pour indiquer que le directeur adjoint agissait en qualité de mandataire de la police.
L’attente raisonnable en matière de vie privée peut toutefois être réduite dans certaines circonstances. Dans le cas d’un élève à l’école, elle est moindre que celle qu’il aurait dans d’autres circonstances, car les élèves savent que leurs enseignants et autres autorités scolaires ont la responsabilité de procurer un environnement sûr et de maintenir l’ordre et la discipline dans l’école. Ils savent que cela peut parfois commander la fouille d’élèves et de leurs effets personnels de même que la saisie d’articles interdits.
L’une des façons dont les autorités scolaires peuvent être appelées à réagir raisonnablement consiste à fouiller des élèves et à saisir des articles interdits. En matière de droit criminel, la preuve découverte par un enseignant ou par un directeur ne devrait pas être écartée parce que la fouille aurait été abusive si elle avait été effectuée par la police.
Exiger un mandat ou une autre autorisation préalable pour procéder à la fouille serait clairement peu pratique et irréalisable dans l’environnement scolaire. Les enseignants et les directeurs doivent pouvoir répondre rapidement et efficacement aux problèmes qui surgissent à l’école, afin de protéger leurs élèves et procurer l’atmosphère ordonnée propice à l’acquisition de connaissances.
La fouille d’un élève par les responsables d’une école n’a pas à reposer sur des motifs raisonnables et probables. Au contraire, dans ces circonstances, ils peuvent effectuer cette fouille s’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’une règle de l’école a été violée ou est en train de l’être, et que la preuve de cette violation se trouve dans les lieux ou sur la personne de l’élève fouillé. Les fouilles entreprises dans des cas où la santé et la sécurité des élèves est en cause peuvent bien nécessiter l’application d’autres facteurs. Pour déterminer si une fouille est raisonnable, il faut prendre en considération toutes les circonstances qui l’ont entourée.
Un enseignant ou un directeur ne devrait pas être tenu d’obtenir un mandat pour fouiller un élève, et, partant, l’absence de mandat dans ces circonstances ne crée pas de présomption de fouille abusive. L’enseignant ou le directeur qui a des motifs raisonnables de croire qu’une règle de l’école a été violée et que la preuve de cette violation peut être découverte sur l’élève même peut procéder légitimement à la fouille de ce dernier.
La fouille exécutée par les autorités scolaires doit elle‑même être raisonnable, autorisée par la loi et appropriée eu égard aux circonstances et à la nature du manquement au règlement de l’école, dont on soupçonne l’existence. L’étendue acceptable de la fouille variera selon la gravité de l’infraction dont on soupçonne l’existence. Le caractère raisonnable d’une fouille effectuée par des enseignants ou des directeurs à la suite de la communication de renseignements doit être examiné et apprécié en fonction de toutes les circonstances en cause, y compris la responsabilité qu’ils ont d’assurer la sécurité des élèves. Les circonstances à examiner devraient aussi comprendre l’âge et le sexe de l’élève.
Cette norme modifiée des fouilles raisonnables devrait s’appliquer aux fouilles d’élèves à l’école, effectuées par des enseignants ou des autorités scolaires conformément à leur responsabilité et à leur pouvoir de maintenir l’ordre, la discipline et la sécurité à l’école. Cette norme ne s’appliquera pas aux mesures qui excèdent l’autorité des enseignants ou des directeurs. En outre, la situation est différente si les autorités scolaires agissent en qualité de mandataires de la police, et, dans ce cas, les normes habituelles s’appliquent.
Cette affaire ne porte que sur une fouille d’élèves exécutée dans une école élémentaire ou secondaire. On ne s’est pas penché sur le cas des fouilles effectuées dans des établissements de niveau collégial ou universitaire.
Même si le fait pour un élève de devoir se présenter au bureau du directeur ou d’être assujetti à quelque autre forme de contrainte de la part d’une autorité scolaire pouvait être perçu comme correspondant aux termes stricts de la définition du mot «détention», il n’y a pas lieu de considérer cela comme de la «détention» aux fins de l’application de l’al. 10b).
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