R. c. Veillette, 2004 CanLII 6753 (QC C.Q.)
La Cour Suprême dans l'affaire R. c. Malmo-Levine reconnaît que la marijuana est une drogue psychoactive qui agit sur les fonctions mentales et que sa consommation cause un préjudice qui n'est ni insignifiant, ni négligeable:
«Certains groupes de la société sont particulièrement vulnérables aux effets de la marijuana. Bien que les membres de ces groupes ne puissent être généralement distingués des autres consommateurs et représentent un pourcentage relativement minime de l'ensemble des consommateurs de marijuana, leur nombre est toutefois non négligeable en chiffres absolus.»
[24] Les consommateurs chroniques, les femmes enceintes et les schizophrènes seraient également particulièrement à risque. Cette décision reconnaît aussi que les adolescents sont des groupes vulnérables particulièrement à risque par le fait que la consommation de ces stupéfiants entraîne régulièrement des résultats scolaires médiocres.
[25] Le législateur, par le processus des peines, cherche à assurer un certain degré de réparation des torts causés à une victime, à son entourage et à la collectivité. En matière de production de cannabis, c’est la société tout entière qui est visée, si l'on considère le fléau social que représente l’usage des drogues, les conséquences pour les proches qui résultent de la dépendance reliée aux drogues et la criminalité engendrée par celles-ci. Cependant, le législateur vise aussi à dénoncer le comportement illégal, à dissuader la collectivité et quiconque de commettre des infractions, au besoin d’isoler les délinquants. De façon tout aussi importante, le législateur vise à favoriser la réinsertion sociale d’un accusé et susciter chez lui la conscience de ses responsabilités.
[26] Le Tribunal doit considérer, aux fins de déterminer la peine appropriée, les circonstances aggravantes comme les circonstances atténuantes. Le Tribunal doit chercher l’harmonisation des peines à l’égard de circonstances semblables, éviter l’excès, examiner d’envisager la privation de liberté, la possibilité de sanctions moins contraignantes et de toutes sanctions substitutives à l’incarcération lorsque les circonstances le justifient.
[27] Le principe fondamental est que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de l’accusé.
[28] En matière de stupéfiants, le législateur et la jurisprudence apportent beaucoup d’importance au degré de sophistication et d’organisation. La jurisprudence a nettement établi une gradation importante en regard de la quantité reliée et à la sophistication de l'organisation et l’implication de l’accusé.
[29] Dans l’affaire Luc Rivard, la Cour d’appel se prononçait sur la sentence de l’accusé, qui avait plaidé coupable à deux chefs de possession pour fins de trafic, l’un relié à la possession de plants de cannabis et l’autre à un peu moins de 3 kilogrammes de cannabis. L’accusé était impliqué dans la culture de marijuana et reconnaît son intention d’en faire le trafic. La Cour d’appel, ayant considéré qu’il s’agissait d’une entreprise de peu d’envergure, dont la valeur des stupéfiants se chiffrait à quelques milliers de dollars, a émis l’avis que les limites acceptables en matière de peine, en proportion avec la quantité et la nature des stupéfiants en cause, se situaient entre 3 et 9 mois d’emprisonnement. Elle ajoutait même que, dans certaines circonstances, une peine d’amende pourrait être appropriée. Dans ce dossier, elle cassait la sentence, rendue en première instance, de 18 mois et ordonnait une peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis. L’individu avait un casier judiciaire, avait fait la preuve de peu d’empressement à se remettre en question. Par ailleurs, il avait réussi à se trouver un emploi lui permettant d’assumer ses obligations financières à l’endroit de sa famille.
[30] La Cour d’appel a considéré que, dans le cas où un individu offre de sérieuses garanties de réhabilitation, au moment où la peine est prononcée, l’emprisonnement avec sursis peut légitimement être considéré.
