R. c. Douab, 2009 QCCQ 5734 (CanLII)
[108] Fondé sur la prémisse que des individus qui ont commis des crimes semblables dans des circonstances analogues devraient être traités de façon comparable, ce principe mène tout naturellement à l'analyse de la jurisprudence.
[109] La Poursuivante, quant à elle, propose quatre jugements récents de première instance provenant de quatre provinces différentes, dont le Québec: s'y ajoute en outre un autre jugement de première instance dont le Tribunal a connaissance. Toutes ces affaires ont en commun de mettre en cause des individus qui occupaient des postes de gestion et qui ont abusé de la confiance de leur employeur.
[110] Ainsi, dans l'affaire R c. Cameron, AZ-50343563 (C.Q.), le 17 novembre 2005, le juge Laurin devait imposer une peine au directeur des ventes d'un concessionnaire automobile qui, à trois reprises sur une période de six mois, avait procédé à des manipulations frauduleuses à l'égard de véhicules pris en échange: il en avait résulté une appropriation, pour le bénéfice personnel de l'accusé, «d'une somme d'au moins 34 006,38 $» (à la page 5). Fait important à noter, l'accusé désirait, dans cette affaire aussi, bénéficier d'une absolution conditionnelle au remboursement d'une somme de 15 000 $, à l'exécution de 100 heures de travaux communautaires et à l'obligation de suivre une thérapie. Or, après avoir procédé à une analyse exhaustive des principes et objectifs sentenciels applicables en semblable matière, le juge a refusé de prononcer une absolution et l'a plutôt condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis de 18 mois, assortie de l'obligation de rembourser aux victimes la somme de 34 006,38 $ et d'effectuer 120 heures de travaux communautaires.
[111] Puis, dans l'affaire R. v. Betke, 2007 ABPC 288 (CanLII), 2007 ABPC 288, le juge LeGrandeur, de la Cour provinciale de l'Alberta, devait imposer une peine à une femme de 32 ans qui n'avait aucun antécédent judiciaire et qui, sur une période de six mois, avait à trois reprises accordé des prêts à de faux clients alors qu'elle était gérante de la firme Rent Cash Inc.: la perte totalisait 4 500 $. Pendant qu'une vérification comptable avait cours, l'accusée avait laissé une enveloppe contenant une confession écrite de ses crimes ainsi que l'expression de ses excuses. La Couronne sollicitait l'imposition d'une période d'incarcération. Au moment où l'accusée demandait un emprisonnement avec sursis à la Cour, son procureur était par ailleurs en possession de la somme de 4 500 $ qu'elle lui avait remise pour qu'elle soit acheminée à la victime. Étant mère monoparentale responsable d'une adolescente de 13 ans et le crime ayant été perpétré alors qu'elle avait accumulé un surplus de dettes, elle fut condamnée à neuf mois d'emprisonnement avec sursis.
[112] De même, dans l'affaire R. v. Bent, 2007 NSPC 63 (CanLII), 2007 NSPC 63, le juge Williams, de la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse, infligea lui aussi une peine d'emprisonnement de neuf mois avec sursis, assortie de 24 heures de travaux communautaires et d'une ordonnance de restitution au montant de 522,39 $, à un homme de 52 ans, sans antécédent judiciaire, qui était employé de la Défense nationale depuis 22 ans et qui, à quatre reprises sur une période de six ans, avait effectué des achats personnels totalisant 4 684,24 $ avec la carte de crédit corporative alors qu'il occupait la fonction de gérant de la maintenance. Une laveuse, une sécheuse et un moteur hors-bord, totalisant une valeur de 4 161,85 $, avaient cependant été récupérés et, au moment de l'acquisition du moteur hors-bord, l'accusé avait, comme c'est le cas ici, impliqué un tiers à qui il avait demandé de faciliter la perpétration du crime en falsifiant une pièce justificative. À noter que, comme dans la présente affaire aussi, l'accusé sollicitait une absolution, qui lui fut refusée.
[113] En outre, dans l'affaire R. v. Green, 2008 MBPC 15 (CanLII), 2008 MBPC 15, le juge Pollack, de la Cour provinciale du Manitoba, devait imposer une peine à l'assistante-gérante d'un restaurant qui, âgée de 39 ans et sans antécédent judiciaire, s'était fait de faux remboursements à partir de la carte de débit corporative à laquelle elle avait accès. Échelonnée sur seulement 16 jours, la fraude s'était produite à sept occasions et totalisait la somme de 4 400 $. Alors que la Défense réclamait l'imposition d'une sentence suspendue assortie d'une probation, le juge l'a plutôt condamnée à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une ordonnance de restitution pour le montant total de 4 400 $.
