R. c. Tremblay, 2009 QCCQ 1171 (CanLII)
[43] Dans l'affaire Keddy précitée, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse confirme la décision du juge de première instance qui avait conclu qu'un délai de 30 à 36 minutes écoulées entre le moment ou l'ordre donné au prévenu de fournir un échantillon d'haleine et le moment du test rendait inadmissible le certificat d'analyse. Selon le Tribunal, les échantillons n'avaient pas été prélevés dès qu'il a été matériellement possible de le faire. Ce délai avait été consacré à l'attente de la remorqueuse.
[44] La Cour d'Appel s'exprime ainsi :
"Here, the parked vehicle posed no threat to any other vehicle. Once it was secured as the officer and MR Keddy secured it, there was no risk to the parked vehicle where a tow truck was on the way. Once, the truck had been secured there was no reason to remain to wait for the tow truck.
Once the officer secured the truck he did not act reasonably sitting there making notes and just waiting for the tow truck."
[45] La Cour d'Appel de la Saskatchewan dans l'affaire R. c. Prodahl M.V.R. a décidé qu'un délai d'attente de 15 minutes entre l'arrestation et le départ pour le poste causé par l'attente d'une dépanneuse était raisonnable. Considérant les conditions routières et climatiques difficiles, la Cour a estimé qu'il aurait été irresponsable de la part du policier de quitter les lieux avant l'arrivée et la prise en charge du véhicule par la dépanneuse.
[46] Dans cette affaire R. c. Budgell, un délai de 25 minutes avait été consacré à l'attente d'une dépanneuse. Le juge conclut qu'il n'est pas raisonnable pour un agent de police d'attendre 25 minutes pour une dépanneuse sans vérifier si un collègue est en mesure de prendre la relève.
[47] Dans R. c. Kamyab, l'accusé avait été conduit au poste par le policier ayant procédé à son arrestation pour conduite avec les facultés affaiblies. Le technicien qualifié était demeuré sur les lieux dans l'attente de la dépanneuse retardant ainsi les tests de 19 minutes. Cette décision des policiers était basée sur une politique du service de police. Selon le Tribunal, d'autres options auraient pu être envisagées qui auraient permis au prévenu d'être amené au poste plus rapidement et testé plus rapidement.
[48] Le juge écrit :
"In the circumstances, while not at all faulting the police officers but assessing the policy that they were following, I find such a policy runs afoul the provisions of the Criminal Code which clearly provide that the tests be taken "as soon as practicable". It is not reasonable, in the circumstances, for the police to have delayed the taking of the breath samples by requiring that the breathalyzer technician guard and secure a vehicle on the side of the road for almost 20 minutes while the arrestee is taking to and waiting at the police station to provide samples of the breath."
[49] Dans R. c. Payette, notre collègue le juge Pierre Chevalier, dans un jugement fort bien documenté, a jugé que la priorité accordée par les policiers pendant 23 minutes à l'attente d'une dépanneuse, bien que fondé sur une politique du service, n'était pas déraisonnable.
[50] Le juge écrit :
« je note également que la mise en application de cette politique de remorquage de la Sûreté du Québec s'inscrit dans un contexte d'efficacité et de conscience des exigences de la loi relativement au critère "as soon as practicable". »
[51] Selon le juge, les policiers avaient usé de discernement dans la mise en application de la politique, en examinant d'autres options : confier le véhicule au passager, appeler un autre patrouilleur pour prendre la relève.
[52] Il conclut que la mise en application de la politique était efficace et n'avait pas entraîné de délai déraisonnable. Conséquemment, que les échantillons avaient été pris "as soon as practicable".
[53] Dans R. c. Katwaru, le juge a décidé qu'un délai de 20 minutes pour l'attente d'une dépanneuse était déraisonnable. Un troisième policier s'était présenté sur les lieux pour amener un appareil de détection. Le Tribunal conclut : "In the absence of any explanation as to what the sergeant was doing during this time frame, which have precluded the constables from taking Mr. Katwaru to the station earlier, the conduct of the police was not reasonably prompt."
[54] Dans R. c. Servinis, le juge conclut qu'un délai de trente minutes pour l'attente d'une dépanneuse était déraisonnable considérant qu'une dépanneuse était déjà sur place. C'est d'ailleurs le conducteur de cette dépanneuse qui avait dénoncé certains symptômes d'ébriété que présentait l'accusé impliqué dans un accident.
[55] S'appuyant sur le principe selon lequel les tests n'ont pas à être prélevés ''as soon as possible'', mais qu'ils doivent être faits "as soon as practicable", le juge conclut : "Constable Karjailanen clearly testified that they could have asked Mr. Rowsell to tow the vehicle if Mrs. Servinis agreed and that they did not ask her for her permission. They simply arranged for LB Towing to do the job and waited for half an hour for it to arrive. As such, I am not satisfied that the breath tests were taken as soon as practicable."
[56] Dans R. c. Marsh, la juge Odette Perron de notre Cour, rappelant que la Couronne n'avait pas à justifier chaque minute du délai qui s'écoule entre l'infraction et les tests, ni à justifier celui qui s'écoule entre l'arrivée et le départ de la remorqueuse, a conclu qu'un délai de quarante minutes pour l'attente d'une dépanneuse n'était pas déraisonnable.
[57] Dans cette affaire, l'accusé n'était pas muni d'un certificat d'immatriculation valide. Il s'agissait d'un secteur achalandé. Les policiers voulaient s'assurer de la sécurité du véhicule et de celle des citoyens circulant dans le secteur. Le Tribunal a jugé ces explications satisfaisantes et a conclu que les tests avaient été faits « dès que matériellement possible ».
[58] En résumé, ce n'est pas tant la longueur du délai d'attente qui importe, mais les motifs qui le soutiennent. Un délai injustifié par les policiers ou par les circonstances peut être jugé déraisonnable. Chaque cas est d'espèce et doit être analysé selon les circonstances.
[59] Le Tribunal partage également l'opinion émise par le juge Chevalier, dans l'affaire Payette précitée, selon laquelle un policier peut être fondé à s'appuyer sur une politique si elle est raisonnable, appliquée avec discernement et n'entraîne pas de délai excessif.
[60] Dans le cas à l'étude, le délai de 37 minutes entre l'arrestation et la prise en charge de la dépanneuse répond-t-il aux exigences de l'article 258(1)c)(ii) ?
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