[31] Dans l’affaire La Reine c. Kopf, où l’accusé a plaidé coupable à l’accusation d’avoir cultivé du cannabis et d’en avoir eu en sa possession pour fins de trafic, la Cour d’appel a considéré qu’il s’agissait d’un individu faiblement criminalisé, vivant avec une compagne avec laquelle il avait des projets d’avenir, et que son aventure dans la culture de chanvre indien était marquée de l’amateurisme, voire de naïveté. La Cour d’appel a aussi considéré le fait que l’accusé n’était lié à aucune organisation criminelle connue. La Cour d’appel maintenait la période de 12 mois d’emprisonnement au sein de la communauté en considérant une période de six semaines où l’accusé était détenu, en attente de l’audience devant la Cour d’appel, soit une peine totale équivalente à 13 ½ mois.
[32] Par ailleurs, même s’il faut certainement éviter de bâtir un barème de sentence en seule proportion avec la quantité de stupéfiants en cause, la Cour d’appel a nettement indiqué que plus la quantité en cause est importante, plus le facteur de dissuasion prend de l’importance. Ainsi, dans l’affaire La Reine c. Couture, la Cour d’appel maintenait une sentence de deux ans moins un jour pour un individu condamné à la possession pour fins de trafic de 335 plants de marijuana. Par ailleurs, dans l’affaire R. c. Gatien, la Cour d’appel du Québec maintient une sentence de 30 mois d’emprisonnement pour une accusation de possession dans le but de trafic où l’accusé était en possession de 741 plants. La Cour a considéré la quantité, la valeur sur le marché, les antécédents judiciaires de l’accusé à titre de circonstances aggravantes. La Cour considérait la peine proportionnelle à l’enseignement retenu par l’affaire R. c. Couture.
[33] Dans l'affaire Valiquette c. La Reine, la Cour d'Appel a maintenu une sentence d'un an d'emprisonnement pour la production de cannabis. Ont été perquisitionnés 440 plants de cannabis et 22.05 kilos de cannabis en vrac au sein d'une résidence de l'accusé. L'accusé était âgé de 26 ans et sans antécédents judiciaires. L'accusé était impliqué dans un nouveau projet de vie puisqu'il suivait un cours technique d'usinage. Les risques de récidive étaient évalués comme étant faibles, l'accusé était considéré comme n'ayant pas le profil d'un criminel récidiviste et bénéficiait d'un rapport sur sentence généralement favorable.
[34] Dans La Reine c. Valence, la Cour d'Appel a substitué une peine de dix-huit mois de détention à une peine de deux ans moins un jour à être purgée dans la collectivité. Cette peine équivalait à une peine de vingt-et-un mois considérant le temps purgé en détention provisoire. Dans cette affaire, l'accusé n'avait pas d'antécédents judiciaires, il bénéficiait d'un rapport sur sentence favorable et il présentait aussi un risque de récidive minime. Il s'était engagé dans une entreprise de grande envergure et sophistiquée, elle s'étendait dans six résidences et dans un entrepôt assez important. La Cour s'appuie sur le degré d'organisation pour ne pas accorder l'emprisonnement au sein de la communauté, elle considère l'amplitude de l'organisation, son degré de planification, la grande quantité de plants à maturité et le but de lucre poursuivi. Elle considère aussi les sommes susceptibles d'être encaissées par les accusés si l'entreprise n'avait pas été démantelée, ainsi que le nombre de personnes impliquées et le rôle directeur que jouait l'accusé. Dans ces circonstances, la Cour d'Appel est d'avis qu'il est absolument essentiel de donner le poids nécessaire à l'élément de dissuasion. Elle souligne: "Les crimes de cette nature sont en progression constante et produisent des conséquences qui visent de plus en plus les jeunes de notre société. Non seulement plusieurs jeunes sont-ils de la sorte invités à consommer de la drogue, mais cette consommation en amène certains à commettre d'autres crimes et à varier le type de drogues qu'ils consomment".
[35] Dans l'affaire Houle c. La Reine, la Cour d'Appel a rejeté la requête pour autorisation d'appeler une peine de trente-six mois d'emprisonnement relativement à la production de cannabis et la possession de résine de cannabis en vue d'en faire le trafic. Cette peine avait été prononcée alors que l'accusé avait déjà purgé quinze mois de détention provisoire, ce qui équivalait donc à une peine globale de soixante-six mois d'emprisonnement. Il procédait à de la production de cannabis à trois endroits dont deux résidences. Il y avait aussi une plantation sur une terre, une transformation importante avait été apportée à l'immeuble.
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