[114] L'on aura noté au passage que, dans les trois affaires qui précèdent, le nombre de gestes malhonnêtes imputés aux délinquants était inférieur à celui reconnu par monsieur Douab. Au surplus, le montant total des fraudes dont il était alors question était inférieur à 5 000 $: il s'agissait donc, en réalité, de sanctionner des crimes dont les conséquences pécuniaires étaient de l'ordre de quatre fois moins importantes que ceux admis par monsieur Douab.
[115] Ces quatre jugements récents rendus par des tribunaux de première instance sont par ailleurs compatibles avec des jugements plus anciens rendus dans des circonstances analogues, ce qui démontre que la jurisprudence a tendance à être relativement constante et cohérente en la matière.
[116] Par exemple, dans l'affaire R. c. Skoulikides, AZ-99031286 (C.Q.), le 8 juin 1999, la Cour du Québec a refusé de prononcer une absolution à l'égard de la directrice d'une succursale bancaire qui, sans antécédent judiciaire et sur une période de deux ans, avait détourné une somme totale de 91 977 $ pour assouvir sa dépendance au jeu: elle a plutôt été condamnée à une peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une probation de deux ans incluant l'obligation de suivre une thérapie.
[117] La Défense a par ailleurs, de son côté, produit neuf précédents dans lesquels des absolutions, des sursis de sentence ou une amende ont été imposés dans des circonstances où des crimes avaient été commis après avoir été planifiés et, parfois, répétés. S'y ajoute un dixième jugement, plus ancien, retracé par le Tribunal.
[118] Mais, avant de se consacrer à leur analyse, deux observations s'imposent. La première, c'est qu'il s'agit, dans neuf de ces dix cas, de jugements de première instance rendus par la Cour du Québec ou par la Cour supérieure, le dixième l'ayant été par la Cour supérieure en appel d'un jugement rendu par la Cour du Québec en matière sommaire. Quant à la seconde observation, elle découle du fait que dans quelques-unes de ces affaires, il ne s'agissait pas de cas de vol ou de fraude: nous y reviendrons.
[119] Cela dit, ce sont, parmi les causes citées par la Défense, les affaires Meunier et Cadoch qui s'avèrent les plus intéressantes et les plus pertinentes pour les fins du présent dossier: dans les deux cas, les absolutions sollicitées n'ont pas été prononcées.
[120] D'abord, dans l'affaire R. c. Meunier, AZ-50155344 (C.Q.), le 12 décembre 2002, le juge Marchand, de la Cour du Québec, a refusé d'accorder une absolution à une directrice d'école de 45 ans, sans antécédent judiciaire, qui avait détourné, sur une période de huit mois, une somme de 30 000 $ de l'organisme Consortium Allô Prof, dont elle était par ailleurs la directrice générale.
[121] Elle avait dépensé un montant de 7 000 $, provenant des sommes subtilisées, pour offrir un voyage à sa fille et avait injecté le résidu dans une entreprise dont elle était partenaire. Elle avait en outre perdu ses deux emplois à la suite de la découverte des malversations et gagnait depuis sa vie comme suppléante, en plus de devoir travailler pour l'entreprise de son mari. Elle a néanmoins bénéficié d'un sursis de sentence, assorti d'une probation de trois ans incluant l'obligation d'effectuer 200 heures de travaux communautaires.
[122] Puis, dans l'affaire R. c. Cadoch, EYB 2008-150143, J.E. 2009-281 (C.Q.), le juge Bélisle, de la Cour du Québec, devait imposer une peine à un homme sans antécédent judiciaire qui, sur une période de huit jours, avait effectué des transactions non autorisées dans le compte détenu par la victime chez le courtier en valeurs mobilières à escompte Disnat: le client avait subi des pertes de 15 000 $ que l'accusé avait déjà remboursées en totalité au moment de la détermination de la peine, la perpétration du crime ayant par ailleurs été motivée par un problème de jeu compulsif.
