R. c. Leclerc, 2007 QCCQ 11277 (CanLII)
[13] Le législateur n’a pas prévu de peine minimale pour la production de stupéfiants.
[14] La Cour est d’avis qu’une peine d’emprisonnement inférieure à deux ans est appropriée dans les circonstances.
[15] Quant à la menace que pourrait représenter l’accusé s’il purgeait sa peine au sein de la collectivité, la Cour conclut que les risques de récidive peuvent être assumés par un encadrement serré.
[16] Une fois les exigences préalables de l’emprisonnement avec sursis rencontrées, la Cour doit déterminer si cette sanction est conforme aux principes énoncés aux articles 718 à 718.2 C. cr.
[17] La Cour est d’opinion que la dénonciation, la dissuasion individuelle et collective et l’exemplarité doivent primer, dans le cas sous étude, sur la réhabilitation et la réinsertion sociale de l’accusé.
[18] La gravité objective du crime est importante. Le législateur a prévu une peine maximale de sept ans d’emprisonnement pour la production de cannabis.
[19] La gravité subjective de l’infraction est aussi à souligner. Il s’agit d’un crime planifié, prémédité et qui n’a pas été commis parce que l’accusé avait une dépendance à la drogue mais dans un but de lucre afin de se sortir d’une impasse financière pour rembourser une dette due à un usurier trop agressif à son égard.
[20] La peine doit être proportionnelle à la gravité objective et subjective de l’infraction commise et au degré de responsabilité du délinquant. De plus, la peine doit être adaptée aux circonstances aggravantes et atténuantes liées à la perpétration de l’infraction et à la situation personnelle du délinquant.
[21] Dans l’arrêt R. c. Ngoc Dung Le, mon collègue le juge Marc Bisson a fait une étude exhaustive sur la détermination de la peine en matière de production de cannabis pour en conclure que la peine imposée est, sauf circonstances exceptionnelles, une peine de détention ferme.
[22] La Cour partage également l’opinion du juge Guy Gagnon (maintenant juge en chef à la Cour du Québec) qui rejetait l’emprisonnement dans la collectivité, dans l’arrêt R. c. Shelby, pour les raisons suivantes :
« (…), il semble que le caractère de dissuasion doit primer et celui-ci ne peut être atteint par le biais du sursis (art. 718 b) C.cr.). De plus, cela aurait, de l’avis du Tribunal, l’effet de minimiser la dénonciation de ce qui consiste le fléau grandissant qu’est devenue la culture de stupéfiants (art. 718 a) C.cr.), ce type de criminalité étant, faut-il le dire, l’une des premières pierres d’assises d’un édifice voué à une criminalité dont les effets pervers sur la société deviennent de plus en plus difficilement mesurables tellement ils sont importants.
Je ne dis pas que ce genre de crime exclut l’application du sursis, mais je dis plutôt que dans le cas en l’espèce, il n’est tout simplement pas consistant avec les objectifs et les principes mis de l’avant tels qu’énoncés aux articles 718 à 718.2 du Code criminel.
D’ailleurs, à cet effet, le juge Fish dans l’affaire Veillette c. La Reine, [1998] A.Q. No 2678, 500-10-001185-972 (C.A.), écrit :
"As I explained in Gagnon, however, a conditional sentence is by no means automatic, even when the term of imprisonment is for less than two years, and where serving the sentence in the community will not endanger its safety. The sentencing judge must be satisfied as well that a conditional sentence order is consistent with the objective and principles set out in ss. 718 to 718.2 of the Criminal Code.” »
[23] Dans l’arrêt R. c. Valence, la Cour d’appel du Québec, district de Québec, a clairement indiqué qu’il faut donner du poids à l’élément dissuasion, tant à l’égard des gens vivant dans la localité régionale où ont été commises les infractions qu’à l’égard de la société en général, avant d’ajouter les propos suivants auxquels cette même Cour d’appel, district de Montréal, adhère entièrement :
« Les crimes de cette nature sont en progression constante et produisent des conséquences qui visent de plus en plus les jeunes dans notre société. Non seulement plusieurs jeunes sont-ils de la sorte invités à consommer de la drogue mais cette consommation en amène certains à commettre d’autres crimes et à varier le type de drogue qu’ils consomment. »
[24] Il est maintenant de commune renommée que la culture de cannabis dans des lieux résidentiels est devenue un fléau en Montérégie.
[25] Dans l’arrêt Valiquette, précité, la Cour d’appel mentionne que la pertinence du facteur « situation locale » prend appui dans l’arrêt de la Cour suprême R. c. M. (C.A.). Après avoir rappelé, au par. 90 de son opinion, que le législateur fédéral, à l’art. 717(1) C. cr. [maintenant 718.3(1)], a conféré expressément au juge chargé de prononcer les peines, le pouvoir discrétionnaire de déterminer le genre de peine qui doit être infligée et l’importance de celle-ci, le juge Lamer écrit au par. 91 :
« Fait peut-être le plus important, le juge qui impose la peine exerce normalement sa charge dans la communauté qui a subi les conséquences du crime du délinquant ou à proximité de celle-ci. De ce fait, il sera à même de bien évaluer la combinaison particulière d’objectifs de détermination de la peine qui sera « juste et appropriée » pour assurer la protection de cette communauté. »
[26] Dans l’arrêt R. c. Proulx, le juge en chef écrivait ce qui suit :
« Toutefois, il peut survenir des cas où la nécessité de dénoncer est si pressante que l’incarcération est alors la seule peine qui convienne pour exprimer la réprobation de la société à l’égard du comportement du délinquant ou pour décourager des comportements analogues dans le futur. »
[27] La Cour en vient à la conclusion que l’emprisonnement avec sursis n’est pas indiqué dans la présente affaire et que l’incarcération est la seule peine qui convienne pour rencontrer les objectifs de dénonciation, dissuasion et d’exemplarité.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[28] CONDAMNE l’accusé à une peine d’emprisonnement de 15 mois sur chacun des chefs d’accusation à être purgée simultanément.
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