[123] Or, alors que la Poursuivante proposait une sentence suspendue assortie d'une probation de trois ans et que l'accusé sollicitait une absolution inconditionnelle au motif que son nouvel emploi requérait de fréquents déplacements aux États-Unis, le juge a estimé «qu'un public bien informé pourrait perdre confiance dans la crédibilité du système judiciaire si l'accusé bénéficiait d'une absolution»: qualifiée de «raisonnable dans les circonstances», c'est la peine suggérée par le Ministère public qui fut infligée, et ce malgré le remboursement total dont avait déjà bénéficié la victime et malgré le fait que les crimes n'avaient pas clairement été commis dans un but d'enrichissement personnel.
[124] Cela dit, il convient d'analyser aussi les jugements dans lesquels des absolutions ont été prononcées.
[125] D'abord, dans l'affaire R. c. Mattey, AZ-96031127 (C.Q.), le 12 février 1996, le juge Bonin a entériné une suggestion commune de la Couronne et de la Défense et prononcé une absolution inconditionnelle dans le dossier très particulier d'une vice-présidente, taxation et relations avec les investisseurs, d'une multinationale qui avait gonflé ses comptes de dépense d'une somme de 67 042,80 $ au fil des ans. Comptable agréée de profession et professeure à temps partiel à l'Université McGill, elle avait perdu ses deux emplois et avait été radiée de son Ordre professionnel pour une durée de trois ans. Ayant remboursé la totalité du montant détourné et effectué un don de 5 000 $ à une œuvre de charité, elle avait refait sa vie aux États-Unis, où son permis de travail était cependant conditionnel à l'absence d'antécédent judiciaire. Après avoir pris l'affaire en délibéré et soupesé le tout, le juge Bonin en est venu à la conclusion que la suggestion commune des procureurs n'était pas déraisonnable dans les circonstances. La décision n'a évidemment pas été portée en appel.
[126] Puis, dans l'affaire R. c. Blain, 2004 CanLII 13737 (QC C.Q.), 2004 CanLII 13737 (QCCQ), le juge Séguin devait imposer une peine à un président d'élection qui avait plaidé coupable à une accusation d'abus de confiance «en rapport avec l'utilisation de faux documents»: sur une période de moins de trois mois, il avait transmis trois factures sur lesquelles il avait signé le nom de son épouse et qui correspondaient, semble-t-il, à de la «surfacturation». Or, il est important de le souligner, le juge retient que la somme totale de 7 750 $ dont il était question «représente la partie de la rémunération touchée illégalement par l'accusé pour des services qui ont quand même été rendus et pour lesquels n'est pas discuté l'à-propos ou la qualité des services» (au par. 24), et ce dans un contexte où «l'accusé qui était déjà rémunéré pour ses services comme président des élections n'avait pas droit à un supplément» (au par. 25). Tenant compte du remboursement intégral de la somme de 7 750 $, le Ministère public requérait l'imposition d'une amende de 3 500 $ alors que la Défense proposait que la même somme soit versée à un organisme de charité dans le cadre d'une absolution. Comme l'accusé avait par ailleurs été congédié de la fonction publique fédérale pour son geste et qu'il avait aussi été exposé à la réprobation générale en raison de la médiatisation de l'affaire, il bénéficia, sur remboursement des sommes illégalement perçues et versement de la donation de 3 500 $, d'une absolution inconditionnelle.
[127] Par ailleurs, dans l'affaire R. c. Lebel, 2006 QCCQ 12803 (CanLII), 2006 QCCQ 12803, la juge Paradis, de la Cour du Québec, était saisie d'un dossier très particulier. L'accusé, qui opérait une entreprise de comptabilité à domicile, s'était vu confier par une Caisse populaire le mandat d'examiner la conformité des états financiers de l'une de ses clientes. Or, comme l'accusé ne détenait pas les affiliations professionnelles requises pour pouvoir signer le rapport de la «mission d'examen», il a, pendant quatre années consécutives, signé ce rapport du nom d'une femme qu'il prétendait connaître. Mais les chiffres apparaissant dans les états financiers joints à l'examen de mission étaient exacts et la Caisse populaire n'en a subi aucun préjudice: l'accusé lui-même n'avait d'ailleurs retiré aucun gain personnel de l'affaire, le véritable bénéficiaire ayant été son client qui avait ainsi économisé 2 000 $ par année en honoraires. Or, une personne qui portait le même nom que la signataire apparente des rapports de mission se trouvait à être membre de l'Ordre des comptables en management accrédité (CMA): l'usurpation d'identité lui a causé de nombreux problèmes, dynamique que l'accusé ne pouvait semble-t-il pas anticiper au moment de la commission des infractions. Vu l'absence d'intention frauduleuse et l'absence de perte matérielle, la juge a accepté, pour quatre chefs de fabrication et d'utilisation de faux documents, de prononcer une absolution conditionnelle au versement d'une donation de 2 000 $ à un organisme de charité.
[128] En outre, dans l'affaire R. c. Ngankoy, 2007 QCCQ 6028 (CanLII), 2007 QCCQ 6028, le juge Vauclair, de la Cour du Québec, était saisi du cas d'un réfugié en attente de statut de résidence permanente, qui avait plaidé coupable à une infraction de vol «à hauteur de 1 650 $» alors qu'il occupait un poste à l'Archevêché de Montréal. En fait, il avait obtenu, d'une personne ayant un retard mental, une somme d'argent destinée à permettre à cette personne de se rendre à la Journée mondiale de la jeunesse à Cologne, mais le voyage n'avait pu avoir lieu faute de vols disponibles. Lorsque le remboursement a été demandé, l'accusé a confié avoir dans l'intervalle utilisé l'argent à des fins personnelles. Il a néanmoins remboursé promptement la moitié de la somme due mais, comme le solde tardait à suivre, le client a porté plainte à la police. Dès le dépôt de cette plainte, l'accusé a payé intégralement le solde dû. Alors que le Ministère public demandait à la Cour de surseoir au prononcé de la peine et de placer l'accusé sous probation avec obligation d'accomplir 30 heures de travaux communautaires, le juge a pris en compte les remords et les excuses exprimées par le délinquant, les conséquences possibles d'une condamnation sur le processus en cours en matière d'immigration, ainsi que le remboursement total déjà effectué: il l'a fait bénéficier d'une absolution conditionnelle assortie d'une probation comportant l'obligation d'effectuer 25 heures de travaux communautaires.
[129] Par ailleurs, dans l'affaire R. c. X., 2007 QCCQ 4043 (CanLII), 2007 QCCQ 4043, la juge Lefebvre, de la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec, devait infliger une peine à un adolescent, âgé de 16 ans au moment des événements, qui avait fraudé un collège d'une somme de 14 125,25 $ en recourant à une carte de guichet, selon les instructions qui lui avaient été données par des gens que la police soupçonnait d'appartenir à des gangs de rue. Invoquant le manque de maturité et le caractère très influençable de l'adolescent, la juge insiste sur les objectifs et principes de détermination de la peine prévus à l'article 38 de la LSJPA, lesquels ajoutent à ceux codifiés aux articles 718 à 718.2 C.cr., et accorde, conformément à la recommandation de l'auteur du rapport prédécisionnel, une absolution conditionnelle au versement d'une indemnité de 500 $ au collège et à l'exécution de 50 heures de travaux bénévoles.
[130] Quant à l'affaire R. c. Beauchamp, 2008 QCCS 3966 (CanLII), 2008 QCCS 3966, elle résulte d'un procès par jury au terme duquel l'accusé n'a été déclaré coupable que de deux des cinq chefs d'accusation déposés contre lui. Le juge Champagne, de la Cour supérieure, devait dès lors lui imposer une peine dans un contexte de saga successorale alors que, à la suite du décès de sa mère de 90 ans, sa sœur et sa fille l'avaient poursuivi. Or, après cinq ans de guérilla et un jugement final qui rejeta toutes les demandes, «Claudette Beauchamp et le prévenu, qui devaient se partager ces avoirs, n'auront rien»; «seule la liquidatrice obtiendra la maison de la défunte, qu'elle hypothéquera d'ailleurs pour payer le solde des honoraires!» (au par. 13). Concluant «qu'il s'agit ici d'une fraude dépassant 5000 $, mais dont on ne connaît pas l'étendue exacte» (au par. 16), le juge est confronté, comme c'est le cas ici, à des positions irréconciliables: le Ministère public réclame l'imposition d'une peine d'emprisonnement de 18 à 24 mois à purger dans la collectivité, assortie de travaux communautaires, alors que la Défense recherche le prononcé d'une absolution inconditionnelle. Tenant compte du fait que «les crimes commis l'ont été dans le cadre d'un conflit familial que toute autre peine ne contribuerait pas à régler» (au par. 49) ainsi que du fait que «la relance de [son entreprise] HiCat demandera un grand nombre de démarches de sa part auprès de partenaires privés comme AON, d'organismes du gouvernement comme le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), d'universités étrangères telles que le Massachusetts Institute of Technology (MIT)» (au par. 33), le juge opte finalement pour «favoriser la réinsertion sociale de Beauchamp» (au par. 38) en le faisant bénéficier d'une absolution conditionnelle au versement d'un don de 5 000 $ à un organisme de charité.
[131] Puis, dans l'affaire R. c. Marcoux, 2009 QCCQ 1472 (CanLII), 2009 QCCQ 1472, le juge Barrière, de la Cour du Québec, devait lui aussi infliger une peine dans des circonstances très particulières, alors qu'un jeune finissant en techniques policières, qui n'avait pas encore amorcé ses études à l'Institut national de la police, s'était retrouvé, seul et portant une bonbonne de poivre de cayenne pour toute arme, dans le village inuit isolé de Kangigsujuaq. Pendant son contrat d'une durée de six mois, tant le poste de police que sa résidence temporaire avaient été attaqués par des adolescents qui lançaient des bombes incendiaires, provoquant stress et anxiété chez la jeune recrue. Pour «calmer ses nerfs et dormir adéquatement», il avait pris, dans la salle des exhibits, l'équivalent de dix cigarettes de marijuana, drogue qui devait être détruite puisque les dossiers étaient terminés. Alors que le Ministère public réclamait l'imposition d'une peine de détention ferme, le juge a plutôt opté pour une absolution conditionnelle assortie d'une probation de six mois comportant l'obligation d'effectuer 120 heures de travaux communautaires, non sans préciser par la même occasion que «de laisser un jeune candidat seul, non armé, dans un endroit problématique où sa propre sécurité est en danger, n'est pas une situation tolérable».
[132] Enfin, l'affaire Ledieu c. R., AZ-50549501 (C.S.), le 25 mars 2009, que le procureur de la Défense a incluse dans son cahier d'autorités (sous l'onglet 9), n'a aucune pertinence en l'espèce: il s'agit du cas d'un immigrant français qui, devant la Cour du Québec, avait enregistré un plaidoyer de culpabilité à une accusation de menaces à l'égard de son épouse, et ce alors que son état mental posait problème, qu'il n'avait pas reconnu l'exactitude des faits qu'on lui reprochait et qu'il s'était mépris quant aux conséquences de son plaidoyer sur son projet d'immigration. En appel, le juge Champagne, de la Cour supérieure, a annulé le verdict et ordonné la tenue d'un nouveau procès.
[133] Que faut-il retenir maintenant de la jurisprudence citée par la Défense? Essentiellement que, si l'absolution est parfois une mesure sentencielle appropriée lorsqu'il s'agit de sanctionner des crimes d'honnêteté qui ne sont pas purement ponctuels ou spontanés, une telle sentence ne peut être prononcée que lorsqu'existent de très importantes circonstances atténuantes liées tant à la commission de l'infraction qu'à la situation du délinquant. Une vice-présidente qui perd tout et doit s'exiler aux États-Unis pour des comptes de dépense exagérés; des heures surfacturées mais réellement travaillées; une signature fausse sur des documents vrais; un remboursement à moitié fait dont l'autre moitié tarde trop; un adolescent immature et très influençable sous le joug d'un gang; une fraude dont le montant est inconnu dans le cadre d'une guérilla intra-familiale; un jeune homme seul et vulnérable qui soigne lui-même son anxiété; tout cela sur fond de remboursements déjà effectués lorsque les crimes ont causé des pertes, ce qui n'était quand même pas le cas dans tous ces dossiers: voilà ce que la jurisprudence a considéré comme constituant des circonstances très particulières justifiant l'octroi d'une absolution.
[134] Or, dans la présente affaire, ces circonstances très particulières n'existent pas. Il suffira en effet de relire les extraits du présent jugement relatifs à la détermination du degré de responsabilité pénale du délinquant [par. 81 à 95] ainsi qu'à l'identification des circonstances aggravantes et des circonstances atténuantes [par. 101 à 106] pour constater que monsieur Douab a très peu de facteurs exceptionnels à faire valoir, si l'on exclut du débat la dynamique de l'immigration.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire